VUYLSTEKE Georges [pseudonyme dans la Résistance : Capitaine Georges]

Né le 29 mai 1911 à Tourcoing (Nord), mort le 20 avril 1978 à Tourcoing ; ouvrier cimentier puis cafetier ; membre du Parti communiste, volontaire de l’Espagne Républicaine, résistant au sein des Francs-tireurs et partisans (FTP) d’Auvergne.

Georges Vuylsteke
Georges Vuylsteke
Georges Vuylsteke en 1944

Fils de François et de Marie, née Beils, Georges Vuylsteke fut orphelin très tôt.
Son père était cordonnier. Belge, il fut expulsé de France en 1916 vers Courtrai, en Belgique. La mère est restée seule avec 8 enfants. Georges Vuylsteke avait 6 ans quand sa mère est décédée suite à un accident. Le jour même de la messe pour son enterrement, le curé est venu réclamer l’argent de la messe. De ce jour, Georges Vuylsteke aurait nourri une volonté farouche de combattre l’Eglise toute sa vie.

Il se maria le 14 octobre 1933 à Tourcoing (Nord) avec Marguerite Koenig. Ils eurent un fils né en 1944. Il avait connu son épouse lors de réunions du Parti communiste à Tourcoing, Georges étant adhérant alors que sa future épouse était sympathisante.

Il a commencé sa carrière comme ouvrier maçon, cimentier. il fut rapidement syndiqué, à Halluin. Il habita ensuite à Wattrelos.
Il commença à militer dès l’âge de 19 ans. Puis , il s’engagea comme volontaire dans l’armée en avril 1932, libéré en octobre 1933. Attiré par l’aventure, il s’engagea comme Volontaire de l’Espagne républicaine au sein des Brigades internationales. Il partit sans avoir prévenu son épouse, lui laissant seulement un mot.
Il était mitrailleur en Espagne, blessé sur le front de Madrid et soigné à Benicàssim, près de Valence. Mais il ne voulait pas rester en arrière et voulait combattre. Il décida donc de revenir en France, pris un bateau à Valence qu’il pensait français et qui s’avéra être hollandais. Il est revenu chez lui à Tourcoing le lundi de Pâques en 1937.

Il fut mobilisé une première fois en septembre 1938 et libéré 2 semaines après, ce qui le contraria car il voulait encore en découdre. Selon le témoignage de son fils, il aurait été celui qui fit passer Maurice Thorez en Belgique, à Mouscron via la carrière Hage et le quartier de la Marlière à Tourcoing. Celui-ci avait déserté le 3 octobre 1939.

Le couple côtoya des militants importants avant guerre, notamment Jeannette Vermeersch.

Mobilisé de nouveau après la déclaration de guerre, il appartenait au Génie et fut fait prisonnier le 22 juin 1940 et envoyé en Allemagne.
Il s’en évada en septembre 1941 avec un camarade. Son dossier militaire parle d’un rapatriement et non d’une évasion mais sur sa carte de membre de l’Association des Prisonniers de guerre, Georges Vuylsteke précise bien qu’il s’est évadé, le 16 septembre 1941. Malade car souffrant de dysenterie, il se réfugia dans les Vosges où il fut soigné par un prêtre.

Il rejoignit ensuite la région de Toulouse puis il partit pour Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) et fit venir son épouse.C’est sans doute à cette période, en 1942, que le couple fut arrêté pour avoir franchi la ligne de démarcation sans autorisation et fut condamné à trois mois de prison de Bourges (Cher).
Il trouva à sa sortie un emploi comme palefrenier à l’hôpital Saint-Gabriel à Clermont-Ferrand en 1942 et jusqu’à 1943 et son passage à la clandestinité. Là, le général Raymond-Louis Debenedetti, responsable du service de Santé, lui demanda fin 1943 de cacher du matériel pour le soustraire aux Allemands. Georges Vuylsteke cacha ainsi des affaires dans le jardin du logement que sa femme et lui occupaient.
Suite à dénonciation, Georges Vuylsteke fut soupçonné et une perquisition eut lieu chez lui fin décembre, en présence du membre français membre du SD, Georges Mathieu. Ils ne trouvèrent rien mais Mathieu voulut faire arrêter l’épouse, en l’absence du mari. Étant d’origine alsacienne, Marguerite Vuylsteke, née Koening, fut épargnée grâce à l’intervention d’Ursula Brandt dite la Panthère, une ancienne étudiante allemande de l’Université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, devenue assistante du chef du SD.

Le couple partit alors habiter Volvic, au quartier du Cratère. C’est sans doute à cette période que Georges Vuylsteke rejoignit le Camp Gabriel-Péri, qui formait le 12e Bataillon FTPF du Puy-de-Dôme. Ce camp était situé au niveau du hameau de Égaule, sur la commune de Volvic. Sous le nom de Capitaine Georges, il agit dès lors dans le secteur de Volvic (Puy-de-Dôme). Il aurait été Commissaire politique.
Sa durée des services homologués comme FFP du camp va du 6 juin 1944 au 28 août 1944, date de libération du Puy-de-Dôme.
Il a continué à servir dans sa formation du 29 août 1944 au 2 février 1945, date à laquelle il est renvoyé dans ses foyers. Il était rattaché au 92ème régiment d’Infanterie, implanté à Clermont-Ferrand, durant cette période et a été homologué FFI pour la période 6 juin 1944, 2 février 1945.

Il faillit être arrêté le jour où il voulut aller libérer un résistant blessé et gardé à Pontgibaud. C’est l’intervention in extremis d’un infirmier qui l’informa de la présence de Miliciens et lui permit de s’enfuir.
Que ce soit lors de la campagne de mai-juin 1940 ou dans la Résistance, Georges Vuylsteke avait la réputation d’être un casse-cou, n’ayant jamais peur d’aller au feu. En outre, voyant mal de loin, il eut parfois du mal à évaluer le danger. C’est ainsi que, selon le témoignage qu’il fit à son fils, il attaqua seul un convoi de trois camions allemands qui évacuait le secteur de Volvic, avec son Fusil-mitrailleur et des grenades. Il mis hors d’état de nuire un véhicule et aurait tué ou blessé plusieurs Allemands. Des FFI présents furent sollicités par Vuylsteke pour qu’ils tirent eux aussi sur les Allemands qui s’enfuyaient mais ils refusèrent, invoquant l’absence d’ordre. Furieux, Georges Vuylsteke aurait tiré dans leur direction.

Son fils est né en 1944 à Volvic où Georges avait fait venir une de ses sœurs, espérant notamment qu’elle soit mieux nourrie que dans le Nord où la population souffrait particulièrement de la pénurie. Celle-ci se maria bientôt et fit sa vie ici.

Au moment de la Libération du Puy-de-Dôme, lui et ses camarades, en particulier Charles Spina, dont il était proche, participèrent à l’épuration sauvage. Ils en furent tous les deux marqués, ce qui explique sans doute pourquoi Georges Vuylsteke resta toute la fin de sa vie très discret sur cette période. Il reconnut notamment que plusieurs miliciens, dont 4 jeunes, furent abattus et enterrés.

Sans doute vers le second semestre 1945, il rejoignit un groupe d’hommes à la recherche d’un collaborateur connu -Marcel Déat selon le fils de Georges Vuylsteke, alors que Déat s’était enfui en Italie depuis mai 1945- et qui était suspecté de se cacher dans une ferme près de Volvic.
L’attaque de la ferme (vers décembre 1945) se transforma en cambriolage. Georges Vuylsteke fut arrêté le 24 janvier 1946 et interné en préventive à la prison de Clermont-Ferrand pour ce qu’il dénomma bientôt “une minute d’erreur”. Il s’en évada début décembre 1946. Il était alors en salle Pélagie, le service de sécurité réservé aux détenus au sein de l’hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand après avoir fait croire qu’il avait l’appendicite. Il se serait enfui au moment même de l’opération. Son avocat annonça la nouvelle à sa famille le 20 janvier 1947, prévoyant une future condamnation par contumace, sans possibilité de remise de peine.

Il s’exila alors à Mouscron, ville belge jouxtant Tourcoing, travaillant dans le bâtiment et aidé par des travailleurs belges. Il vint quelques fois chez lui, se faisant passer auprès de son tout jeune fils, comme un docteur.
Il se rendit au bout d’un an, après que les auteurs du cambriolage aient été arrêtés et assez lourdement condamnés. Il fut emprisonné 16 mois et demi puis lors de son procès il fut condamné le 11 juillet 1949 à 3 ans de prison. Son avocat parisien estima que c’était un résultat “magnifique” car le jury était composé presque entièrement de ruraux, donc de fermiers, “qui n’aiment pas beaucoup ceux qui viennent les attaquer la nuit.” Lui et ses camarades furent condamnés à verser solidairement 240 000 francs aux époux victimes de l’attaque. Plusieurs anciens Résistants témoignèrent en sa faveur, en particulier Jean Bac, alias commandant Lenoir.
Parmi ses camarades figuraient aussi un dénommé Calmels, alias Commandant Greville. Celui-ci habitait 145 rue du Bac à Paris en 1946 et fut sollicité par le frère aîné de Georges. Après avoir dit ne jamais avoir reçu les lettres de maître Renié lui annonçant l’arrestation, il assura le 13 mars 1946 au frère de Georges qu’il était intervenu auprès d’une personne pour faire accélérer l’affaire. Mais le 14 juillet 1946, le frère de Georges lui écrit de nouveau pour lui dire que Georges et son avocat sont très déçus de son silence et de sa réserve, l’effet moral de ce silence sur son frère étant jugé “désastreux”. Pourtant, Calmels avait assuré intervenir au nom des liens d’amitié qu’il avait noué avec Georges mais aussi Nicolas, arrêté et incarcéré avec lui.

Il fut envoyé au fort de la Duchère, à Lyon, une prison où il se retrouva en contact avec le milieu de la pègre. Il put sortir avant ses trois années, ayant déjà purgé 16 mois avant son procès.

Une fois libéré, le 25 août 1950, il rejoignit sa famille à Tourcoing, revenant cependant régulièrement à Volvic voir sa famille mais aussi ses amis du maquis avec qui il se réunissait dans un café près de la gare, le secteur où ils avaient été actifs sous l’Occupation.

Son épouse avait sollicité l’aide du Parti en écrivant notamment à un député communiste, quand son mari était en prison ; mais elle n’a jamais rien eu obtenu, bien qu’elle et son mari connaissaient plusieurs hauts cadres. Dans une lettre qu’elle adresse à un député du Parti en 1946, elle s’en plaint explicitement. Elle constate que l’avocat de son mari, maître Jean Renié, avocat du bureau de Clermont-Ferrand, “piétine” tout en ayant déjà reçu d’elle une grosse somme d’argent. Elle constate que l’attitude de Jean Minard, secrétaire fédéral du Parti dans le Puy-de-Dôme “prouverait que même les camarades du Parti se désintéresseraient de lui”. Le camarade Ernest Delplanque, de Tourcoing, qui selon elle a aidé au passage de la frontière de Thorez en 1939, ne donne plus signe de vie. Elle dit être sans ressources mais assurée de l’aide d’un parent et d’amis “partisans obscurs” alors que l’action du groupe de son mari a remis des millions au Parti. Elle demande une intervention auprès des camarades influents du Parti et par ailleurs que le député intervienne pour que maître Renié soit plus actif. Elle précise que son mari s’est jusqu’à présent toujours refusé à faire de telles démarches pour solliciter l’aide du Parti. Elle se refuse à le voir ainsi condamné à cause d’une minute fatale de perte de self-contrôle, “lui qui a tout donné, tout sacrifié pour l’idéal” .
C’est sans doute parce que Georges Vuylsteke avait subi une condamnation de droit commun qu’il ne fut pas soutenu par son parti. On l’a certainement laissé tombé parce que c’était une affaire de vol à main armée.

Suite à sa condamnation, il fut cassé militairement, perdant son grade de commandant. A une date mal définie -sans doute en 1945- il aurait refusé de partir combattre en Indochine, ne voulant pas affronter un peuple réclamant son indépendance. Son engagement dans l’armée faisait-il suite à une demande du Parti communiste, comme cela a été le cas souvent ? On l’ignore.

Comme l’indique plusieurs éléments, notamment une lettre de son épouse à un député communiste en 1946, Georges Vuylsteke participa à des attaques pour procurer des fonds aux FTP ou au Parti. Selon les documents encore en possession de son fils, il aurait perçu une somme importante en décembre 1943, déposées sur son compte. D’autres sommes furent versées plus tard, lui permettant d’acheter deux maisons à Tourcoing, dont une en mai 1944.

Ses amis, en Auvergne ou à Tourcoing, avant-guerre ou pendant la Résistance : Charles Spina ; Alphonse Boucher dit Phonphonse, salarié au Balajo à Paris (peut-être videur), à Riom durant la guerre, et qui se serait suicidé en 1946, en tout cas après février car on a une lettre de lui de cette date ; Chaillez (Résistant dans le Puy-de-Dôme, personnage important -mais non identifié- selon le fils de Georges Vuylsteke).

C’est peut-être grâce à ces sommes qu’il put avoir recours à deux avocats, dont un parisien lors de son procès. La famille était jusque là totalement démunie. Son épouse fut ainsi obligée de vendre tout ce qu’elle avait et de repartir vivre à Tourcoing pour venir en aide à son mari.
Quand son fils, plus de trente ans après les faits, voulut en savoir plus, un cadre de la Banque de France, Louis Sahut, lui-même ancien Résistant, le mit en garde en lui déconseillant de poursuivre ses recherches en ce sens.

Georges Vuylsteke n’a plus jamais fait de politique. A son retour de prison, il ouvrit un café.
Plusieurs années après, on a voulu lui remettre une médaille pour ses actes de Résistant mais il la refusa.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article135126, notice VUYLSTEKE Georges [pseudonyme dans la Résistance : Capitaine Georges], version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 5 septembre 2020.
Georges Vuylsteke
Georges Vuylsteke
Georges Vuylsteke en 1944

SOURCES : SHD Vincennes, GR 16 P 599937. Dossier de résistant de Georges Vuylsteke (non consulté) .— SHD Vincennes, 19 P 63/5 : formation Gabriel-Péri .— Message de Jean Vuylsteke, son fils, le 6 septembre 2019 .— Communication téléphonique avec Jean Vuylsteke, le 7 septembre 2019 .— Extrait des services militaires de Georges Vuylsteke (archives Jean Vuylsteke) .— Certificat FFI .— Billet de sortie. Maison de correction de la Duchère-Lyon (archives Jean Vuylsteke) .— Lettre de Maître Pierre Douare à M. Chistiaens, le 12 juillet 1949 .— Lettre de M. Christiaens au général Debenediti, 1949 .— Lettre de maître Jean Renié à Monsieur Christiaens, 20 janvier 1947 .— Lettre de Calmels, 115 rue du Bac à Paris, à Monsieur Christiaens, le 13 mars 1946 .— Généanet.

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