WEILL Georges

Par Justinien Raymond

Né le 17 septembre 1882 à Strasbourg, mort le 10 janvier 1970 à Paris, XVIe arr. ; économiste et militant socialiste ; tour à tour député au Reichstag et à la Chambre française.

Enfant d’une famille bourgeoise (son père était marchand de chapeaux en gros), Georges Weill fréquenta le lycée de Strasbourg où, à dix-huit ans, il obtint l’abitur, couronnement des études secondaires. Au moment d’entrer en Faculté, cet Alsacien dont le français restait la langue familiale, prit le chemin de Paris et rejoignit, en Sorbonne, ses deux sœurs aînées. Pendant l’année universitaire 1900-1901, Georges Weill suivit quelques cours de Boutroux, de Janet. Mais, autant que les amphithéâtres, il hanta les salles de réunions et de conférences du groupe des Étudiants collectivistes auquel il appartenait et qui le délégua au congrès socialiste de Lyon en 1901. Le groupe de l’ENS de la rue d’Ulm, l’union socialiste, lui confia aussi son mandat par l’intermédiaire de Lucien Herr. Mais Georges Weill ne put accomplir cette double mission.

Son adhésion au groupe des Étudiants collectivistes n’était pas une initiation. Dès 1899, en effet, étant encore lycéen, il était entré au Parti socialiste dont l’organisation locale, dans la capitale de l’Alsace annexée à l’Empire allemand, se présentait comme un ensemble de petits clubs socialistes de vingt membres au plus. Celui qui l’accueillit réunissait surtout des typographes et des ébénistes, et Georges Weill y trouva son premier contact avec le monde ouvrier. Aucun impératif social à ce choix précoce que commandèrent des motifs personnels et des conditions très particulières : adhésion raisonnée d’un jeune intellectuel issu d’un milieu libéral et détaché de toute contrainte religieuse ; protestation spontanée d’un Alsacien qui, dépassant ses objections essentiellement politiques et nationales au régime établi, rejoint, sur le plan social où elle combat, la seule force sérieuse d’opposition, et, fait déterminant, le brusque éveil de conscience d’un israélite aux échos de l’Affaire Dreyfus. La bataille pour la révision du procès de 1894 secoua l’Alsace, provoqua un surcroît d’intérêt pour les événements de France chez tous les Alsaciens, qu’ils fussent pour ou contre Dreyfus. C’est l’Affaire qui, en définitive, décida de l’orientation de Georges Weill et devait le rendre si sensible au prestige de Jaurès qu’il rencontra pour la première fois au groupe des Étudiants collectivistes. Il fréquenta, autour d’Hubert Lagardelle, l’équipe du Mouvement socialiste à laquelle il s’agrégea en 1901.

De retour à Strasbourg, Georges Weill poursuivit ses études, s’attachant au Droit et à l’Économie politique. Il obtint en 1904 le titre de Doktor Rerum politicarum (docteur ès sciences politiques) avec une thèse sur la Situation de la Batellerie fluviale sur le Rhin. Il était depuis 1902 secrétaire adjoint de la Chambre de commerce de Strasbourg.

Georges Weill n’abandonna pas non plus l’action socialiste et se donna à la propagande à Strasbourg et dans les campagnes environnantes. En 1906, des grèves répétées agitèrent la vallée de la Bruche. Les ouvriers de ses filatures et de ses tissages, pour des journées de dix à douze heures de travail, recevaient de maigres salaires et subissaient le joug des économats patronaux où ils s’endettaient dans une vie sans horizon et s’adonnaient à un alcoolisme invétéré qui minait une race forte. À quatre-vingts ans, Georges Weill ressentait encore, très vive, l’impression qu’il éprouva devant ce monde désenchanté auquel il résolut d’enseigner le socialisme. Une élection partielle dans la vallée lui en fournit l’occasion. Il décida les groupes socialistes strasbourgeois à poser une candidature de principe qui échut à un prote d’une imprimerie de la grande ville. À ses côtés, Georges Weill anima une campagne électorale qui fit quelque bruit.

Dans le même temps, il donnait des correspondances épisodiques au Vorwaerts, organe central de la social-démocratie. Il assura, de 1907 à 1910, une collaboration régulière au journal socialiste de Nuremberg, Die Fränkische Tagspost, en compagnie de Kurt Eisner.

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À trente ans, Georges Weill était devenu un militant en vue du parti socialiste d’Alsace-Lorraine. Au renouvellement du Reichstag en février 1912, les deux circonscriptions de Strasbourg étant occupées, la première par le député socialiste sortant Bœhle, la deuxième par le candidat socialiste Fuchs, son aîné, il fut présenté dans la circonscription lorraine de Metz. Son principal adversaire, Lasolgne, maire d’Ars-sur-Moselle, candidat du Bloc lorrain, était un notable conformiste sur le terrain politique et social. M. Weissmann était candidat libéral. Georges Weill fit toute sa campagne en français, ne recourant à la langue allemande que dans les quelques localités industrielles comme Rombas où des ouvriers allemands de l’intérieur se mêlaient aux autochtones. Le Bloc lorrain, derrière le masque du particularisme local, unissait dans le conservatisme social et politique cléricaux et anticléricaux allemands et indigènes. Georges Weill fut combattu comme étranger parce que Alsacien, fut traité de régicide pour avoir défendu Francisco Ferrer. Les journaux de langue française essayèrent d’effrayer les autochtones à l’idée de la répression qui suivrait l’élection d’un socialiste. Ils firent appel aux Allemands d’origine pour soutenir le trône et l’Empire. Mais Georges Weill recueillit un grand nombre de voix dans les villages de l’arr. de Metz où on ne parlait que le français. Il eut la majorité à Saint-Privat, à Sainte-Marie-aux-Chênes, à Vallières, à Borny, etc. Il rassembla 11 102 voix contre 11 636 et 7 706 au candidat nationaliste lorrain et au candidat libéral. Il l’emporta au second tour par 15 200 suffrages contre 12 800 à M. Lasolgne : il était le premier élu socialiste de Lorraine. Au Reichstag, il siégea au sein du groupe social-démocrate et appartint à la commission de l’Armée. Sa carrière parlementaire à Berlin fut courte. À côté d’interventions sur des questions d’intérêt local, il ne participa qu’à deux grands débats en 1913. Documenté par le rapport de Maurice Viollette à la Chambre française, il dénonça la participation d’Allemands aux malversations financières de l’affaire dite de la Ngoko-Sanga. Le 3 décembre 1913, au nom du groupe socialiste, il interpella le chancelier Bethmann-Hollweg et le ministre de la Guerre à propos des incidents de Saverne. Il dénonça « l’abdication du pouvoir civil devant le cabinet militaire [...], la capitulation sans phrase [...], l’humble soumission du chef du gouvernement qui aurait dû, en pareille circonstance, poser à son maître la question de confiance... ». Comme « indigène d’Alsace-Lorraine », il souleva les « mouvements » d’un Reichstag au grand complet en déclarant : « L’indignation et la colère s’emparent des populations et il leur faut tout leur sang-froid pour ne pas arriver à des hostilités irrésistibles envers toute l’Allemagne » (L’Humanité, 5 décembre 1913). G. Weill termina en demandant pour l’Alsace-Lorraine l’autonomie qui la délivrerait de la tutelle du pouvoir central et servirait le rapprochement franco-allemand. À l’issue du débat, une motion de défiance contre le chancelier recueillit 293 suffrages contre 54 voix venues de la seule extrême-droite. Ce débat souleva de larges échos en France. Le Temps et l’Écho de Paris évoquèrent l’existence de deux Allemagnes, ce que Jaurès ne manqua pas de relever.

Depuis 1908, Georges Weill était, à la demande de Philippe Landrieu, le correspondant de l’Humanité. À six ans du conflit qui allait bouleverser le monde, devenir le correspondant du journal de Jaurès de l’observatoire où le plaça bientôt le siège de député au Reichstag, c’était, pour G. Weill, prendre place dans l’histoire. Relié au quotidien socialiste de Paris, par fil spécial au bout duquel il trouvait souvent Jaurès lui-même, il l’informait de la vie politique d’outre-Vosges. Un ou plusieurs collaborateurs lisaient au préalable dans les imprimeries des journaux allemands les morasses des articles et des informations. G. Weill centralisait ces renseignements et les transmettait à Paris où, par suite du décalage de l’heure, ils paraissaient en même temps que leur source sortait à Berlin. Une fois par mois en moyenne, Georges Weill se rendait à Paris, rencontrait Jaurès à l’Humanité, rue Montmartre, ou chez lui, rue de la Tour. Ses informations portaient essentiellement sur l’Alsace-Lorraine, sur la politique allemande et les dangers de guerre qu’elle impliquait, et sur l’attitude de la social-démocratie.

Georges Weill présentait les deux provinces annexées comme françaises de cœur, mais si attachées à la paix qu’elles repoussaient toute idée de guerre réparatrice et se contentaient de revendiquer dans l’Empire une autonomie garante de leur liberté et de leur personnalité. Il avait exposé ses idées le 30 mars 1912, salle Wagram à Paris, devant 6 000 personnes, dans un rassemblement franco-allemand, en compagnie de Dubreuilh, de Vaillant, de Jaurès et de Scheidemann, député de Solingen. Il y célébra la vraie « revanche », les nations opprimées délivrées par l’Internationale triomphante, la suppression de « la ligne bleue des Vosges et du ruban du Rhin », séparation entre deux peuples qui se réconcilieront dans l’Humanité. « Nous ne voulons pas renoncer à notre personnalité nationale, déclara-t-il. Il serait absurde de vouloir confondre l’internationalisme socialiste avec l’annihilation ou la négation de l’idée nationale ». « Nous avons évidemment, précisa-t-il, subi dans l’histoire beaucoup plus l’influence française que l’influence allemande. S’il y a en Alsace-Lorraine le souvenir tendre de la France, c’est à la grande Révolution que nous le devons [...]. Le culte du passé et nos espérances, conclut-il, se rencontrent dans l’action socialiste... » (L’Humanité, 1er avril 1912).

Renseigné en commission du Reichstag par les déclarations du général von Falkenhayn et du général von Heeringen, ministre de la Guerre, G. Weill affirmait qu’une agression allemande ne consisterait pas dans l’attaque soudaine des seuls corps d’active, comme le pensaient certains stratèges français, mais dans l’irruption massive des divisions d’active et de réserve, c’est-à-dire d’une nation en armes. Jaurès y trouvait la confirmation de ses thèses de l’Armée nouvelle et la justification de sa lutte contre le retour du service militaire de trois ans. G. Weill ne fondait pas de grands espoirs sur la volonté et la capacité de résistance du parti socialiste allemand et ne pouvait aisément communiquer ses certitudes à des socialistes étrangers à l’Allemagne. Il sentait s’épaissir autour de lui, au Reichstag, l’atmosphère de méfiance patriotique dont on l’entourait même au groupe socialiste. Cette méfiance ne s’expliquait pas seulement par ses sentiments français, mais aussi par le divorce qui s’accusait entre ses convictions socialistes et l’état d’esprit de la social-démocratie, ce « grand corps sans âme » (G. Weill) que n’animait plus, s’il l’avait jamais fait, un puissant souffle démocratique et qui, devant le danger de guerre, s’enlisait dans une fâcheuse résignation.

Cette collaboration à l’Humanité devait mettre G. Weill dans une étroite intimité de pensée avec Jaurès. Il avait suivi son combat pour Dreyfus. Il le rencontra, le trouvant alors un peu modéré, aux Étudiants collectivistes. Aux approches de la guerre, une étroite collaboration les lia et les réunit souvent, comme au meeting de Francfort en 1910, au congrès de Bâle en 1912, à la conférence interparlementaire franco-allemande de Berne en 1913, comme à la table du café du Croissant où G. Weill se trouvait assis en face de Jaurès au soir tragique du 31 juillet 1914 dont il est le dernier témoin survivant.

***

Prévoyant la guerre, il était venu passer ses vacances de l’été de 1914 en France et séjournait à Saint-Malo quand survint la rupture. Son choix était fait : le 5 août, il s’engagea dans l’armée française et rejoignit le 102e régiment d’infanterie au fort de Châtillon. Il entra en campagne en avril 1915 comme agent de liaison. La presse française monta en épingle cet exemple de « fidélité à la patrie ». Les mêmes soucis patriotiques imposèrent d’abord le silence à l’autorité allemande : on laissa dire par quelques journaux qu’un accès de folie l’avait frappé à la mort de Jaurès. Quand les siens eurent quitté l’Alsace, G. Weill adressa à ses compatriotes un message les informant de sa conduite : « Alsaciens et Lorrains, proclamait-il, nous avons essayé, pendant la dure période de domination étrangère, de subordonner notre droit et nos espérances au souci suprême de la paix, et nous luttions pour obtenir dans la paix un régime qui nous eût permis de conserver à notre pays sa personnalité et son caractère national. Cette résignation voulue et réfléchie, nous ne la regrettons pas. C’est grâce à elle que nous pouvons avoir conscience, ainsi que tous les autres Français, de n’avoir rien négligé pour que la guerre fût évitée. Notre force morale dans la crise présente n’en est que plus grande. Mais l’ennemi nous a délivrés lui-même des réserves que nous dictait notre préoccupation de la paix [...]. Il n’y a plus de réserve à nos espérances et à notre volonté patriotique [...]. En m’engageant dans l’armée de la République, en poursuivant ainsi la lutte contre l’Allemagne militarisée et prussianisée, oppresseur de la liberté de tous les peuples, j’ai conscience d’avoir bien rempli mon mandat de député socialiste et de député d’Alsace-Lorraine » (L’Humanité, 20 décembre 1914). Alors, comme insoumis, G. Weill fut condamné à mort par le conseil de guerre allemand de la 29e division d’infanterie qu’il aurait dû rejoindre.

En 1917, il fut promu au grade de capitaine et chargé par le cabinet Ribot d’une mission auprès du gouvernement de Kerensky dans le but de l’intéresser aux efforts de guerre des Alliés et à la question d’Alsace-Lorraine. À son retour, il informa les commissions des Affaires étrangères de la Chambre des Députés et du Sénat de l’état de la Russie et émit, sur la solidité du régime provisoire, des doutes que la Révolution d’octobre allait bientôt justifier.

La paix rétablie, G. Weill poursuivit son activité politique dans les rangs du Parti socialiste SFIO. Au congrès de Strasbourg (25-29 février 1920), il représenta la fédération du Bas-Rhin. Le samedi 28 février, il intervint sur le problème de l’affiliation internationale. Il dénonça le « verbalisme révolutionnaire dont nous avons connu le néant dans le socialisme allemand » (compte rendu, p. 322). Il se déclara pour le maintien « conditionnel » dans la IIe Internationale, car, dit-il, si « j’entends rester dans l’organisation où sont nos amis belges, nos amis anglais... », « je refuse la compagnie des socialistes majoritaires allemands, comme nous l’avons refusée pendant la guerre » (ibid., p. 324) ; et il ne manqua pas d’ironiser sur ceux qui voulaient alors renouer avec les Scheidemann, les Ebert et les Noske. G. Weill repoussait l’adhésion à la IIIe Internationale non seulement en raison de conditions d’ailleurs mal connues et dont il rejetait l’idée même, mais aussi par opposition à la « doctrine bolcheviste », incompatible avec sa conception de la « défense nationale » et du « suffrage universel » (ibid., p. 328). « Nous restons sur notre ancien terrain et nous pensons, lança-t-il, comme par le passé, qu’il est permis d’être en même temps un internationaliste convaincu, un bon républicain et un bon Français » (ibid., p. 329).

En décembre 1920, il fut un des cinq délégués de la fédération du Bas-Rhin au congrès de Tours. Il appartenait à la petite minorité des treize mandats qui s’étaient portés sur la motion Blum et qui, au congrès, s’abstinrent, contre quatorze à la motion dite de « Reconstruction », et quatre-vingt-quatorze favorables à la Troisième Internationale. Le 26 décembre au matin, il exposa devant le congrès la situation du parti socialiste dans son département. Il le présenta comme un parti de composition prolétarienne car, en dehors de Strasbourg, ses soixante-dix sections « rurales » « se composent d’ouvriers des tuileries ou autres qui habitent la campagne » (compte rendu, p. 98). Porte-parole de la minorité, il parla « au nom de l’unité socialiste, celle qui comprend tous les socialistes, y compris ceux qu’on voudrait exclure » (ibid., p. 102). Il affirma que le choix majoritaire de sa fédération était moins une adhésion à toutes les conditions d’entrée dans la troisième Internationale, que beaucoup ignoraient, mais « le moyen le plus sûr, le plus efficace et le plus visible de protestation et d’opposition contre la politique néfaste, intérieure et extérieure, poursuivie par le gouvernement actuel » (ibid., p. 99). Les socialistes alsaciens sont d’autant plus ulcérés par cette politique, ajouta-t-il, qu’elle a consisté « depuis que nous sommes redevenus Français [...] à livrer notre patrie à la réaction cléricale » (ibid., p. 100).

Candidat en 1919 sur la liste du Parti socialiste encore uni, G. Weill ne fut pas élu, la liste du Bloc national enlevant tous les sièges. Après la scission de Tours, il se retrouva dans le Parti socialiste SFIO et y suivit constamment le courant personnifié par Renaudel, favorable à « l’Union des gauches » et éventuellement à la participation socialiste au gouvernement. Néanmoins, lorsque cette fraction quitta le Parti socialiste en 1933 à la suite de l’exclusion de quelques-uns de ses leaders, il ne la suivit pas. Mais avec trente-deux collègues, il proclama, dans une lettre à Vincent Auriol, président du groupe socialiste, sa fidélité à ses conceptions. Sur le plan local, G. Weill fut un adversaire déterminé de toute forme d’autonomisme. Il ne s’était jamais intégré de cœur dans la nation allemande. Il était resté étroitement mêlé à la vie française, et le retour à la France ne lui posait aucun problème d’adaptation. Républicain, socialiste, laïque, il voyait dans l’autonomisme le champ laissé libre à la réaction cléricale et au conservatisme social. Il y voyait aussi le risque d’une « politique de clocher » dont s’inquiétait son patriotisme sourcilleux d’homme de la frontière.

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Si, après son échec électoral de 1919, G. Weill utilisa ses compétences dans les affaires, il n’abandonna pas la politique militante. En 1924, il fut élu député du Bas-Rhin sur une liste socialiste, non qu’il répugnât au Cartel, mais celui-ci n’avait guère de sens en Alsace où le parti radical-socialiste n’eut jamais une forte implantation. En 1928, au scrutin uninominal, il fut battu dans la 2e circonscription de Strasbourg par le Dr Mourer, député sortant lui aussi, candidat du Landespartei, né d’une dissidence communiste locale. Sur 18 152 inscrits, il recueillit, aux deux tours, 4 841 et 6 012 voix, son vainqueur passant de 4 521 à 7 140. En 1932, il retrouva un siège dans la 1re circonscription de Strasbourg où le député socialiste sortant, Peirotes, ne se représentait pas. G. Weill, qui avait conquis « en français » le siège de Metz au Reichstag, postulait à Strasbourg « en allemand » un mandat à la Chambre française. Avec 5 881 et 8 382 voix sur 26 989 inscrits, il triompha du « démocrate » Garcin, républicain de gauche (4 301 et 6 189) et du candidat autonomiste (2 789 et 4 838). Au cours de cette compétition électorale, Le Journal d’Alsace-Lorraine, sur les injonctions formelles de Raymond Poincaré, soutint G. Weill, de tous les candidats le seul sans compromissions avec l’autonomisme. Le Temps, sous la plume de Rémy Roure, souligna le sens « national » de cette élection. En 1936, sur 28 758 inscrits, G. Weill recueillit 4 394 voix, distancé par Garcin (7 304) et par Hueber (5 712), communiste dissident qui l’emporta au second tour par 9 782 suffrages, G. Weill avait retiré sa candidature.

Député, il appartint surtout à la commission des Affaires étrangères et consacra aux questions de son ressort l’essentiel de son activité parlementaire. Cependant, il parla maintes fois sur des problèmes propres à l’Alsace. Il défendit notamment, en 1925-1926, l’introduction intégrale de la législation française dans les départements recouvrés.

Son échec de 1936 marqua la fin de sa vie publique. En 1939, il fut mobilisé à Orléans comme capitaine et affecté au service de l’Information. Libéré en 1940, il réussit, de Toulouse, à gagner Alger où il siégea au comité central de la France combattante. Au printemps de 1944, alors que l’issue de la guerre ne faisait plus de doute et que se posait déjà le problème de la paix, de l’organisation de l’Europe et du monde, G. Weill, fort de son expérience personnelle, proposa au problème allemand des solutions qui le montrent fidèle à son passé.

La guerre terminée, il regagna Paris, reprit sa vie professionnelle et renonça à toutes responsabilités politiques sinon à toute vie politique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article135285, notice WEILL Georges par Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 16 avril 2020.

Par Justinien Raymond

ŒUVRE : G. Weill a collaboré aux journaux suivants : Vorwaerts, organe de la social-démocratie. — Die Fränkische Tagpost, journal socialiste de Nuremberg. — Le Mouvement socialiste. — La Vie socialiste. Il était à la fois le collaborateur et le correspondant de ces deux revues socialistes de Lagardelle et de Francis de Pressensé. À la seconde, il collabora dans l’entre-deux-guerres alors qu’elle était dirigée par P. Renaudel. — L’Humanité, collaborateur et surtout correspondant. Sa correspondance s’ouvre dans le n° du 15 septembre 1908 par le compte rendu du congrès de la social-démocratie à Nuremberg. — Le Populaire, organe du Parti socialiste SFIO.
Écrits divers : Situation de la batellerie fluviale sur le Rhin, Strasbourg 1904, thèse de Droit. — Le Problème allemand, Paris, 1945, 62 p. Préface d’A. Le Troquer. Cette étude avait été publiée à Alger au printemps de 1944.

SOURCES : Arch. Ass. Nat., dossier biographique. — L’Humanité, 1908-1914. — Jean Longuet, Le Mouvement socialiste international in Encycl. socialiste syndicale et coopérative, publiée sous la direction de Compère-Morel, Paris, 1913, 648 p. (p. 270-271). — 17e congrès national du Parti socialiste SFIO tenu à Strasbourg (25-29 février 1920). Compte rendu, p. IX, 59, 64, 274, 291, 319-329. — 18e congrès national du Parti socialiste SFIO tenu à Tours (25-30 décembre 1920). Compte rendu, p. VIII, XIX-XXIII, 98-102. — Rapports pour le XXXIe congrès national du Parti socialiste SFIO (20-23 mai 1934 à Toulouse), Paris, 1934, 200 p. — Le Monde, 13 janvier 1970. — Enquête auprès de M. G. Weill à son domicile parisien, le 5 mai 1962. — D. Lejeune, « Les Missions de la SFIO dans la Russie », Revue historique, octobre-décembre, 1987. — F. Igersheim, St. Jonas, J.-Cl. Richez, L. Strauss, Jacques Peirotes et le socialisme en Alsace, Bf Éditions, 1989.

ICONOGRAPHIE : J. Longuet, op. cit., p. 270.

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