VIALATOUX Joseph, Gabriel, Marie

Par Bruno Poucet

Né le 2 juillet 1880 à Grézieu-la-Varenne (Rhône), mort le 3 mars 1970 à Vaugneray (Rhône) ; professeur de philosophie dans l’enseignement secondaire privé et à l’Institut catholique de Lyon ; militant à la Chronique sociale ; syndicaliste CFTC ; vice-président fondateur du Syndicat de l’enseignement Libre du second degré et technique de la région académique de Lyon.

Joseph Vialatoux, né près de Lyon, était le fils de Gabriel Vialatoux et de Jeanne Périer. Né dans une famille de tradition catholique aisée, ses grands parents paternels étaient propriétaires rentiers, son grand père maternel étant notaire. Son père, également notaire, devint veuf alors que son fils avait cinq ans ; il le mit comme interne au collège des Chartreux à Lyon. Joseph Vialatoux poursuivit ensuite ses études dans les facultés de droit, lettres et philosophie et décida, au grand étonnement de sa famille, après son service militaire et un stage d’un an dans l’étude de notariat de son père, de ne pas en reprendre la charge à son compte, afin de mieux s’engager dans le catholicisme social. Joseph Vialatoux se maria le 14 octobre 1905 avec Catherine, Antoinette, Jeanne Audibert qui lui donnera cinq enfants. Il fut mobilisé entre 1914 et 1919 comme officier d’administration du service de santé.

Licencié ès lettres (philosophie), Joseph Vialatoux enseignait cette discipline à Lyon, au collège de son adolescence, les Chartreux, de 1919 à 1956 et, dans la dernière partie de sa carrière, également à l’Institut catholique de Lyon. Il enseigna également, avant la guerre au cours Pierre Terrier, à la Grange Belle. Dès 1923, il fut membre actif de la société lyonnaise de philosophie et participa, en 1924, à la fondation du groupe lyonnais d’études médicales, philosophiques et biologiques. Dans ce cadre, il fut l’un des rédacteurs des notes bibliographiques de la revue Van (1921-1939). Il fut en 1937 l’un des fondateurs d’un groupement spirituel des professeurs de l’enseignement catholique du diocèse de Lyon. En 1943, il intervenait au Centre de formation pédagogique de Lyon et fit une conférence hebdomadaire de pédagogie et de culture générale sur La méthode de Socrate appliquée à l’éducation.

Intellectuel chrétien, il fit très tôt parti du milieu des catholiques sociaux et fut permanent de la Chronique sociale de 1902 à 1914 : responsable des groupes d’études ruraux du département du Rhône, à partir de 1905, il écrivit de nombreux articles dans les journaux du mouvement tel la Chronique sociale de France, dirigée par Marius Gonin ; il était en 1907, secrétaire de rédaction de La Démocratie du Sud-Est (devenu Le Social en 1909). Il rédigea des brochures, participa à l’organisation de sessions et en fut l’un des premiers conférenciers laïques. Proche du Sillon, il s’opposa à l’influence de l’Action française. Il s’intéressa très tôt au syndicalisme et examina d’un œil favorable les débuts du syndicalisme chez les instituteurs de l’enseignement public, en 1907. Il participa également aux Semaines sociales de France dont il devînt l’un des conférenciers, dès 1911 et l’un des conseillers d’Eugène Duthoit, président des Semaines sociales de 1919 à 1944. Par ailleurs, en 1911, il avait été brièvement membre de la société d’encourageant aux écoles laïques de son village natal.

Le 16 juin 1937, Joseph Vialatoux fonda avec Jean Baumgartner le Syndicat de l’enseignement libre du second degré et technique de la région académique de Lyon, affilié à la CFTC. Il en fut le vice-président jusqu’en 1951, puis le président d’honneur.

Il participa également à la fondation de la Fédération des syndicats chrétiens de l’enseignement libre CFTC. Il en fut vice-président de 1938 à 1945. On peut dire qu’il était le principal inspirateur de la doctrine syndicale des débuts du syndicalisme CFTC dans l’enseignement libre. Il estimait que l’adhésion à la CFTC était une nécessité car « il est bon qu’un syndicat de l’enseignement chrétien ne reste pas à l’écart de l’ensemble des travailleurs chrétiens mais apporte le témoignage de sa confiance et la contribution de son dévouement à leur confédération ».Il estimait que le syndicat devait être indépendant de la hiérarchie religieuse et revendiquait ainsi pour les enseignants le droit d’appartenir librement à la CFTC et non au syndicat professionnel dirigé par Léon Olmer Il précisait alors, dans la Chronique sociale de novembre 1937, que "la mission du syndicat chrétien est de travailler ouvertement sous la lumière directrice de la doctrine sociale catholique, à l’instauration laborieuse et difficile d’un ordre social chrétien ». En 1938, cette position ne rencontra pas l’assentiment de l’Assemblée des cardinaux et archevêques de France qui encourageait l’adhésion à la CFTC, sauf pour les maîtres de l’enseignement catholique : on craignait de ce côté que les revendications ne mettent en péril l’équilibre financier précaire des établissements. En ce sens, il était suspect aux yeux d’une certaine partie de la hiérarchie, d’autant qu’il n’hésitait pas à écrire, dans un rapport commandé par le cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, en 1940, que l’enseignement catholique souffrait de nombreux maux dont un manque total d’organisation et de coordination.

Pendant la guerre, il s’engagea dans la résistance intellectuelle : il fut l’un des principaux rédacteurs du Cahier du Témoignage chrétien, « Les voiles se déchirent » (XV-XVI d’août décembre 1943, la première édition parue dans le Cahier XII, en 1942, ayant été saisie par la police, n’a pas été diffusée) où il publia un article qui ne laisse aucun doute sur sa signification « Le paganisme nazi et l’entreprise de nazification française ». Il ne limita pas à la résistance spirituelle puisqu’il accueille chez lui un autrichien anti-nazi, une famille juive polonaise, des résistants.

Après la guerre, il reprenait son activité syndicale et s’opposa au cardinal archevêque de Lyon, Mgr Gerlier et à Mgr Bornet, directeur diocésain, à propos de la position de l’Église pendant l’Occupation vis-à-vis de l’école privée : il estimait, au grand dam des responsables religieux, que l’acceptation des subventions, avait été une faute politique majeure, car inféodant l’Église au gouvernement de Vichy. Il intervint, par ailleurs, en acceptant de publier sous son nom, en compagnie d’André Latreille, un article du chanoine André Colomb : celui-ci prit en effet position dans le débat sur la laïcité et le devenir de l’enseignement privé, en participant à la rédaction d’un numéro spécial de la revue Esprit en octobre 1949, « Christianisme et laïcité » : il soutenait que la laïcité représentait une vraie chance pour la liberté de pensée et de croyance, invitant les catholiques à être davantage présents dans l’enseignement public. Plus tard, en 1951, Joseph Vialatoux manifesta son opposition au vote de la loi Barangé.

Avancé en âge, il continua à s’intéresser de près aux problèmes de la société, puisqu’il prit publiquement position contre la pratique de la torture en Algérie et publia un ouvrage sur la question. Il prit également position sur les événements nombreux qui traversèrent l’Eglise à l’époque : prêtres ouvriers, condamnation des théologiens « suspects », tels que le père de Lubac. Joseph Vialatoux resta ainsi jusqu’à la fin de sa vie un intellectuel chrétien engagé dans son siècle.
Il mourut à Vaugneray, petit village de la banlieue de Lyon, le 2 mars 1970.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article134342, notice VIALATOUX Joseph, Gabriel, Marie par Bruno Poucet, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 12 octobre 2022.

Par Bruno Poucet

ŒUVRE : La Maison humaine, Paris, Bloud et Gay, 1926, 126 p. ; Morale et Politique, Paris, DDB, 1931, 138 p. ; Philosophie économique. Études critiques sur le naturalisme, Paris, DDB, 1932 ; la Cité de Hobbes. Théorie de l’État totalitaire, Paris, Gabalda, 1935 ; Le Problème de légitimité du pouvoir. Vichy ou De Gaulle ? Paris, Éditions du livre français, 1945, 93 p ; L’intention philosophique, Paris, PUF, 1952, 99 p. ; Signification humaine du travail, Paris, éditions ouvrières, 1953 ; La répression et la torture. Essai de philosophie morale et politique, Paris, Les Éditions ouvrières, 1957, 134 p ; Le peuplement humain, Paris, Les éditions ouvrières, 2 t., 1957-1959. Par ailleurs de nombreux articles ont paru dans La Chronique sociale de 1908 à 1961, dans la Démocratie du Sud-Est et le Social (de 1907 à 1914), Les Annales de philosophie chrétienne (1913-1960), la Revue des jeunes, Les cahiers de la Nouvelle Journée, Les Cahiers du Témoignage chrétien, Esprit, La vie intellectuelle.

SOURCES : Arch. FEP-CFDT, 13Y3. — Arch. historique de l’archevêché de Lyon, 11/II/143, 149. --- Arch. de l’Institut catholique de Lyon, fonds Vialatoux, dossier 23, 112. — Arch. du Syndicat de l’enseignement privé CFDT de Lyon. — Arch. privées Gabriel Marcon. — Voix CFDT, supp. Édition SEPR, 12 mai 1988, n° 186. — Pierre Collin, Intellectuels chrétiens et esprit des années 20, Les Éditions du Cerf, 1997. — Pierre Pierrard, Les laïcs dans l’Église de France, Les Editions ouvrières, 1988, p. 134-135. Golias, n° 29, printemps 1992, p. 123. — Christian Ponson, « Joseph Vialatoux, le philosophe lyonnais » dans Jean-Dominique Durand et alii (dir.) Cent ans de catholicisme social à Lyon et en Rhône-Alpes, Paris, Les Éditions ouvrières, 1992, p. 453-484. ; Les catholiques français et la chronique sociale (1892-1914), Lyon, 1979, p. « la chronique sociale à Lyon en 1940 » dans Église et chrétiens dans la IIè Guerre mondiale. La région Rhône Alpes, Lyon, 1978. — Bruno Poucet, Entre l’Église et la République, une histoire de la Fédération de la Formation et de l’Enseignement Privés CFDT, Éditions de l’Atelier, 1998, 252 p. ; Histoire et mémoire de la FEP-CFDT, L’Harmattan, 1999, 226 p.

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