WAGHEMAECKER Édouard, Félicien, Joseph [autres orthographes : WAGENMACKER, WAGHEMACKER]

Par Pierre Schill

Né le 3 mai 1897 à Cassel (Nord), mort le 21 mars 1961 à Forbach (Moselle) ; professeur au collège technique de jeunes filles de Forbach (Moselle) ; secrétaire de la section SFIO de Forbach ; conseiller général socialiste de la Moselle (1945-1949) ; maire socialiste de Forbach (1945-1947) ; membre du conseil départemental des Combattants de la Paix et de la Liberté en Moselle.

Édouard Waghemaecker était issu d’une famille des Flandres françaises dont le nom signifiait « charron » en Flamand vernaculaire. Son père était charcutier.

Après avoir obtenu le brevet supérieur à Boulogne-sur-mer (Pas-de-Calais) en 1915, Édouard Waghemaecker s’engagea dans une unité combattante en janvier 1916. Fait prisonnier le 30 mars 1918, il fut retenu en Allemagne jusqu’au 21 janvier 1919 et fut démobilisé en septembre 1919.

Il travailla comme instituteur à partir d’octobre 1919 aux collèges de Fère-en-Tardenois (Aisne), de Forbach (1920-1921). Il se maria le 18 septembre 1922 à Forbach avec Joséphine, Catherine, Mathilde Gamel, fille d’un cordonnier de Forbach (Moselle). Ils eurent une fille et un garçon. Son épouse mourut en 1937. Son nom fut « germanisé » après son installation en Moselle germanophone : les archives locales mentionnant souvent le nom de « Wagenmacker ».

D’abord il enseigna aux « Ecoles domaniales de la Sarre » à Volklingen et à Sarrebruck (Allemagne) avant de revenir à Carling (Moselle) en 1935. Titulaire du certificat d’aptitude à l’enseignement commercial dans les écoles primaires supérieures (degré supérieur) depuis 1929, il fut nommé professeur à l’école primaire supérieure de Saint-Avold (Moselle) en 1936, il enseignait la comptabilité et le commerce.
Édouard Waghemaecker constitua le 17 février 1929 avec Émile Becker la section socialiste de cette cité minière et en fut le secrétaire. Il avait milité avec Becker en 1924 à la Ligue de la République créée cette même année pour les élections législatives (Entente des gauches).
Également militant de la CGT, il fut candidat aux élections municipales des 5 et 12 mai 1929 à Forbach sur la liste socialiste. Il obtint au premier tour 105 voix sur 1 947 suffrages exprimés pour 1 970 votants sur 2 374 électeurs inscrits et à peine 35 voix sur les 1 939 suffrages exprimés au second tour.

Édouard Waghemaecker avait conscience de la nécessité de réaliser l’union des forces de gauche dans cette « terre de mission » politique. Il participa à plusieurs initiatives avec les communistes pour y parvenir.
Le 28 février 1932 se tint une importante réunion à Forbach. Plus de deux mille personnes étaient venues écouter des exposés sur la révolution russe. Victor Doeblé comptait parmi les principaux intervenants. Édouard Waghemaecker devait lui aussi intervenir et souligner la justesse des analyses de Karl Marx même s’il admettait qu’il puisse y avoir débat sur ses modalités d’application en Russie.
Il mena, le 13 novembre 1932 à Stiring-Wendel, une conférence sur les origines, le développement et les solutions à apporter à la crise économique mondiale. Une cinquantaine de personnes étaient présentes et ont pu assister à un débat avec les communistes Jacques Laval et Georges Koch qui vantèrent les mérites du régime soviétique épargné par la crise économique.

Également engagé dans le combat laïc et républicain, il anima le 23 janvier 1934 à Metz une réunion publique organisée par la section messine de la Ligue française de l’enseignement. Elle venait d’être créée par la LDH, la SFIO et les partis radicaux et radicaux-socialistes. Édouard Waghemaecker défendait notamment l’introduction en Alsace et en Moselle des lois laïques en vigueur dans le reste de la France.
Il fut l’un des organisateurs dans le secteur de Forbach de la solidarité avec les Sarrois s’exilant en Moselle après le référendum de 1935 rattachant le territoire administré par la France au IIIe Reich. Il connaissait en effet bien le territoire sarrois pour y avoir enseigné.

À nouveau candidat aux élections municipales à Forbach en mai 1935, il menait la liste « communiste » avec le militant PC Mathieu Philippi. Ils devaient notamment affronter une liste de gauche « indépendante » menée par le député Victor Doeblé*. Il obtint 368 voix sur 2 196 votants et 2 163 suffrages exprimés pour 2 657 électeurs inscrits. Il ne fut pas élu et la division de la gauche permit la réélection du maire sortant Paul Harter.
Édouard Waghemaecker fut l’un des fers de lance de la dynamique du Front populaire en Moselle. Il participa au congrès national de la SFIO en juin 1935 à Mulhouse et lut, le 14 juillet 1935 à Forbach, le serment du Front populaire.
Délégué à d’autres congrès du Parti socialiste SFIO, il fut élu secrétaire adjoint de la Fédération de la Moselle en février 1939.
Il fut l’un des animateurs des grèves du mois de juin 1936 dans le bassin houiller lorrain et participa notamment à la manifestation du 14 juin à Forbach qui rassembla près de 5 000 personnes. Il prit ensuite la parole devant deux mille grévistes réunis à la salle Caspar.
Syndiqué, il fut gréviste le 30 novembre 1938 et fut sanctionné d’une retenue de huit jours de salaire.

Après l’évacuation de la Moselle en septembre 1939, Édouard Waghemaecker fut nommé à l’EPS de Montmorillon (Vienne). En dehors de son enseignement, il tenait la comptabilité de particuliers. Jugé comme mau vais enseignant, ayant une « conduite scandaleuse », au début de 1941, inculpé pour avoir tenu des propos antinationaux, souhaitant l’arrivée de « la 4eme République et du 4eme Reich », il reçut un blâme de l’administration. L’inspecteur indiquait qu’il était socialiste et le préfet régional, le 18 septembre 1941, l’assigna à résidence à Saint-Germain-les-Belles (Haute-Vienne) comme « dangereux pour la défense nationale et la sécurité publique ». Replié à Lyon en 1943, il trouva un emploi au collège technique de Nevers (Nièvre) puis obtint, pour octobre 1945, un poste de professeur au collège technique de jeunes filles de Forbach où il eut à assurer aussi l’enseignement du Français jusqu’à sa retraite en 1955.

Édouard Waghemaecker, alors professeur à Nevers, écrivit à la direction nationale du Parti, le 14 avril 1945 pour obtenir un laissez-passer pour rejoindre Forbach où il militait avant la guerre et envisager de se présenter aux élections. Il recommença à militer dès son retour et représenta la SFIO aux scrutins locaux et nationaux de l’immédiat après-guerre.

Édouard Waghemaecker, élu conseiller municipal SFIO de Forbach à la tête d’une liste d’Entente républicaine et antifasciste, obtint au second tour, le 30 septembre 1945, 1 882 voix sur 3 377 suffrages exprimés. Le 8 octobre 1945, il devint maire avec 14 voix sur 26 suffrages exprimés.

Il remporta également le siège de conseiller général socialiste du canton de Forbach lors du renouvellement de septembre 1945. Il obtint au premier tour 8 716 voix sur 17 867 votants et 22 265 électeurs inscrits et devança Rémy Muller (MRP) qui totalisa 7 728 suffrages. Il devint dans la foulée vice-président de la commission des finances du conseil général. Il se présenta, cette fois sans succès, au renouvellement des 20 et 27 mars 1949, obtenant 1 198 voix sur 13 223 suffrages exprimés.

Édouard Waghemaecker figurait en deuxième position sur la liste socialiste en Moselle, derrière Edmond Psaume*, lors des élections à l’Assemblée nationale constituante du 21 octobre 1945. Sa liste rassembla 20 255 voix sur 237 421 suffrages exprimés (8,5 %) pour 315 216 électeurs inscrits et n’obtint aucun élu. Il fut à nouveau candidat sur la liste socialiste en juin 1946. Elle obtint 20 255 voix sur 256 736 suffrages exprimés (7,4 %) pour 328 315 électeurs inscrits et aucun élu. Il figura une nouvelle fois la liste socialiste menée par Edmond Psaume lors des élections législatives du 10 novembre 1946. La liste de la SFIO totalisa 10 112 voix sur 247 390 suffrages exprimés (4,1 %) pour 336 112 électeurs inscrits et n’obtint aucun élu. Il se présenta aux élections du Conseil de la République en 1946 et en 1948.

Toujours partisan de l’unité d’action avec les communistes, Édouard Waghemaecker critiqua en mai 1946 la décision de la fédération mosellane de la SFIO de rejeter toute unité d’action avec le PC alors que les deux partis défendaient les « oui » au référendum du 5 mai. Il décida dans cette logique de tenir meeting commun le 3 mai 1946 à Saint-Avold (Moselle) avec le maire communiste de Merlebach (Moselle), Jean Matz*.

Il perdit son poste à la mairie de Forbach lors des élections municipales de 1947. Le 25 octobre 1947, il obtint 8 voix sur 26 suffrages exprimés et Joseph Ritter fut élu. Il resta conseiller municipal de Forbach jusqu’au scrutin de mars 1959. Il figurait alors sur la Liste d’union ouvrière et démocratique présentée par le Parti communiste et obtint 715 voix sur 6 006 suffrages exprimés pour 6 143 votants et 7 777 inscrits. La liste du sénateur-maire de la ville Jean-Eric Bousch (droite) remporta les élections avec une moyenne d’environ 4 600 voix.

En mai 1951, il participa au congrès national de la SFIO à Paris au cours duquel il s’opposa à l’apparentement des partis républicains et nationaux aux élections législatives de juin 1951. Il expliqua sa décision par son opposition résolue au MRP et à sa figure charismatique Robert Schuman qu’il avait côtoyé durant plusieurs années au conseil général de la Moselle.

En novembre 1952, il participa à Forbach au congrès départemental des Combattants de la Paix et de la Liberté. Il ouvrit la séance en tant qu’hôte et membre du conseil départemental de l’organisation, dont il était déjà membre du conseil en 1951. En novembre 1956, il signa une pétition du comité de Forbach du Mouvement de la Paix protestant contre l’interdiction préfectorale d’organiser une manifestation en faveur de la paix en Algérie.

Une rue de Forbach porte aujourd’hui son nom depuis la délibération du conseil municipal du 11 juillet 1980. Édouard Waghemaecker était officier des palmes académiques et détenait la rosette d’officier de la fonction publique. Il était père de deux enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article135135, notice WAGHEMAECKER Édouard, Félicien, Joseph [autres orthographes : WAGENMACKER, WAGHEMACKER] par Pierre Schill, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 9 juillet 2016.

Par Pierre Schill

SOURCES : Arch. Nat., F 17 27340. — Arch. des Houillères du Bassin de Lorraine : Vt323-B20 et B26. - Arch. Dép. Moselle : 301 M 79 et 80 ; 303 M 111 ; 304 M 76 ; 145 W 28 ; 151 W 821, 823 et 825 ; 458 W 155 ; 1330 W 95, 263, 265 et 266 ; 23 Z 1. – Mairie de Forbach (Mme Schulter). — Arch. de la fédération régionale des mineurs de charbon CGT de Moselle à Merlebach : Der Kumpel, 30 novembre 1956. - EC de Cassel (Nord). - OURS, fédération socialiste de Moselle et de la Nièvre. - Conseil général de la Moselle, Session ordinaire d’automne 1945. Rapports et délibérations, Metz, Le Lorrain, 1946. - Conseil général de la Moselle, Deuxième session extraordinaire de 1946. Rapports et délibérations, Metz, Le Lorrain, 1946. - Le Populaire de l’Est, 1935-1939. - Metzer Freies Journal, 7 mai 1935 et 16 juin 1936. - Le Républicain Lorrain, 22 et 29 mars 1949 ; 22 et 23 mars 1961. - Le Courrier de Metz, 10 mars 1959. - Renseignements fournis par Claudine Debussche et Jean-Claude Flauss. - E.L. Baudon, Les élections en Moselle, 1919-1956, Metz, 1956. - Gilbert Badia et al., Les bannis de Hitler. Accueil et lutte des exilés allemands en France (1933-1939), Paris, Etudes et Documentation Internationales - Presses Universitaires de Vincennes, 1984. - Didier Kompa, La formation du Front populaire en Moselle, 1934-1936, mémoire de maîtrise d’histoire sous la direction d’Alfred Wahl, Université de Metz, 1985. - Gérard Diwo, Les formations politiques en Moselle (21 octobre 1945-17 juin 1951), thèse de doctorat d’histoire sous la direction d’Alfred Wahl, Université de Metz, 1992, 2 tomes. – Pierre Schill, 1936. Visages et figures du Front populaire en Moselle, Metz, Éditions Serpenoise, 2006.— Notes de Jacques Girault et de Gilles Morin.

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