DELACOUR Alphonse

Né le 19 août 1839 à Lorrez-le-Bocage (Seine-et-Marne), arr. de Fontainebleau ; mort le 30 mars 1904 à Paris (VIe arr.) ; ouvrier relieur ; sous-lieutenant au 193e bataillon de la Garde nationale pendant le Siège ; commandant du même bataillon sous la Commune de Paris, déporté en Nouvelle-Calédonie ; membre de l’Internationale.

Fils d’Antoine Delacour et de Louise Dom, Alphonse Delacour vint à Paris en 1856 comme ouvrier relieur, après avoir terminé son apprentissage à Montargis. En 1860, il participa, avec son ami Varlin, à la renaissance du mouvement syndical entravé par le coup d’État du 2 décembre. Varlin et Alphonse Delacour fondèrent la Société de résistance de la reliure et, en 1864, la Ménagère, société coopérative de consommation du VIe arr. Quelque temps après, ils établirent dans leur arrondissement, avec N. Le Mel, Bourdon et autres, un restaurant coopératif pour les travailleurs, la Marmite, qui dura jusqu’à la Commune. Après y avoir pris un repas, il arrivait à Delacour d’y chanter une chanson de Pierre Dupont.
En 1867, il fut délégué des ouvriers relieurs à l’Exposition Universelle de Paris pour élaborer un rapport sur les progrès de cette industrie. La délégation dont il fit partie refusa la subvention offerte par Napoléon III. Voir Clémence Adolphe. En septembre 1868, envoyé au troisième congrès de Bruxelles, par l’Association des ouvriers relieurs, adhérente à l’Internationale, il vota, avec la majorité, la socialisation des forces productives.
En compagnie de dix-neuf autres citoyens, membres comme lui de l’AIT, Alphonse Delacour présenta un programme d’inspiration républicaine et socialiste lors des élections générales du mois de mai 1869. (Voir Avisard.) Il habitait alors, 10, rue de la Parcheminerie, à Paris, Ve arr.
Fin avril 1870, la police de l’Empire, qui préparait le plébiscite du 8 mai, arrêta les principaux dirigeants de l’Internationale sous la double inculpation de complot et de société secrète. Robin rédigea une protestation, et ses camarades du Conseil fédéral parisien, et parmi eux Delacour, s’élevèrent publiquement contre cette accusation et revendiquèrent pour l’Internationale le droit d’être la « conspiration permanente de tous les opprimés et de tous les exploités » (La Marseillaise, 2 mai 1870). Voir Berthomieu.
En juillet 1870, Alphonse Delacour fut au nombre de ceux qui protestèrent contre la guerre.
Le 18 mars précédent, en tant que représentant des relieurs, il avait assisté à la réunion de l’Internationale au cours de laquelle avait été élaboré le projet de statuts de la Fédération parisienne, statuts qui furent adoptés le 19 avril, après discussion.
Impliqué dans le troisième procès de l’Internationale, Alphonse Delacour fut, le 8 juillet 1870, renvoyé de la prévention d’avoir appartenu à une société secrète, mais convaincu d’avoir, à Paris, fait partie de l’AIT non autorisée. Il fut condamné à deux mois de prison, 25 f d’amende, quatre mois de contrainte par corps le cas échéant. Voir Varlin.
Écroué à la maison correctionnelle de Beauvais (Oise), le 28 août 1870, il fut libéré le 5 septembre. Il fut aussitôt nommé, par les habitants du VIe, membre de la commission exécutive de l’arrondissement.
Sous-lieutenant au 193e bataillon de la Garde nationale, il participa à la sortie de Buzenval, 19 janvier 1871, et on nota sa « belle conduite ». Il participa aux deux journées révolutionnaires des 31 octobre 1870 et 22 janvier 1871.
Le 18 mars, avec les hommes de son bataillon, il s’empara, au nom du Comité central de la Garde nationale, de la mairie du VIe arr. et du palais du Luxembourg. Vers le 6 avril, il fut élu commandant de son bataillon qu’il entraîna « par son zèle et son dévouement infatigable », et sa formation fut citée dans un ordre du jour du général Dombrowski.
Le 20 mai, il démissionna à la suite de reproches qui lui furent adressés parce que des hommes de son bataillon avaient abandonné leur poste. Il continua alors à servir comme simple garde. Blessé au bras le 21 mai, il se trouvait dans l’ambulance du Sénat lorsqu’il fut arrêté. Il fut transféré à Versailles après guérison.
Le 3e conseil de guerre le condamna à la déportation dans une enceinte fortifiée. Il arriva à Nouméa le 25 septembre 1872.
Gracié le 15 janvier 1879, il fut rapatrié de Nouvelle-Calédonie en septembre et reprit la vie militante, après s’être marié civilement avec une demoiselle Marot, en mai 1880. Il habitait alors, 17, rue des Grands-Augustins, VIe arr., et sympathisa avec la création de la Revue socialiste de B. Malon (cf. lettre du 17 novembre 1884 publiée dans la RS t. I, p. 57). Militant de la Fédération des Travailleurs socialistes de France dirigée par Brousse, il fut candidat aux élections législatives de 1885. En octobre 1887, il obtint 313 voix dans le quartier de la Monnaie. Aux élections législatives du 22 septembre 1889, il fut candidat dans le VIe arr. Il fut encore dans le même arrondissement candidat aux élections législatives du 20 août 1893 où il recueillit 680 voix, et à celles d’octobre 1898, enfin aux élections municipales de mai 1900. Le 2 janvier 1894, il avait été condamné à 20 f d’amende pour infraction à la loi du 21 mars 1884.
À plusieurs reprises, Alphonse Delacour fut délégué de sa corporation et des travailleurs socialistes du VIe arr. aux congrès ouvriers. Il fut un des organisateurs du congrès international de 1889 qui se tint à Paris et qui institua la manifestation du 1er mai. Six années durant, 1887-1893, il siégea à la commission municipale scolaire de son arrondissement. Il collabora aux journaux socialistes et au Relieur dont il fut l’administrateur. (Il était demeuré trésorier de la Solidarité de la reliure.) Il fut un des fondateurs, en 1893, de la bibliothèque socialiste du VIe arrondissement.
Il obtint 5,36 % des voix aux élections de 1898 et 4,72 % en 1900.
Il avait abandonné le P.O.S.R. en 1894 pour se retrancher dans l’autonomie avec son organisation l’U.S.R. du VIe arr.
Après avoir perdu sa femme, enterrée civilement, en novembre 1896, il vécut maritalement avec une jeune cousine. En 1901, il était père de trois enfants, âgés respectivement de vingt, quatre et un an, le premier seul étant de sa femme légitime.
Son fils aîné était trésorier d’un cercle de Jeunesses socialistes. Après avoir été employé de commerce, Alphonse Delacour exerçait le métier de courtier en plumes pour parures et sa situation était aisée. Son signalement, tel qu’il était établi par les services de police, était alors le suivant :
« Taille 1 m 60, corpulence ordinaire, cheveux blancs, figure un peu maigre, barbe blanche ; vêtu d’un complet veston noir, coiffé d’un chapeau melon noir. »
Alphonse Delacour mourut quelques années plus tard et fut enterré civilement au cimetière de Bagneux, le 1er avril 1904.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article135905, notice DELACOUR Alphonse, version mise en ligne le 18 février 2015, dernière modification le 30 juin 2020.

SOURCES : Arch. Nat., BB 24/830, n° 1023. — Arch. PPo., B a/439 (pièces 5471-5477) et B a/1028. — Eugène Tartaret, Commission ouvrière de 1867. Recueil des procès-verbaux des assemblées générales des délégués et des membres des bureaux électoraux, Paris, Imp. Augros, 1868, X-320 p. — Notes de R. Skoutelsky. — Michel Offerlé, Les socialistes et Paris, 1881-1900. Des communards aux conseillers municipaux, thèse de doctorat d’État en science politique, Paris 1, 1979. — État civil en ligne cote 5MI701, vue 138. — Note de Louis Bretonnière. — Michel Cordillot (coord.), La Commune de Paris 1871. L’événement, les acteurs, les lieux, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, janvier 2021.

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