DESMOULINS Auguste, François

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot

Né le 18 avril 1823 à Noisy-le-Grand (Seine-et-Oise, actuellement Seine-Saint-Denis), mort le 22 mars 1892 à Neuilly-sur-Seine (Seine, actuellement Hauts-de-Seine) ; ouvrier typographe, puis instituteur, disciple de Pierre Leroux dont il était un des gendres.

Fils de François Desmoulins, peintre, et d’Alexandrine Boudeville, Auguste Desmoulins, fut d’abord, tout comme son ami Philippe Faure, un disciple de Louis Thomas Raban à Paris.

Après les obsèques de ce dernier, en 1845, séduit par la doctrine de l’humanité il rejoignit Pierre Leroux à Boussac (Creuse) et figura au nombre des fondateurs de la colonie agricole et de l’imprimerie sociétaire qui éditait la Revue sociale, ou Solution pacifique du progrès.

Auguste Desmoulins travailla aussi pour L’Éclaireur de l’Indre (1847-1848).

Il dirigea l’imprimerie avec l’autre gendre de Pierre Leroux, Luc Désages, après que Pierre Leroux, élu à la Constituante, fut parti pour Paris.

Desmoulins célébra à Huriel (Allier), en février 1849, l’anniversaire de la République dans un banquet auquel assistaient 1 200 paysans de la Marche (Creuse et Allier). Il fut arrêté et poursuivi, ainsi que Luc Désages, après l’insurrection lyonnaise de juin 1849.

Un peu plus tard, il travaillait à Paris chez Gerdès, imprimeur, 16 rue Saint-Germain-des-Prés (Xe arr. ancien, maintenant rue Bonaparte VIe), et se disait déjà « professeur ». Membre des comités démocrates socialistes pour les élections de 1850, puis de la commission intérimaire, il fut poursuivi, avec d’autres, pour publication dans La Voix du Peuple d’une pétition contre la loi du 31 mai, et acquitté, le 22 juillet 1850. Il demeurait alors au Panorama-des-Champs-Élysées. En 1850, il publia dans la Revue sociale ses souvenirs sur la vie de l’association, un des rares témoignages disponibles sur ce que fut la réalité du mouvement. En novembre 1850, il suivit, pour la Revue sociale, les débats du procès intenté aux membres de l’« Union des associations de travailleurs » de la rue Michel-le-Comte. En octobre 1851, moins de deux mois avant le coup d’État, il participa à une nouvelle tentative d’organisation des associations ouvrières. Une société en nom collectif, dite « Société de la Presse du travail », tenta de fonder un journal : L’Association, Moniteur du travail et des corporations industrielles, artistiques et scientifiques. Elle entendait, également, créer une « véritable bourse du travail » et fonder des bazars dans tous les centres. En fait, il s’agissait d’un projet « d’union » des associations déjà existantes ou à fonder, par l’intermédiaire d’un organisme central de propagande, d’action, de coordination. Fut ainsi mis sur pied un Conseil social composé d’une vingtaine d’ouvriers de diverses associations, sans doute le comité de « La Presse au travail », parmi lesquels Aillaud, Pierre Wahry, Auguste Desmoulins, qui devait avoir le contrôle d’une commission centrale de trois membres (Joseph Panet, Auguste Desmoulins, Victor Langrand), chargée de diriger la société. Le coup d’État devait mettre fin prématurément à cette initiative. La nouvelle union avait eu son siège social d’abord au bureau de la « Presse du travail », 13 rue du Jardinet (XIe arr. ancien, actuel VIe), puis, 27 rue Saint-André-des-Arts (XIe arr., actuel VIe). Il n’est pas exclu qu’Émile de Girardin ait songé à prêter la dernière page de son journal à la « Presse du travail ». Voir Pierre Vinçard.

Le 3 décembre 1851, un Comité central des corporations (probablement identique à la Société de la Presse du travail et à la Nouvelle Union), dirigé par Jules Leroux, par Auguste Desmoulins et par Gustave Naquet, publia un manifeste énergique appelant le peuple ouvrier aux armes contre le « nouveau César ». En février 1852, on rechercha vainement Desmoulins au siège de la Presse du travail, 27 rue Saint-André-des-Arts. Il fit l’objet d’une décision de transportation à Cayenne, par contumace.

Il rejoignit à Jersey Pierre Leroux, son maître (dont il avait épousé la troisième fille, Juliette). Il fut membre de « l’Union socialiste » créée à Londres par Leroux, Louis Blanc et Étienne Cabet en 1852, et siégea dans son Conseil ; il était également franc-maçon (il avait été initié à Paris à la « Rose du parfait silence ») et appartenait à l’ordre des Philadelphes, dont on sait le rôle dans la fondation de l’AIT. À Jersey il prononça l’éloge funèbre de son ami Philippe Faure, inhumé le 15 janvier 1856 au cimetière Macpela dans la paroisse Saint-Jean.

Dès 1859, Auguste Desmoulins écrivait : « Le socialisme en Amérique fait des progrès qui nous remplissent de joie et d’espoir. Là, comme en Russie, l’idée nouvelle vient aider à résoudre les questions si menaçantes de l’esclavage et de la propriété. » Aussi, lorsque Jules Leroux décida de partir pour les États-Unis avec d’autres membres de sa famille vers l’une des colonies communistes dissidentes de l’Icarie de Cabet, Auguste Desmoulins fut du nombre. Il fut membre de la colonie socialiste de Neuchatel au Kansas depuis ses débuts jusque vers 1870, date à laquelle il était de retour à Paris.

Après son retour, Auguste Desmoulins collabora à La Vérité de Portalis* à L’Homme de Louis Marétheux, devenu, le 18 mars 1871, L’Homme libre. Ce fut lui qui prononça l’éloge funèbre lors des obsèques de Pierre Leroux au cimetière Montparnasse le 14 avril 1871.

En 1873, Auguste Desmoulins participa à une réunion de délégués des syndicats et des coopératives, en vue de la création d’une société coopérative anonyme, à personnel et capital variables, dont le but était de fonder le crédit mutuel parmi les travailleurs et de créditer les sociétés coopératives existantes.

En 1876, il créa une bibliothèque coopérative dans le XVIIe arrondissement. En octobre 1876, il fut délégué de la Société pour l’extension de l’éducation libre au Congrès ouvrier de la salle d’Arras, à Paris, avec Jean Barberet (délégué de la Bibliothèque coopérative du XVIIe arrondissement) dont il partageait les conceptions coopératives et corporatives. Il fut désigné par le Congrès comme rapporteur de la question de l’enseignement professionnel.

En juillet 1880, comme délégué du syndicat des instituteurs et institutrices libres, il assista au Congrès ouvrier socialiste révolutionnaire de la région du centre. Il proposa de réaliser le programme de l’éducation intégrale en transférant à l’Instruction publique les 56 millions du budget des cultes.

Le 14 novembre 1880, il participait, au Havre, comme délégué du syndicat des instituteurs libres, au Congrès du Cercle Franklin, qui groupait les modérés de la tendance Barberet. Il demanda l’introduction de l’enseignement professionnel à l’école. « À l’école, l’enfant se familiarisera avec le maniement de la hache, de la lime, du rabot... » Il demanda que le prolétariat siège au Sénat et la bourgeoisie à la Chambre.

En septembre 1881, il fut un des organisateurs du Congrès ouvrier socialiste de France, tenu à Paris, du 29 novembre au 5 décembre, qui réunissait les groupes ouvriers, les syndicats et les coopératives, de tendance « barberettiste », qui avaient rompu avec le Parti ouvrier français, après le congrès du Havre de ce parti.

En 1884, Auguste Desmoulins fut élu conseiller municipal des Épinettes (XVIIe arrondissement de Paris), en remplacement d’Henry Maret et siégea avec les possibilistes. Il demeurait alors 32, rue Lemercier (XVIIe arr.) et exerçait une activité politique et sociale inspirée des Cercles socialistes et de Boussac (création de bibliothèques, de Crédit mutuel, du Syndicat des instituteurs libres, enseignement professionnel). Démissionnaire en 1887 pour se retirer dans la Creuse, il fut remplacé par Paul Brousse.

Il donna, en 1885, à la Revue socialiste de Benoît Malon, des articles rappelant les débuts du mouvement socialiste. Il faisait partie de la Société d’économie sociale, créée par Benoît Malon. Membre du Bureau du Comité parisien de secours aux grévistes de Decazeville, en 1886, il y retrouvait les députés Zéphirin Camélinat, Edmond Planteau et ses collègues du conseil municipal, Édouard Vaillant et Alphonse Humbert Il collabora aussi à la Revue du mouvement social (fouriériste) de Charles Limousin.

Auguste Desmoulins collabora encore au journal L’Émancipation, organe de l’École coopérative de Nîmes, créé en novembre 1886. Il était aussi secrétaire du comité de Paris de la Fédération pour la paix et l’arbitrage, dont H. Destrem était le président.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article135908, notice DESMOULINS Auguste, François par Notice revue et complétée par Michel Cordillot, version mise en ligne le 1er décembre 2010, dernière modification le 1er septembre 2020.

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot

ŒUVRE : Articles de journaux et de revues : Revue sociale, de Pierre Leroux, compte-rendu du procès de l’Union des associations de travailleurs (1850). — Revue socialiste de B. Malon de février 1888, un article où il évoque son expérience de 1845 à Boussac, vol. VIII, n° 38. — Almanach des corporations nouvelles (Associations ouvrières) (1852), « Le Capital et les Associations partielles », etc.

SOURCES : Arch. Min. Guerre, B 1547. — Philippe Faure, Journal d’un combattant de Février, Saint-Hélier, C. Lefeuve, 1859. — Le Coup d’État du 2 décembre 1851, Paris, Décembre-Alonnier, 1868, p. 157. — Jean Gaumont, Histoire générale de la Coopération en France, Paris, Fédération Nationale des coopératives de consommation, t. I, 1924. — Rémi Gossez, « L’organisation ouvrière sous la Seconde République », Revue des Révolutions contemporaines, t. XLII, n° 185, février 1950. — P.-F. Thomas, Pierre Leroux, Paris, 1904. — Bulletin de l’Association des Amis de Pierre Leroux, n° 5, p. 120-121. — « L’Europe une et indivisible », colloque d’Aix-en-Provence, 1990, Bulletin de l’Association des Amis de Pierre Leroux, n°9-10. — État civil. — Notes de Gauthier Langlois.

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