VITTOZ Jean, Baptiste

Par Maurice Moissonnier, compléments par Claude Pennetier

Né le 30 août 1908 aux Abrets (Isère), mort le 3 juillet 2001 à Lyon VIIIe arr. (Rhône) ; préparateur en pharmacie dans divers endroit, dans le Rhône et, après 1937 en Haute-Savoie ; militant syndical ; militant communiste dans le Rhône, puis en Haute-Savoie ; résistant en Haute-Savoie ; réorganisateur et secrétaire fédéral du PC en Haute-Savoie après la Libération.

Fils d’un mécanicien-garagiste, et de Matilde Monin, ménagère, parents de onze enfants, membre du Parti socialiste SFIO puis du Parti communiste qui, mobilisé huit mois, avait subi l’influence du minoritaire socialiste Raffin-Dugens* et de Jean Chastanet* et diffusait La Vague, Jean Vittoz fut élevé dans « la haine de la guerre et l’enthousiasme pour Octobre. » Il fut mêlé aux luttes violentes qui opposaient dans son village la « gauche laïque » aux « culs blancs » cléricaux. Après avoir fréquenté le catéchisme et fait sa première communion en 1920, Jean Vittoz abandonna toute pratique religieuse.

Après son Certificat d’études à 12 ans, il poursuivit pendant un an 1/2 sa scolarité à l’École primaire supérieure de La Tour-du-Pin sans aller jusqu’à l’obtention du brevet mais il entra à la pharmacie Béthoux aux Abrets comme apprenti préparateur à 15 ans. Il y resta de 1920 à 1925, puis, de 1925 à 1929, travailla à la pharmacie Denoyel à Tullins. En octobre 1925, au moment de la guerre du Maroc, après un meeting de Lucie Colliard*, il adhéra au PC et à la JC. Il commença à militer au Comité d’action contre la guerre du Maroc et anima l’organisation locale de la JC.
En 1937, dans son autobiographie, il évoquera avec distance la période 1925-1929. "Les Abrets Isère de 1925 à 1927. Caractère de lutte contre la bloc de gauche. On était sectaire et on ne faisait pas d’action de masse, sauf dans les syndicats unitaires.
A Tullins Ferres 1927-1929. Même atmosphère. Travail non productif puisque à la suite d’une forte action contre le maire socialiste, Darche et sa femme qui était institutrice durent partir et moi allant au Régiment, tout tomba."
En novembre 1929, il fut appelé au service militaire au 99e RIA au fort Lamothe à Lyon. Affecté au bureau de la place, 2e classe, il fit l’objet d’une enquête qui révéla son appartenance politique. Il fut alors muté à Modane dans un bataillon disciplinaire. Il quitta l’armée en février 1931.

En 1931, Jean Vittoz s’installa à Lyon où il fut employé dans différentes pharmacies de 1931 à 1937, puis du début 1938 à mai 1938, à la caisse d’Assurances sociales « Le Travail ». Adhérant à la CGTU, il avait tenté de créer un syndicat dans sa profession, mais la plupart des préparateurs en pharmacie adhéraient à la CGT. Louis Aulagne* lui assigna alors des fonctions de propagandiste de la section unitaire des Produits chimiques auprès des travailleurs immigrés de Saint-Fons, du Péage-de-Roussillon et de l’usine Coignet à Monplaisir (Lyon). C’est surtout aux tâches politiques qu’il consacra l’essentiel de ses soins. Secrétaire de la cellule de Monplaisir-Bachut, il devint rapidement secrétaire du rayon (section de Monplaisir, VIIe arr. de Lyon). Il anima en tant que président la coopérative ouvrière « Ruche de Monchat » (Lyon, VIIe arr.), fondée en 1921 pour organiser les loisirs des travailleurs du quartier et dont la devise était Instruction, éducation, distraction. Cette institution joua un rôle utile, à l’époque du Front populaire, pour le rapprochement des communistes et des socialistes ainsi que dans la négociation des conventions collectives.

En 1932, Jean Vittoz fut arrêté, lors d’une manifestation contre la guerre cours Morand ; jugé en flagrant délit, il fut libéré le lendemain. Il participa aux manifestations lyonnaises des 6, 9 et 12 février 1934 et, cette année-là, fut élu membre du comité régional du parti. Aux élections municipales de 1935, il figura en huitième position sur la liste du Bloc ouvrier et paysan du VIIe arr. conduite par Félix Brun*. Cette liste recueillit 2 913 voix au premier tour et se désista au second en application de l’accord socialiste-communiste.

Membre du comité local de Front populaire de Monplaisir, Jean Vittoz se dépensa avec ardeur dans la campagne électorale des législatives qui vit, en 1936, l’élection de Félix Brun dans le VIIe arr. On le voyait souvent prendre la parole à la sortie des usines Lumière, Calor, Berliet, Coignet, Paris-Rhône et du dépôt de tramway OTO. Il aida les travailleurs de ces entreprises lors des grandes grèves de juin (élaboration des cahiers de revendications) et organisa le soutien à l’Espagne républicaine. Lorsque la direction régionale du PC créa, en novembre 1936, un comité de développement de son organe régional la Voix du peuple, Jean Vittoz en fit partie. Les 4 et 5 décembre 1937, à la conférence d’Oullins, en préparation du congrès d’Arles, il fut désigné comme délégué au congrès et élu au secrétariat régional à l’organisation, poste qu’il conserva un an puisque, l’année suivante, la conférence régionale préparatoire à la conférence nationale de Gennevilliers ne renouvela pas sa responsabilité. La raison doit en être recherchée dans les difficultés professionnelles qu’entraînait son élection à la direction régionale ; Il perdit sa place à la pharmacie Roux-Matil et fut contraint d’effectuer des remplacements, d’abord à la tarification à la caisse « Le Travail », puis dans des pharmacies à Bourgoin-Jallieu, Evian et Annemasse (août 1938-août 1939).

Dans son autobiographie du 29§ septembre 1937, il déclarait : "Je ne fus jamais en opposition avec la ligne du Parti. J’ai connu dans la Parti Marcel Faire qui est passé aux trotskistes, et je l’ai fréquenté à la coopérative La Ruche où il était trésorier, et moi secrétaire, mais on les a chassés lui et ses amis, jamsi il n’a eu de prise sur ma foi bolcheviste. Depuis je ne la vois plus et je les méprise tous. Je pense que ce sont plus que des traîtres mais des alliés directs du fascisme et que pour eux il n’y a pas de pardon".

Son éloignement de Lyon lui valut d’être épargné lors des arrestations qui frappèrent en 1939 la direction régionale du PC. Militant discipliné, Vittoz approuva le Pacte germano-soviétique.

Dès le début de la guerre, Jean Vittoz fut mobilisé, d’abord à Chambéry, caserne Curial, puis au fort de La Duchère à Lyon jusqu’en mars 1940 et enfin à la section psychiatrie de l’hôpital de Sathonay. Lors de la débâcle de juin, l’hôpital fut replié à Montélimar, puis à Digne. Démobilisé le 30 juillet, Jean Vittoz regagna les Abrets, son père venant de mourir. C’est là que les responsables du PC pour la zone sud le retrouvèrent pour lui demander de diriger le Parti, décimé à Lyon par les arrestations. Il refusa, s’estimant trop connu dans la ville pour échapper à la surveillance et proposa de reconstituer le PC clandestin en Haute-Savoie.

Jean Vittoz devint dans ce département l’un des principaux organisateurs de la Résistance, reconstitua avec l’Annécien Hubert Mugnier l’organisation communiste en Haute-Savoie, avec les triangles clandestins, participa à la création de l’OS et des bataillons de la jeunesse, qui donnèrent naissance aux FTPF dont il devint membre de l’état-major, des Forces unies des jeunesses patriotiques (FUJP) et du Front national. Après la période de grande répression en Haute-Savoie (fin 1943-début 1944), il mena de front la reconstitution du parti et, avec F. Bonfils, la création de la RI 3 (??) des FTP. Il était membre du comité militaire.
Jean Vittoz fut à l’origine avec Hubert Mugnier et Pierre Girardot, du « Manifeste à la population savoyarde » diffusé en février 1943 avec l’approbation de toutes les organisations de la Résistance.

A la Libération, il occupa les fonctions de conseiller municipal de Lyon dans la municipalité provisoire jusqu’en mars 1945. Membre du comité cantonal de libération, il représenta le PCF au comité départemental et, élu secrétaire fédéral, organisa la fédération communiste de Haute-Savoie. Il dirigea les campagnes électorales pour la Constituante. Passant outre les décisions du comité central qui voulait le désigner comme candidat aux élections législatives, il fit adopter par le comité fédéral la candidature d’Albert Boccagny*, dont il était second de liste et qui fut élu. Il obtint plusieurs mandats électifs : conseiller municipal de Ville-la-Grand de 1945 à 1952, conseiller général du canton d’Annemasse en 1947, mais il fut battu en 1952 par une conjonction de la droite et d’une partie de la gauche. Il consacra toute son activité à la fédération jusqu’en 1954. Après 1958, remplacé par Robert Armand, il abandonna ses fonctions politiques et, aucun employeur ne l’ayant accepté, fut contraint d’aller travailler jusqu’à sa retraite en Suisse où il obtint la qualification d’assistant pharmacien.

Jean Vittoz continua à militer à l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance (ANACR) dont il fut président cantonal, vice-président départemental et membre du comité national ainsi qu’à l’Union française des anciens combattants (UFAC). A la fin des années 1970, il était président départemental de l’Amicale des Vétérans communistes. Il était en outre titulaire de la Médaille de la Résistance, de la Croix du CNR.

Il s’était marié le 6 septembre 1941 à Annemasse (Haute-Savoie) avec Bluette Barraud.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article134949, notice VITTOZ Jean, Baptiste par Maurice Moissonnier, compléments par Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 14 février 2022.

Par Maurice Moissonnier, compléments par Claude Pennetier

Autobiographie communiste d’institution, dossiers du Kominern, Rgaspi, Moscou.
Fiche d’évaluation
Première page.

ŒUVRE : Sur la Grand’Route... de ma vie, récit autobiographique, chez l’auteur, 1re édition 1984, 2e éd. 1993.

SOURCES : Arch. Dép. Haute-Savoie, 47 W 4. — La Voix du peuple, novembre 1936, 19 février 1937, 10 juin 1938. — R 13. Histoire des FTPF de Haute-Savoie, édité par l’ANACR, s.d. — Rens. du militant. — Interview faite par Georges Mallingaud. — Jean-Daniel Berger, Comme un essaim de guêpes : Résistance et guerilla en R1, secteur VI Rhône-Isère, s.l., l’auteur, 2001. — Notes de Louis Botella.— État civil. — Rgaspi, Moscou, 495 270 3933, 29 septembre 1937, 7 pages.

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