VÉRONE Maria

Par Christine Bard

Née le 20 juin 1874 à Paris (XXe arr.), morte le 23 mai 1938 à Paris (IXe arr.) ; féministe ; socialiste ; militante de la Ligue des droits de l’Homme (LDH).

Maria Vérone à 8 ans.

Fille de Gustave Vérone, employé en comptabilité, libre penseur, et de Marie-Antoinette Charpentier, fleuriste-plumassière, Maria Vérone après avoir fréquenté l’école communale de Levallois-Perret, entra à l’école primaire supérieure Sophie-Germain. Elle se montra studieuse, avide d’apprendre et indépendante. La mort de son père en 1890 arrêta net ses espoirs de devenir un jour professeur de mathématiques. Elle aida alors sa mère, fleuriste-plumassière, tout en continuant à étudier. Elle fut nommée en 1894 institutrice adjointe de la Ville de Paris et fit des remplacements jusqu’en 1897.

Dès son enfance, elle avait accompagné ses parents à des réunions de la Libre pensée. À quinze ans, son père Gustave Vérone, proposa Maria comme secrétaire du Congrès International de la Libre-pensée qui se déroulait rue de Lancry, du 15 au 22 septembre 1889. La proposition fut acceptée à l’unanimité. Marie Vérone et Gustave firent partie du Comité d’organisation à Paris. Elle rédigea les procès-verbaux du Congrès et fut félicitée pour son travail.
Conférencière dès l’âge de dix-huit ans, sous-directrice du Cercle d’enseignement laïque à vingt ans, elle donna à Orléans en 1897 une conférence sur l’éducation du peuple qui provoqua sa révocation.

Adhérente de la coopérative « La Ménagère », dans le XVIIIe arr. de Paris, fondée par Eugène Varlin en janvier 1868, Maria Vérone fut déléguée au congrès constitutif de la Bourse des coopératives socialistes, à Paris, en 1900. Élue et réélue pendant plusieurs années au comité central, elle faisait en outre partie de plusieurs commissions, notamment celle dite « des résolutions sur la coopération socialiste » au congrès de Lille en 1901 et elle adhérait au Mouvement des Universités populaires. En 1900, elle adhéra à la Ligue française du droit des femmes (LFDF), en devint en 1904 la secrétaire générale, sous la présidence de Marie Bonnevial, puis la présidente, de 1919 à sa mort.

Quand la Fronde à laquelle elle collaborait sous le pseudonyme de Thémis, cessa de paraître en 1902, Maria Vérone continua à enseigner et à donner quelques articles. Avec l’aide d’une amie, elle se mit au latin et au grec et passa son baccalauréat. Elle s’inscrivit en droit en 1904 et obtint sa licence trois ans plus tard mais la Ville de Paris lui refusa une bourse de doctorat réservée aux futurs électeurs.

En 1906, elle divorça de l’imprimeur Maurice Ruben Giès (1874-1937), qu’elle avait épousée le 10 mars 1900 mais qui l’avait déçue. Ils avaient élevés deux enfants : Antoinette, née de père inconnu en 1896 et Georges Giès, fils de Maurice, né le 20 mars 1901, mort en 1980 qui tous deux héritèrent de ses idées. Elle se remaria en 1908 avec l’avocat Georges Lhermitte, rédacteur à l’Aurore, qui partageait ses opinions au point de devenir le vice-président puis le président (à la mort de sa femme) de la LFDF.

Maria Vérone s’inscrivit au barreau en 1907 : « Petit bout de femme, pétillante, alerte, brave, avec sa toque en bataille sur des cheveux un peu fous. C’était la première fois qu’une femme plaidait aux Assises. Ce fut un triomphe » rapporta un de ses confrères, Vincent de Moro-Giafferri. Elle se passionna pour l’enfance « coupable », contribua à la création des tribunaux pour enfants et siégea au comité qui les organisa à Paris. Elle fut nommée en 1914 membre de la commission extra-parlementaire pour la rédaction du code de l’Enfance. Mais l’activité de Maria Vérone ne se limita pas aux tribunaux pour enfants. Elle plaida dans toutes les juridictions, brillamment, et sans notes.

Elle avait fait adopter en 1909 par le congrès de la Ligue des droits de l’Homme le principe de l’égalité politique des sexes. Depuis 1910, elle siégeait au comité central de la Ligue des droits de l’Homme mais dut en démissionner à la suite d’un désaccord avec Ferdinand Buisson qui lui reprochait sa collaboration au journal la Liberté. Maria Vérone, socialisante, participa aux réunions du Groupe des femmes socialistes en 1913 et 1914. En mars 1913, elle fut élue à la commission exécutive du Groupe des femmes socialistes, dont la secrétaire était Élisabeth Renaud.

Quand le Sénat, le 21 novembre 1922, rejeta le droit de vote des femmes, elle s’écria avant d’être expulsée « Vive la République quand même ! » qui lui valut le surnom de « Madame quand même », sobriquet immérité, tant elle mit un point d’honneur à refuser tous les compromis boiteux et à défendre avec intransigeance le droit de vote intégral et les droits civils complets. Entre les deux guerres, elle se prononça pour le principe de l’indépendance du mouvement vis-à-vis des partis et s’opposa au réformisme et à la stratégie d’entrisme au Parti radical de l’Union française pour le suffrage des femmes dirigée par Cécile Brunschvicg. Elle tenta de relancer l’action directe (c’est-à-dire les manifestations de rue, dont les autorisations officielles furent quasi systématiquement refusées) et prit part à de nombreuses manifestations en face ou au sein du Sénat. Elle déploya autant d’énergie à défendre le droit au travail des femmes et l’égalité des salaires. Elle participa en 1934 au Comité de défense du travail féminin chargé de s’opposer aux restrictions du droit au travail des femmes et en 1935 à la création de la section française de l’Open Door International qui s’opposa à toute réglementation spécifique du travail féminin (à l’exception de celle liée à la maternité) ; elle devait en être la présidente d’honneur. En juin 1936, elle devait tancer la CGT et le gouvernement, leur demandant, vainement, de faire appliquer le principe de l’égalité des salaires lors des négociations des conventions collectives.

Maria Vérone cultiva son image d’incorruptible, méprisant l’arsenal de la séduction féminine arborant fièrement en broche un jeton révolutionnaire portant l’inscription « Vivre libre ou mourir ». Elle dirigea le Droit des femmes de 1919 à sa mort et diffusa les idées féministes dans d’innombrables articles de presse, et notamment dans l’Œuvre à laquelle elle collaborait depuis 1908.

Elle fut aussi membre d’honneur de l’Union temporaire contre la prostitution réglementée, fondée en 1926 par Marcelle Legrand-Falco, et vice-présidente de l’Association d’études sexologiques, créée en 1931 par le Dr Édouard Toulouse.

Le pacifisme constitua également une partie importante des activités de Maria Vérone. Dès avant 1914, elle défendit la paix dans les congrès de l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes et du Conseil international des femmes. Comme la plupart des féministes, elle se convertit à la « guerre du Droit » en 1914. Elle fonda plusieurs ouvroirs à Paris, créa l’Œuvre des filleuls de guerre pour 400 poilus des régions envahies. Elle reçut en mars 1915 une délégation hollandaise, puis en juin 1915 une délégation anglaise du Congrès féministe-pacifiste de La Haye, et leur signifia son refus de toute initiative féministe en faveur de la paix aussi longtemps que le sol français et belge serait occupé par l’Allemagne. Après l’armistice, elle défendit le projet de Société des Nations, puis évolua, dans les années trente, vers un ultra-pacifisme qui n’excluait pas l’antifascisme. Elle participa, en tant que présidente de la LFDF, à des meetings du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme entre 1935 et 1937. En 1938, elle invita les femmes à lutter « pour la paix contre toutes les guerres ». Elle appartint au Comité d’honneur de la conférence internationale des femmes pour la défense de la paix, de la liberté, de la démocratie qui se tint les 13-15 mai 1938 à Marseille, quelques jours avant sa mort, le 23 mai 1938.

Elle avait été nommée en janvier 1936 chevalier de la Légion d’honneur et avait participé à la fondation de l’Union des femmes décorées de la Légion d’honneur en février 1938.

Sa carrière avait été pour les féministes un modèle exemplaire. Son jubilé, organisé par Andrée Lehmann qui l’avait secondée à la LFDF, avait été fêté le 31 janvier 1933 à l’hôtel Continental.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article134220, notice VÉRONE Maria par Christine Bard, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 29 octobre 2022.

Par Christine Bard

Maria Vérone à 8 ans.
Maria Vérone à 16 ans.
Maria Vérone à son domicile.
Maria Vérone avocate
Maria Vérone dans son bureau d’avocate
Maria Vérone âgée.
Clichés fournis par son arrière-petit-fils Jean-Louis Le Breton, septembre 2020.

ŒUVRE : La Séparation et ses conséquences (avec G. Lhermitte), 1906Woman Suffrage in Practice (avec Chrystal Macmillan et Marie Stritt), London, 1913Résultats du suffrage des femmes, 1914. — La femme et la loi, 1920. —Pourquoi les femmes veulent voter, 1923. — La situation juridique des enfants naturels, 1924. — La femme devant la loi autour du monde, 1930.

SOURCES : Arch. Nat. F7/13266. — Arch. PPo. BA/1651. — Le Droit des femmes, juin 1938 (n° spécial consacré à sa mémoire). — La Femme socialiste, 1er avril 1913. — Dossier Maria Vérone et correspondance, Bibliothèque Marguerite Durand. — Dossier Maria Vérone, fonds Marie-Louise Bouglé, Bibliothèque historique de la Ville de Paris. — LFDF, Cinquante ans de féminisme : 1870-1920, 1921. — Dict., t. 15. — H. Josephson, Biographical Dictionnary of Modern Peace Leaders, Londres, 1985. — Laurence Klejman, Florence Rochefort, L’Égalité en marche, 1989. — Christine Bard, Les filles de Marianne. Histoire des féminisme, 1914-1940, Paris, Fayard, 1995. — Dictionnaire des intellectuels français, Paris Le Seuil, 1996. — Christine Bard, "Maria Vérone", Dictionnaire des féminismes. France XVIIIe-XXI siècle, PUF, 2017, p. 1508, 1513. — Documentation Jean Gaumont. — Le Coopérateur de France, 4 juin 1938 (article nécrologique). — Notes de Jean-Louis Le Breton, petit-fils de Maria Vérone et de Maurice Giès, septembre 2020.

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