Né à Lyon (Rhône) le 10 juin 1833 ; mort le 11 juillet 1893 ; ouvrier mécanicien ; libre penseur ; franc-maçon— voir Thirifocq E. ; coopérateur ; membre de l’Internationale (proudhonien « plus mutuelliste que Proudhon », disait Gustave Lefrançais).
Au moment des élections de 1863, André Murat participa aux réunions chez Charles Beslay, rue Oberkampf, à Paris, au cours desquelles fut débattue la question des candidatures ouvrières. En 1864, il signait, avec son père, le Manifeste des Soixante — voir Henri Lefort. L’année suivante, il adhérait à l’Internationale, carte n° 521, et faisait partie du premier bureau de Paris, installé, 44, rue des Gravilliers, le 8 janvier 1865. Le mois suivant il signait une déclaration « ouvriériste ». Voir Aubert Jean. Il figure également parmi les membres de l’Internationale signataires d’une lettre rédigée par Fribourg et Charles Limousin dans le courant de 1865, et adressée aux membres de l’AIT en vue de préparer le premier congrès de l’Association. Cette lettre est donnée dans la brochure Congrès ouvriers. Association Internationale des Travailleurs, reproduite pp. 16-24 du t. I de La Première Internationale (J. Freymond) op. cit.
Jusqu’à sa mort, André Murat allait militer dans les réunions et congrès, par la parole avant tout, en dépit de son tempérament sanguin qui le portait à s’emballer facilement, ce qui lui rendait difficile l’accès de la tribune, au dire de Gustave Lefrançais (Souvenirs d’un révolutionnaire, op. cit., p. 317).
En septembre 1866, il fut un des onze délégués parisiens au 1er Congrès de l’Internationale tenu à Genève et, en octobre, il fut élu à la Commission administrative du Bureau de Paris qui comprenait 15 membres. L’année suivante, à Lausanne, il assista au second congrès et fit partie du bureau provisoire. Il était un des neuf délégués parisiens et prit part aux travaux de la Commission chargée d’étudier la 3e question comportant notamment : « la mutualité ou réciprocité considérée comme base des rapports sociaux », et « les sociétés ouvrières ». Il intervint sur la 4e question ; « Travail et capital », et déclara à propos de la grève, qu’il ne croyait pas « qu’elle ait pour résultat une plus juste répartition des produits » (cf. compte rendu). Il intervint enfin sur les problèmes d’une langue universelle et de la réforme de l’orthographe. Les délégués, par 27 voix contre 11, estimèrent que l’adoption de ces réformes constituerait « un bienfait général » et contribuerait « puissamment à l’unité des peuples et à la fraternité des nations. Murat, non seulement vota non, mais demanda que son vote soit expressément constaté au procès-verbal. Après la clôture des travaux, il se rendit à Genève et assista, du 9 au 12 septembre, au Congrès de la Paix et de la Liberté, mais non au titre de délégué.
Cependant, des poursuites allaient être engagées en France contre l’Internationale, et Murat fut l’objet d’une perquisition le 30 décembre 1867. Les quinze membres de la Commission parisienne de l’Internationale, dont il faisait partie, démissionnèrent le 19 février 1868 et comparurent le 20 mars devant le tribunal correctionnel de Paris. Ils furent condamnés à 100 F d’amende, peine confirmée en appel le 29 avril (Murat présenta alors la défense collective) et en cassation le 12 novembre. À cette date, le 3e congrès de l’Internationale avait eu lieu à Bruxelles, et Murat y avait assisté comme représentant la chambre syndicale des mécaniciens, admise comme telle bien qu’elle n’appartînt pas à l’Internationale en raison des lois françaises qui frappaient l’association. Il s’y éleva contre Elsbach, délégué de Bruxelles, qui estimait que « la meilleure morale pour les enfants, c’est la Bible », et il lui répondit que « la Bible est le code de l’immoralité » (cf. compte rendu).
Le 30 mai 1869, avec Tolain, Varlin et autres, il fut un des animateurs de la réunion, salle des Folies-Belleville, des délégués de sections de l’Internationale ou de groupes corporatifs désireux d’élaborer un projet de fédération des sociétés ouvrières. En juin, il fut arrêté, demeura 26 jours à Mazas, puis fut remis en liberté (cf. L’Internationale, 18 juillet 1869). Le 27 juillet, Murat fut désigné par le Conseil général de l’Internationale comme son représentant à Paris pour signer et accepter en son nom l’adhésion des sociétés ouvrières. « Ce mandat, dira Murat — cf. Troisième Procès de l’AIT à Paris, op. cit., p. 164 — ne m’a servi que pour les adhésions individuelles ; la seule société que je désirais voir adhérer, des mécaniciens, ne l’a pas fait ».
Le 22 août, une assemblée générale de la Chambre syndicale des mécaniciens de Paris le désignait comme son délégué au Congrès de Bâle, 4e congrès de l’Internationale, où il présenta un rapport que compléta Varlin sur la situation des sociétés ouvrières parisiennes. Au cours du Congrès, Murat eut à se prononcer sur la question de l’héritage et de la propriété. Selon lui, l’héritage est « sans valeur au point de vue économique », et ce qui compte, c’est « l’égalité des conditions », mais l’héritage est important « au point de vue de la morale et de la famille », et sa suppression « nous mettrait au niveau des bœufs ». (cf. compte rendu). Avec Creuzot, Langlois*, Varlin de Paris et Piéton, il avait été l’un des membres français de la Commission chargée d’étudier la question de la propriété collective. Alors que Varlin se prononçait pour la culture et l’exploitation du sol « par les communes solidarisées », les quatre autres, minoritaires, estimaient « que la société devra accorder l’occupation de la terre soit aux agriculteurs individuels, soit de préférence à des associations agricoles qui paieraient la rente à la collectivité ». Ils s’abstinrent lors du vote en séance plénière (le congrès se prononça en faveur de la propriété collective du sol par 32 oui contre 23 non et 13 abstentions ; délégués français : 9 oui, 9 non, 8 abstentions). Murat rendit compte du congrès à ses mandants en une brochure de 22 pages (cf. ci-dessous : œuvre).
Le 14 octobre, les délégués des sociétés ouvrières parisiennes se réunissaient pour conclure un pacte fédératif ; Murat fut du nombre, et peu après la Chambre fédérale des Sociétés ouvrières de Paris fut constituée. Le congrès de Bâle connaissait, pour le mutuelliste Murat, un dernier prolongement, lorsque, le 30 décembre 1869, J. Guillaume lui adressa une lettre ouverte (cf. L’Internationale, op. cit., t. 1, pp. 254-257) destinée à lui prouver qu’il était un collectiviste qui s’ignorait et qu’il réclamait la chose (le collectivisme ou communisme non autoritaire) en repoussant le nom.
Mais la guerre menaçait et Murat signa le manifeste pacifiste que publia la Marseillaise, le 27 janvier 1870. Le 30 avril, Murat était arrêté en même temps que Malon, Johannard, Pindy, Avrial et autres Internationaux, et condamné le 8 juillet à un an de prison, pour affiliation à l’Internationale, 100 F d’amende, 4 mois de contrainte par corps s’il y avait lieu, et un an de privation des droits civiques. Ce même mois, il signait, ainsi que son père sans doute (cf. Dict., t. IV, p. 43 et suivantes), le manifeste contre la guerre adressé par l’Internationale contre la guerre adressé par l’Internationale aux travailleurs de tous les pays.
Le 4 septembre 1870, la République succédait à l’Empire, et le 7 novembre Murat était nommé adjoint au maire du Xe arr., poste dont il devait démissionner le 1er avril 1871, en donnant la raison suivante : « Un changement radical dans l’organisation politique et administrative de la ville de Paris, ratifié par le suffrage universel, me fait un devoir de laisser à ceux qui l’ont provoqué et dirigé le soin de l’organiser et de le développer ». Il n’avait obtenu que 1 330 voix sur 16 765 votants et n’avait pas été élu. Aux dires du maire Dubail (cf. Enquête parlementaire, op. cit., p. 332), Murat, chargé des rapports avec la Garde nationale, « se montra d’une fermeté presque héroïque à l’égard de ses anciens camarades venant lui demander l’autorisation nécessaire pour faire des dépenses ou inutiles ou excessives ». (cf. également lettre de Dubail au préfet de police, 26 mars 1872, Arch. PPo B a/1196). Après sa démission, Murat occupa le poste de chef de la fabrication à la Monnaie sous la direction de Zéphirin Camélinat (cf. lettre de ce dernier, 15 septembre 1909, adressée à M. Vuillaume et reproduite dans Mes cahiers rouges au temps de la Commune).
Arrêté en juin 1871, Murat bénéficia d’un non-lieu en août. Il appartenait alors à la loge « Les Amis de la Tolérance » dont il devint secrétaire (septembre 1876). Au début de cette année 1871, il avait perdu sa fille qui fut enterrée civilement le 23 janvier.
Murat fut un des organisateurs du premier congrès ouvrier tenu après la Commune, en 1876, rue d’Arras. Il venait de fonder la coopérative de consommation l’Égalitaire avec l’ingénieur Gillet Vital, le facteur de pianos Léon Guérin, le comptable Louis Pagèze, le marchand de vins Boudin, le cordonnier Couvelard, le mécanicien Etiévent, tous habitants du quartier Saint-Maur. Pagèze et le tourneur mécanicien Mahon représentèrent avec lui l’Égalitaire au Congrès. Murat fit partie de la commission chargée d’étudier la question de la coopération, et ce sont ses idées qui s’exprimèrent dans la résolution favorable votée par le Congrès. Un an avant sa mort, il présidait encore l’assemblée générale de l’Égalitaire (renseignements puisés dans les rapports de l’Égalitaire et communiqués par J. Gaumont).
Murat fut plusieurs fois candidat : aux élections législatives du 4 décembre 1881 dans la 1re circonscription du Xe arr., présenté par le comité républicain radical-socialiste, puis le 4 octobre 1885 ; aux élections municipales du 31 octobre 1886 dans le quartier de l’Hôpital Saint-Louis, présenté par l’Alliance socialiste républicaine du Xe arr. Il proclamait alors par affiche : « Nous n’acceptons pas les théories collectivistes et communistes dont l’application, si elle était possible, annihilerait l’initiative, la liberté individuelle, augmenterait indéfiniment la puissance gouvernementale, pour aboutir fatalement à un despotisme d’autant plus horrible qu’il aurait été amené par le consentement préalable ». Et cela lui valut d’être traité de « fumiste » par Gabriel Deville dans Le Cri du Peuple du 30 octobre 1886. Murat travaillait à cette époque et depuis treize ans chez les constructeurs Veyher et Richemond à Pantin.
Il mourut le 11 juillet 1893. Un monument élevé à sa mémoire au Père-Lachaise fut inauguré le 12 mai 1895.
ŒUVRE : Chambre syndicale des ouvriers mécaniciens de Paris. Rapport du délégué au 4e Congrès de l’Association Internationale des travailleurs tenu à Bâle (Suisse) du 6 au 13 septembre 1869. (signé : A. Murat), Paris, F. Malteste, 1869, 22 p. ; on le trouve à Arch. PPo., B a/438, pièce 3531.
SOURCES : Arch. Nat., C 2876 et Arch. PPo., B a/1196. — Murailles..., 1871, op. cit., pp. 83 et 87. — J.O. Commune, 31 mars. — Enquête parlementaire..., op. cit., p. 332. — J. Gaumont : Histoire générale de la coopération en France, op. cit. — La Première Internationale (J. Freymond), op. cit. — Germinal 13 juillet 1893 (article nécrologique). On trouve une signature autographe d’André Murat à Arch. PPo., B a/441, pièce 6543.