WEBER Maurice [WEBER Louis, Maurice ]

Par Michel Dreyfus, Jacques Girault

Né le 10 septembre 1888 à Paris (IIIe arr.), mort le 22 novembre 1969 à Sceaux (Hauts-de-Seine) ; professeur de mathématiques ; membre du Bureau du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, du comité de la Fédération de Seine-et-Oise de la Ligue des droits de l’Homme, membre suppléant du comité directeur de la Ligue internationale des combattants de la paix ; militant socialiste puis du Rassemblement national populaire pendant la Seconde Guerre mondiale.

Fils d’une employée et d’un artisan parisien qui avait fondé avec quelques compagnons une petite entreprise coopérative d’horlogerie, Maurice Weber fit ses études à l’école municipale Turgot et entra directement en mathématiques spéciales au collège Chaptal en octobre 1905. Aussi doué pour les lettres que pour les mathématiques, il fut reçu major à l’École Polytechnique et à l’École normale supérieure en 1907, et opta pour cette dernière en raison de sa passion pour l’enseignement. Il obtint la licence ès sciences en 1910 (certificats de calcul différentiel et intégral en 1908, de physique générale en 1908, de géométrie supérieure en 1909 et de mécanique en 1910). Atteint de fièvre typhoïde en seconde année, il perdit un an de scolarité et dut se rattacher à la promotion suivante pour préparer et réussir le concours de l’agrégation en 1911. Appelé au service militaire, il fut classé dans l’auxiliaire « section des commis et ouvriers d’administration », il fut envoyé à Rouen avant d’être nommé au Service géographique de l’armée à Paris.

Nommé en 1913 professeur au lycée de garçons de Nantes, Maurice Weber fut mobilisé au début de la guerre, et versé l’année suivante dans les services auxiliaires travaillant au service de mobilisation à la préfecture, s’occupant tout particulièrement des allocations militaires. Il assuma ensuite jusqu’à la fin de la guerre la préparation aux concours des Grandes écoles. Nommé ensuite au lycée de Dijon durant un an, il entra dans le cadre parisien, au lycée Buffon à Paris en 1920, puis en 1924 au collège Chaptal où il fut chargé de la classe de mathématiques spéciales et de conférences à l’École normale supérieure de Sèvres. En 1930, muté au lycée Hoche de Versailles, il enseigna dans des classes similaires mais avec de meilleurs élèves. Il enseigna par la suite dans les classes de mathématiques spéciales de divers lycées parisiens (Janson de Sailly en 1934, Saint-Louis en 1936, Condorcet en 1937).

Durant toute sa carrière il publia des manuels aux éditions Dunod : en 1920, Les mathématiques de l’élève ingénieur, en 1925, des cours pour les classes de mathématiques spéciales et en 1928 des cours de mécanographie et de géométrie analytique. Il signa aussi avec J. Gailly un manuel d’arithmétique aux éditions SUDEL du Syndicat national des instituteurs (1936).

Il s’intéressa aux questions de pédagogie à travers deux associations : la Société des amis de l’École normale (dès sa création en 1919) et les Compagnons de l’Université nouvelle, créée dans les derniers mois de la guerre. Cette association « se proposait d’établir des liens entre tous les membres de tous les enseignements en vue d’une réforme profonde de l’Université (...) avec l’ambition de faire de tous des citoyens ». Maurice Weber lui consacra beaucoup de son temps. Il milita également au Syndicat confédéré des professeurs de lycée créé par Ludovic Zoretti et Marcel Déat.

Bien que n’ayant pas directement participé à la guerre, il avait été révolté par le conflit, ce qui explique sans doute son engagement tant dans le mouvement pacifiste à partir des années trente qu’à la Ligue des droits de l’Homme dont il présida la section de Viroflay (Seine-et-Oise). On ne sait pas exactement quand il devint franc-maçon puis l’un des dignitaires de la Franc-maçonnerie.

Socialiste SFIO, Maurice Weber fut membre du bureau du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA) et écrivit dans le journal Nouvel âge, lancé à partir de mai 1934 par Georges Valois. Dès le milieu des années trente, Maurice Weber milita activement au sein de la Ligue internationale des combattants de la paix et fut membre de son comité directeur à partir du congrès de Montargis (1934) ; il y fut reconduit lors du congrès d’Agen en 1935 puis de Bernay en 1936. Il était trésorier général de la LICP.

Avec Robert Jospin, il prépara pour le congrès de 1936 de la LICP un rapport sur « les partis politiques, le Front populaire et la paix » dans lequel il concluait que tous les partis politiques avaient été inférieurs à leur tâche dans la lutte contre la guerre (Le Barrage, 5 mars 1936). Selon Nicolas Offenstadt, « dans leur hostilité aux partis politiques », Jospin et Weber, se référant à Alain, soulignaient que pour eux « la masse n’est qu’un instrument alors que pour les Combattants de la paix, c’est l’individu qui prime ». Peu après, toujours avec Robert Jospin, il jugea la militarisation de la Rhénanie par Hitler comme « encourageante » dans la mesure où elle allait dans le sens d’un démantèlement du Traité de Versailles. L’année suivante, il soutint dans les colonnes duBarrage une polémique avec Régis Messac qui souhaitait que la LICP devienne un groupe révolutionnaire luttant pour une société nouvelle d’où les causes de guerre seraient éliminées et reprochait à Maurice Weber d’accepter la réalité du capitalisme « fauteur de guerre ». Tout en marquant son peu d’enthousiasme pour le capitalisme, ce dernier réfutait tant la violence que le « mythe de la vie future ». Les Procès de Moscou entraînèrent une crise au sein de la minorité pacifiste et critique vis-à-vis du Front Populaire de la Ligue des droits de l’Homme et un « Appel à la Ligue des droits de l’Homme » fut publié dans les Cahiers des droits de l’Homme : Maurice Weber le signa en compagnie de Michel Alexandre, A. Bergery, Félicien Challaye, Francis Delaisi, Léon Émery, Maurice Paz, Élie Reynier. Dans le rapport sur le trotskisme transmis au bureau politique du Parti communiste, le 28 juillet 1938, Maurice Weber était mentionné comme militant de la tendance des « Amis de l’Ecole émancipée » qui se regroupèrent dans le Centre syndical d’action contre la guerre constitué après la conférence de Paris du 5 juin 1938. Ils étaient aussi en relations avec les Amis de Syndicats dans la CGT.

Dénoncé comme franc-maçon selon le Journal officiel du 22 octobre 1941, il fut mis à la retraite le 23 novembre 1941 puis réintégré en surnombre peu après. Cette mesure fut-elle appliquée immédiatement ? En effet, Maurice Weber fut sanctionné le 13 mars 1942 et déclaré « démissionnaire d’office ». Il avait constaté, dès l’automne 1936, que la LICP « végétait ». Sous l’Occupation, il rallia le Rassemblement national populaire. Ce fut à peu près au même moment qu’il devint aveugle. En 1945, il habitait Le Chesnay (Seine-et-Oise/Yvelines). Bien qu’ayant été réintégré le 16 juin 1945 au lycée Condorcet, il fut condamné à la dégradation nationale à vie par la Chambre civique de la Cour de justice de Versailles, le 16 juillet 1945. Cette peine fut ramenée à dix ans par un décret du Chef du gouvernement dès le 26 juin 1946, décret qui limitait à 15 mois la déchéance au droit de pension. De nouvelles démarches auprès du ministère de l’Éducation nationale lui permirent de retrouver une situation régulière et, compte tenu de sa cécité, il fut mis à la retraite le 4 février 1947. Ses dernières années semblent avoir été assez pénibles en raison de difficultés familiales : il dut quitter sa maison de Viroflay et vivre dans différentes pensions de famille à Versailles puis à Sceaux. Il poursuivit néanmoins son activité scientifique de recherche et d’enseignement. En 1952, aux éditions SUDEL parut un manuel d’arithmétique pour le cours moyen signé Maurice Weber, E. Grandperrin et Charles Rudent.

Il se maria le 23 septembre 1913 à la mairie du XIVe arrondissement de Paris avec une institutrice, fille d’un rédacteur principal à la compagnie du gaz. Le couple eut trois enfants. (le second mourut à l’âge de quinze ans en 1933).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article135258, notice WEBER Maurice [WEBER Louis, Maurice ] par Michel Dreyfus, Jacques Girault, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 5 septembre 2016.

Par Michel Dreyfus, Jacques Girault

ŒUVRE : Bibliographie dans Maurice Janet, op. cit..

SOURCES : Arch. Nat. : F17 27370, F 60 1497. — RGASPI, 517 1 1884. — : Le Barrage, passim, notamment 7 mars 1935. — La Patrie humaine, passim. — M. Janet, « Maurice Weber », Annuaire de l’association amicale des anciens élèves de l’ENS, 1971. — J. Rabaut, Tout est possible Paris, Denoël, 1974. — N. Offenstadt, Histoire de la Ligue internationale des combattants de la paix (1931-1939), mémoire de maîtrise, Paris I, 1991. — Notes d’Alain Dalançon.

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