Né le 27 janvier 1839 à Carisey (Yonne), mort le 17 février 1921 à Paris ; avocat ; blanquiste, adhérent de l’AIT ; élu membre de la Commune de Paris, délégué à la Justice.
Protot appartenait à une famille de paysans vignerons, dont l’un des membres avait servi comme dragon dans les armées révolutionnaires ; lui-même, quoique pauvre et grâce en bonne partie à son travail, fit des études pour devenir avocat. Étudiant en droit en 1864, militant blanquiste, il appartenait alors au noyau qui constituait l’embryon du Parti — voir G. Casse. Il assista au congrès international des étudiants qui se tint à Liège du 29 octobre au 1er novembre 1865.
C’est « juste la veille de son départ » pour assister au premier congrès de l’AIT tenu à Genève en septembre 1866 que Protot se fit inscrire à l’Internationale. Toutefois, il n’y allait pas comme délégué. Il se rendit à Genève avec les blanquistes parisiens Arthur Calavaz, Alphonse Humbert, Alexandre Jeannon, Antony Jeunesse, Lalourcey (et non Labourcey), Pierre Subit. Il s’y manifesta malgré la défense de Auguste Blanqui et fut expulsé du congrès le 6 septembre. Il fut arrêté le 7 novembre au café La Renaissance alors que se tenait une réunion blanquiste qui devait se prononcer sur son indiscipline - voir Edmond Levraud. Au procès qui suivit, en janvier-mars 1867, il fut condamné à quinze mois de prison et 100 F d’amende. Il se cacha chez des ouvriers du faubourg Saint-Antoine ; il fut cependant arrêté devant le Palais de Justice en février 1868 et enfermé à Sainte-Pélagie. Les opposants à l’Empire le prirent pour défenseur : avocat de l’ouvrier Mégy, Protot fut poursuivi en 1869 pour ce fait devant le tribunal de Blois et ne fut relâché que sur protestation de ses confrères. Il fut à nouveau condamné, à Paris encore, le 30 mai 1870, pour complot contre la vie de l’empereur. Il fut un des rédacteurs du Journal du Peuple, 1er juillet-20 septembre 1870, 82 numéros. Il appartenait alors à la loge l’Alliance fraternelle dirigée par Edmond Goupil - voir aussi Eugène Thirifocq.
Pendant le Siège, il fut maréchal des logis-chef à la 2e batterie d’artillerie auxiliaire et campa trois mois à Nogent, face au plateau d’Avron ; c’est lui qui, après le 31 octobre 1870, fit acquitter Vésinier devant le 4e conseil de guerre.
Le XVIIe arrondissement l’élut à la Commune par 18 062 voix, le 26 mars 1871, - il avait été également élu par le IIe arrondissement (19 780 voix sur 25 183 votants) — et il siégea à la commission de la justice (29 mars) ; le 31 mars, celle-ci le chargea d’expédier les affaires civiles et criminelles les plus courantes. Il fut délégué à la Justice le 16 avril, membre de la commission exécutive ; il ne prit pas part au vote créant le Comité de Salut public. Ses opinions l’apparentaient à la tendance blanquiste. Il proposa, le 23 avril, que les huissiers, notaires, commissaires-priseurs et greffiers de tribunaux soient des fonctionnaires appointés, et non des officiers versant un cautionnement ; la veille, il avait déjà affirmé, en proposant de faire élire les juges par la garde nationale : « Sans doute, le principe de l’élection des magistrats par le suffrage universel doit être la loi de l’avenir ». Le 25 avril, il disait : « C’est avec la plus grande peine que nous sommes arrivés depuis quinze jours à mettre un peu d’ordre dans les arrestations. [...] il y a conflit entre la Guerre, la Sûreté et la Justice. La Guerre arrête comme elle veut chez nous [...] la Sûreté générale [...] fait tout ce qu’elle peut, mais il y a dans la préfecture de police une déplorable confusion ». Le 17 mai, il s’éleva en juriste contre la proposition Urbain concernant les otages : le jury d’accusation, dit-il, juge le fait et n’a pas les connaissances professionnelles requises pour appliquer la peine.
Protot participa aux derniers combats de la Semaine sanglante : « J’étais à la barricade de la rue Fontaine-au-Roi et du faubourg du Temple, racontait-il à Vuillaume, à Genève, un soir d’octobre 1871. Le vendredi (26 mai) nous nous battions là depuis le matin. Vers cinq heures, tous les défenseurs étaient tombés. Je restais presque seul. Tout d’un coup, je suis précipité à terre par une violente poussée. Une balle explosible — qui m’a fait sept blessures. La joue crevée, le visage et la vareuse couverts de sang... » Protot s’en tira miraculeusement, sauvé par un inconnu qui, d’une fenêtre, avait assisté à la scène...
Ses amis l’avaient perdu de vue lorsqu’il arriva à Genève en octobre 1871. Par contumace, le 6e conseil de guerre le condamna, le 19 novembre 1872, à la peine de mort. En octobre 1871, il était à Genève, en 1872 à Lausanne où il travailla un temps avec P. Pia - voir ce nom. Puis il se rendit en Belgique et fut condamné à Bruxelles, en février 1874, à quinze jours de prison « pour avoir porté publiquement des noms qui ne lui appartenaient pas ». En 1875, selon Testut, il se trouvait à Berne (cf. Arch. PPo., B a/438, rapport du 27 septembre 1875 signé « 47 »). Il fut aussi à Londres et Gênes où il fut arrêté avec Fontaneau, L. Marchand, A. Morel, J.-B. Pillard et M. Vieux.
En septembre 1889, Protot fut candidat à Marseille au siège de Félix Pyat, décédé, contre Jules Guesde qu’il accabla de calomnies : " agent salarié de l’Allemagne " qui " a déserté la patrie en ses jours de détresse et de deuil " etc. Poursuivi, il fut condamné à 100 f d’amende, 300 F de dommages et intérêts et à l’insertion du jugement dans plusieurs journaux.
Protot, on le voit, était très hostile à Guesde et au marxisme. En 1892, il écrivait dans Chauvins et réacteurs : " Sous l’inspiration des social-démocrates de Berlin, le marxisme a échoué le socialisme français dans une bénigne et méprisante philanthropie, les bons traitements envers les ouvriers, la sollicitude du gouvernement pour les classes laborieuses [...] Les chefs de ce socialisme néo-chrétien, des oligarques, d’anciens fonctionnaires de l’Empire, des gradués des lettres et des sciences, partagent cet insolent préjugé de leur caste, que le peuple est composé d’individus d’une espèce inférieure [...] L’idée de laver le peuple est une monomanie des marxistes " (p. 30).
Mme Geneviève Favre, dans l’un de ses articles dans la Revue Europe, (N°182 du 15 février 1938, Page 155) indique que Charles Péguy était en contact avec Protot, (peut-être via Maxime Vuillaume), dans la perspective de la publication d’un futur Cahier de la Quinzaine sur Louise Michel qui n’a jamais été publié.
Pendant quarante ans, Protot fréquenta régulièrement la Bibliothèque nationale, « solide gaillard, penché sur une pile de bouquins, la joue glorieusement étoilée d’une terrible blessure ».
Il fut inhumé civilement dans son village natal de Casrisey dans l’Yonne. Une place de Carisey porte son nom.
ŒUVRE : Il écrivit avant 1870 dans des journaux du Quartier latin : la Rive gauche, le Candide. Pendant la Commune, il collabora au journal de Maroteau, La Montagne, 2-25 avril 1871. Il signa vers 1890 le Manifeste de la Commune révolutionnaire contre le 1er mai (Paris, Lib. Imp. réun., 1 p. in-folio) et publia en 1892 Chauvins et réacteurs (Bibl. Nat., 8° Lb 57/10781).
SOURCES : Arch. Nat., BB 24/862 n° 5763 et BB 30/1171 (rapports des 6 et 14 août 1873). — Arch. Min. Guerre, 6e conseil. — Arch. PPo., B a/438 et Ea 103-18. — J.O. Commune, 31 mars. — M. Dommanget, Blanqui et l’opposition révolutionnaire..., et Blanqui... et la Commune, op. cit., — Lepelletier, Histoire de la Commune, op. cit., t. II. — M. Vuillaume, Mes Cahiers Rouges, op. cit. — La Comune di Parigi, (G. Del Bo), op. cit. — Floréal, 19 mars 1921 (article de Vuillaume et dessin de Gassier représentant Protot et Rappoport à la Bibl. Nat. en 1915). — Compère-Morel, Jules Guesde, 1937. — Paul Martinez, "Amis éprouvés et sûrs : les réfugiés blanquistes en Angleterre 1871-1880", In Blanqui et les blanquistes, Paris, SEDES, 1986, pp. 153-171. — Note de Jean-Yves Caradec, des Amis de Charles Péguy.