MARTELET Célestin, Joseph

Par Michel Cordillot.

Né en 1821 à Charleville (Ardennes), mort après 1880 ; cordonnier-bottier, ancien compagnon du Tour de France ; révolutionnaire quarante-huitard exilé après le coup d’État du deux-décembre à Londres, puis aux États-Unis ; membre probable de l’Union républicaine de langue française et de l’AIT ; une des figures de proue du mouvement socialiste franco-américain.

Martelet fut condamné en 1840 à trois semaines de prison pour outrage à agents. Venu s’installer à Paris, il demeurait au lendemain de la Révolution de février 54 rue du Faubourg du Roule (Ier arr. ancien, maintenant rue du faubourg Saint-Honoré, VIIIe). Début mars, il fut l’un des fondateurs du Club républicain du Faubourg du Roule. Le 17 mars, lors de la constitution définitive du bureau, il fut élu 2e vice-président du club. De mars à juin, il intervint comme orateur dans divers clubs. Lieutenant de la Ire légion de la Garde nationale, il fut contraint de donner sa démission après juin. Il devint délégué du Ier arr. au Comité démocrate socialiste et, travaillant peu, il paraissait entretenu par le « parti » pour faire de la propagande. Jouissant d’une certaine réputation dans la classe ouvrière en raison de l’ardeur de son prosélytisme politique, il s’efforça d’entraîner les ouvriers dans le mouvement et parcourut plusieurs communes autour de Paris pour les appeler à l’insurrection en décembre 1851. Le 4 au soir, il envoya chercher les ouvriers d’un fabricant de clouterie, rue du Faubourg-Saint-Honoré, où il habitait, et il aurait tenté de renverser un omnibus pour construire une barricade. Disparu de son domicile après le 5 décembre, il fut condamné à la transportation (« Algérie plus »).
Réfugié à Londres, il stigmatisa, dans une réunion tenue à Holborn par les proscrits l’attitude de Victor Schoelcher* et des « rollinistes » qui avaient décidé de ne plus verser aux socialistes le secours quotidien de 4 shillings provenant des cotisations payées par les ouvriers de Paris pour venir en aide aux exilés sans travail. Martelet s’écria « Ces messieurs, ne pouvant plus nous mitrailler comme en juin 1848, nous font maintenant la guerre à coup de « Pas de pain » ! » Il proposa aux proscrits qui avaient un emploi de prendre en charge ceux qui n’en avaient pas. Ainsi fut fait et les sans-travail reçurent leurs 4 shillings comme par le passé.
Martelet émigra ensuite aux États-Unis, sans doute à la fin des années 1850. On le retrouve en effet installé à New York, 38, 5e rue en 1860. Envoyant 50¢ pour aider à la fondation du Revendicateur (ce qui laisse supposer qu’il appartenait déjà au petit cercle des amis et sympathisants du Libertaire de Joseph Déjacque*), il demandait instamment que tous les efforts soient faits pour apprendre l’histoire aux travailleurs, dont l’ignorance devait être tenue pour responsable des erreurs qu’ils commettaient, comme par exemple l’élection à la présidence de la République de Louis-Napoléon (Le Revendicateur, 8 décembre 1860).
Après la guerre de Sécession, Martelet était installé à Mamaroneck, dans l’État de New York, et continuait d’exercer son métier de cordonnier. Sans doute membre de l’Union républicaine de langue française et de l’AIT, il resta constamment, bien qu’isolé, en étroit contact avec le mouvement socialiste francophone, versant généreusement aux souscriptions organisées en faveur des veuves et orphelins des combattants de la Commune ou encore des grévistes de Paterson, New Jersey (Le Socialiste, 22, 29 décembre 1872, 12 février 1873). En 1873, il fit le voyage pour assister à New York au banquet commémorant l’anniversaire du 18 mars ; il était par ailleurs en rapport avec Jules Leroux* (alors installé au Kansas), et il envoya à son journal une lettre célébrant la chute de la colonne Vendôme (Étoile du Kansas, 1er novembre 1873). L’année suivante, il était de nouveau présent à New York pour honorer l’anniversaire du 18 mars, et il prononça à cette occasion un long discours dans lequel il prenait la défense des femmes calomniées (Voir Bulletin de l’Union républicaine, 16 avril 1874 et l’Étoile du Kansas, 1er juin 1874, qui en donnent de larges extraits). À plusieurs reprises au cours des années suivantes, il fit parvenir au Bulletin de longues lettres dans lesquelles il exprimait son opinion. On retiendra essentiellement sa protestation contre la décision d’ériger à l’entrée du port de New York la statue de la Liberté donnée par la France (« De quelle utilité ne nous sera pas cette statue, ô Sans-culotte, quand elle aura allumé sa lanterne. Je ne crois pas que ses rayons vous réchaufferont beaucoup, mais ils pourront servir à éclairer ceux d’entre vous qui, ne pouvant se procurer du travail, et trop dignes pour aller mendier leur pain, vont la nuit chercher leur nourriture parmi les détritus de Washington Market et d’ailleurs, puis, l’estomac bien garni de trognons de choux, vous pourrez coucher par terre, contempler les centaines d’églises, de temples, de synagogues, monuments d’orgueil et d’hypocrisie, tous remplis de fauteuils bien capitonnés, de coussins, chauffés au calorifère, qui demeurent inoccupés jour et nuit, tandis que vous, qui les avez construits, ornés, décorés et payés, allez grelottants sous la bise solliciter un coin de planche parmi la vermine de toute sorte dans la sentine des stations de police. Hourra pour la Liberté éclairant le monde ! ») ; ainsi que sa longue lettre « Aux prolétaires des États-Unis » à propos du centenaire de la Déclaration d’indépendance (Bulletin, 17 janvier et 16 septembre 1876). Tout en s’intéressant de près à la situation en Amérique, il restait très attentif aux événements survenus en France, comme le prouve son article plein d’une ironie cinglante sur « Le Sénat conservateur » paru dans le Bulletin en date du 17 avril 1876.
En 1880, il fut avec Edmond Mégy* et Georges Drury* l’un des orateurs de la commémoration de la Commune organisée à New York (Labor Standard, 3 avril 1880). Sa trace se perd après décembre 1880, date à laquelle il écrivit au journal L’Observateur-feuille communiste non-séparatiste publiée à Corning (Iowa) par le cabétiste J.-B. Gérard, pour demander que ce journal ne lui soit plus adressé, ce qui impliquait qu’il avait pris parti pour la jeune Icarie (voir Émile Péron*). Il habitait alors toujours à Mamaroneck.
Plusieurs auteurs ont confondu C. J. Martelet avec son neveu, le communard Jules Martelet*, auquel il avait d’ailleurs écrit durant la Commune qu’il était prêt à venir défendre le gouvernement du peuple de Paris les armes à la main en cas de besoin (voir l’allocution de Jules Martelet, délégué de la Commune, à l’occasion des obsèques de Pierre Leroux*, Bulletin des Amis de P. Leroux, n° 10, 1993, p. 237). Jules Martelet, réfugié à Genève, Bruxelles et Londres, ne mit en fait jamais les pieds outre-Atlantique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article135976, notice MARTELET Célestin, Joseph par Michel Cordillot., version mise en ligne le 1er décembre 2010, dernière modification le 1er décembre 2010.

Par Michel Cordillot.

SOURCES : Les Murailles politiques de 1848, 17e éd., vol. II, p. 401-402. — Rapport du consul de France, 4 avril 1873, Arch. PPo. Ba/435. — Le Socialiste et le Bulletin de l’Union républicaine, passim.

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