WEBER Jean-Pierre

Par Yves Le Maner, D. Pierre et Georges Clause

Né le 2 octobre 1883 à Maubeuge (Nord), mort le 6 février 1936 à Reims (Marne) ; ouvrier métallurgiste ; secrétaire du rayon communiste et de l’Union locale CGTU de Maubeuge ; délégué régional de la Fédération CGTU des Métaux dans le Nord ; syndicaliste de la Marne ; rallié à l’opposition.

Jean-Pierre Weber
Jean-Pierre Weber

La mère de Jean-Pierre Weber vivait seule avec son fils à Maubeuge.
Elle était originaire d’Alsace, et aurait immigré vers Maubeuge en 1870 pour fuir les Allemands.

Jean-Pierre Weber fut d’abord journalier avant de s’embaucher dans une usine métallurgique de la vallée de la Sambre, exerçant la profession de chauffeur de four à partir de 1910. Il fit la Première Guerre mondiale dans l’artillerie lourde. Adhérent du Parti communiste dès janvier 1921, il devint à la fin de l’année secrétaire du syndicat des Métaux de Maubeuge avec le statut de permanent rémunéré. Secrétaire de la section communiste locale, il transmit cette fonction à Henri Darguesse en 1924, lors de la transformation du groupement en cellule et prit la direction du rayon communiste qui venait d’être créé pour encadrer les cellules d’Hautmont, de Maubeuge, de Louvroil et de Ferrières-la-Grande.

Le rayon de Maubeuge comptait près de deux mille adhérents en 1925, pour la plupart métallurgistes, ce qui en faisait l’une des plus puissantes organisations communistes du Nord. En octobre 1924, Jean-Pierre Weber fut choisi comme secrétaire de l’Union locale CGTU de Maubeuge et devint peu après délégué de la Fédération des Métaux pour le Nord. Bien qu’il ait été, fin 1925, l’un des signataires de la lettre au comité exécutif de l’Internationale communiste, dite Lettre des 250, critiquant le régime autoritaire du parti et les conceptions politiques de la direction, Jean-Pierre Weber était un dirigeant discipliné, appliquant scrupuleusement les consignes du comité central. Dans le cadre de la lutte contre l’« opportunisme », il avait été à l’origine, en 1924, de l’exclusion du PC d’Oscar Sarot qui était l’animateur du mouvement communiste à Maubeuge depuis 1921. Le départ de ce dernier priva le rayon du journal le Réveil social qui avait été jusqu’alors l’organe de presse du PC dans l’arrondissement d’Avesnes (Pas-de-Calais). Conscient de l’importance de la presse politique locale et régionale, Weber parvint à obtenir la diffusion de L’Enchaîné dans le bassin de la Sambre et en devint le correspondant pour l’Avesnais et la Thiérache.

Mais, à la fin de l’année 1925, Jean-Pierre Weber fit l’objet de poursuites judiciaires intentées par le parquet d’Avesnes pour « menées anarchistes et provocation de militaires à la désobéissance » dans le cadre de la campagne du PC contre la guerre du Maroc. Acquitté par le tribunal d’Avesnes, il fut cependant condamné par la cour d’appel de Douai en février 1926, à trois mois de prison et à 100 F d’amende. A sa sortie de détention, il ne put trouver de travail et fut soumis à une étroite surveillance policière. Il abandonna alors l’ensemble de ses responsabilités politiques et syndicales à Maubeuge et partit s’installer à Reims (Marne). Son départ provoqua un brutal effondrement des groupements communistes du bassin de la Sambre, déjà sérieusement éprouvés par l’exclusion de Sarot.

Jean-Pierre Weber ne tarda pas à reprendre ses activités militantes. L’année de son arrivée à Reims, il devint secrétaire, avec Auguste Mayer et Leveneur, de la 2e Union régionale CGTU et demeura à ce poste jusqu’en octobre 1929. Il collabora au journal l’Exploité où il se fit l’échotier des usines, signalant les injustices et les actes arbitraires du patronat. Le 23 octobre 1926, il devint secrétaire général du syndicat CGTU des Métaux de Reims (voir Charles Habert) et fut élu en juillet 1928 secrétaire adjoint de l’Union locale CGTU. Mais Jean-Pierre Weber se heurta aussi assez violemment aux confédérés. Il fut à l’origine des incidents — ainsi à la fête de la Bourse du Travail — qui contribuèrent à creuser le fossé entre les deux centrales, à exclure les unitaires de la Bourse et à leur faire louer la Maison du peuple. Le BP le mit le 5 octobre 1928 à la disposition du comité central de grève des textiles du Nord.

Selon des rapports de police, il fit en janvier 1929 un voyage en URSS qui le déçut et entraîna son exclusion au début d’avril 1929. Cependant, lors du congrès de la CGTU (septembre 1929) où il s’expliqua longuement sur ses désaccords avec la majorité, il prononça un vibrant éloge de l’URSS. Dans l’Humanité du 26 septembre 1929, Jean Brécot* (Monmousseau) dénonça, dans un article intitulé « La victoire de notre congrès » l’attitude de Jean-Pierre Weber et de Lucien Lénard qui « n’ont rallié la majorité qu’après avoir flairé sa victoire. Leur ralliement ne peut effacer le sens de leurs interventions premières, de leurs désaccords antérieurs sur les questions fondamentales d’orientation, d’organisation et de direction des luttes ouvrières. Ce genre de ralliement, qui ne doit tromper personne, est dix fois plus nocif — lorsqu’il n’est pas combattu avec force — que tous les ligueurs réunis. »

Démis de toutes ses fonctions de l’Union régionale lors du congrès des 14-15 décembre 1929, il fut accusé par Marcel Gitton d’avoir emporté les archives et volé 2 000 F de la caisse. En réalité, il avait touché 1 800 F, de la part du trésorier Fernand Parmentier, comme mois de préavis. Jean-Pierre Weber adopta, au moins pour un temps, des positions proches de celles des trotskystes et combattit la direction de l’Union régionale. Il adhéra à la Ligue syndicaliste de Pierre Monatte et au Comité des 22. En janvier 1930, il fut le leader d’une minorité grandissante de la CGTU de Reims qui rassembla jusqu’à dix-huit syndicats sur quarante-trois et entraîna à sa suite des militants comme Fernand Parmentier, Paul Berlot, Cachinard. Comme il ne pouvait plus écrire dans L’Exploité, il fit partie pendant quelque temps de La Voix syndicale et collabora au Cri du peuple. Les appuis allant en se raréfiant, il cessa de militer en 1932, devint marchand ambulant, gagnant péniblement sa vie. Cependant ses opinions ne changèrent pas, comme le montrèrent ses dernières apparitions : attaques contre la IIe Internationale dans un meeting socialiste, collage d’affiches critiquant très durement Pierre Laval, le 16 janvier 1936.

Jean-Pierre Weber était un personnage hors du commun, charismatique, bagarreur, à la stature imposante, mesurant 1m 90 et pesant 120 kilos ; il avait une voix puissante, avait acquis par ses propres moyens une instruction sérieuse et possédait une facilité oratoire exceptionnelle. Il mourut d’ailleurs d’étouffement pendant une prise de parole à Reims en février 1936.

Il se maria une première fois en 1910 avec Sidonie Willerand,

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article135255, notice WEBER Jean-Pierre par Yves Le Maner, D. Pierre et Georges Clause, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 31 octobre 2019.

Par Yves Le Maner, D. Pierre et Georges Clause

Jean-Pierre Weber
Jean-Pierre Weber

SOURCES : Arch. Nat. F7/13036, 13090, 13588. — Arch. Dép. Nord, M 154/191, 154/195E, 595/40 et 595/69. — Arch. Dép. Marne, 197, 651 M 29. — L’Humanité, 7 avril 1929. — L’Exploité (Reims), 1929-1930. — Le Cri du peuple, 12 mars 1930. — D. Pierre, La CGT à Reims de la fin de la Première guerre mondiale (1918) à la réunification (1936), MM, Reims, 1976. — Marie-Françoise Talon, Biographie des militants ouvriers de l’arrondissement de Avesnes-sur-Helpe (1919-1939), Mémoire de Maîtrise, Lille III, 1974. — Témoignage de son petit-fils.

ICONOGRAPHIE : Arch. Jocelyne Batteux (petite-fille de Jean-Pierre Weber)

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