VAUGHAN Ernest, Joseph, Richard

Né le 10 janvier 1841 à Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise) ; mort le 21 janvier 1929 ; directeur d’usine à Darnetal près de Rouen (Seine-Inférieure) ; membre de l’Internationale ; sympathisant de la Commune de Paris ; administrateur de l’Intransigeant en 1881 ; rédacteur en chef du Petit Lyonnais en 1888 ; fondateur de l’Aurore en 1897.

Vers l’âge de onze ans, Ernest Vaughan fut apprenti chez un tapissier de Cosne-sur-Loire (Nièvre). Il fut ensuite premier clerc de notaire à Moulins-Engilbert (Nièvre), employé au marégraphe de Quillebeuf (Eure), puis chez un marchand de châles à Paris. Ayant épousé la fille d’un directeur de fabrique, il devint lui-même, en 1861, directeur d’une usine d’impression sur laines à Deville-lès-Rouen (Seine-Inférieure), enfin, en 1868, directeur d’une usine d’impression et de teinture à Darnétal.

Vaughan adhéra à l’Internationale en 1867, et Émile Aubry fut son " parrain " (cf. L’Aurore, 25 février 1900). Il fit adhérer ses ouvriers, constituant ainsi la plus importante section de la région rouennaise. Mais, écrivit-il dans ses Souvenirs sans regrets, " j’avais toutes les peines du monde à décider mes ouvriers ". Lui-même se définit ainsi : " J’étais, à vingt ans, fervent admirateur de Proudhon, mutuelliste convaincu et surtout abstentionniste féroce ", ne voyant que peu de différence, " au point de vue social, entre le candidat officiel et celui de l’opposition, l’un bonapartiste, l’autre orléaniste ". Il dit encore à ce sujet : " Je n’ai commencé à user de mon droit de vote que tout à la fin de l’Empire pour soutenir les candidatures ouvrières et pour combattre le plébiscite ". Il fut alors candidat au second tour de scrutin.

Avec Aubry, il signa la brochure L’Association Internationale des Travailleurs — Section Rouennaise. De son rôle dans les circonstances actuelles, Rouen 1870, Bibl. Nat. in-8° Pièce, Lb 57/800, dans laquelle il est dit :

" Plus d’avocats, citoyens, plus d’avocats, leur règne a trop longtemps duré.
" Qui, mieux que le travailleur, pourra discuter, formuler les lois relatives à l’organisation du travail ?

" Préparons-nous donc à soutenir, plus ardemment encore que par le passé, nos candidatures ouvrières et purement sociales, et laissons à tous les partis le soin de faire triompher les leurs.

" Champions de la justice et de la vérité, notre révolution doit être légale et pacifique.

" Remettons-nous à l’étude, que nous n’aurions pas dû abandonner, de nos chères questions de mutualisme et de solidarité [...].

" Vulgarisons les grands principes admirablement formulés par notre immortel Proudhon "

Vaughan fut membre suppléant de la Commission de Vigilance élue à la suite de la manifestation patriotique organisée à Rouen le 22 septembre 1870 par la Fédération rouennaise de l’Internationale. Au cours de cette manifestation, il avait été demandé que des propositions de paix ne soient acceptées qu’" à la condition que les Prussiens soient refoulés au-delà du territoire français "
(L’Internationale, 9 octobre 1870). Le 16 novembre, il fut nommé deuxième adjoint de Darnétal par arrêté préfectoral.

Survint la Commune de Paris. Vaughan lui témoigna, ainsi que ses amis, toute sa sympathie. Cela leur valut des ennuis. Le 24 avril 1871, pour avoir assisté ce jour-là, en qualité d’assesseur, à une réunion — non déclarée — en faveur de la Commune, il fut arrêté en même temps que Boulanger, Cord’homme, Creuzot, Fossard, Fritsch, Mondet. Tous demeurèrent plus de deux mois en prison. Ils ne furent libérés, provisoirement, que le 5 juillet. Voir Cord’homme.

Le 15 novembre 1871, par défaut, la cour d’assises de la Seine-Inférieure condamna Vaughan à deux ans de prison et 50 f d’amende.

Réfugié en Belgique (il arriva à Bruxelles le 30 septembre 1871), Vaughan fut commissionnaire en marchandises, marchand de charbon, comptable. Il collabora à plusieurs journaux, Le Moniteur industriel ; La Trique ; La Gazette de Hollande, journal semi-politique, semi-comique fondé par Georges Cavalier, dit Pipe en bois ; La Vie moderne ; La Bombe ; Le Mot pour rire. Il appartint aux sociétés de prévoyance Les Solidaires, Le Prêt Mutuel... En 1872, il fonda avec d’autres proscrits, dont Cord’homme, une section française de l’Internationale. Il quitta la Belgique en 1880. Un rapport de la police belge présente comme suit l’atmosphère dans laquelle vivait Vaughan avec sa famille :
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Intérieur " nu, disparate, malpropre ; un peigne à côté d’un livre ; une assiette de beurre voisinant un chapeau, des bottines contre les œuvres de Molière, etc.

" Quatre enfants dont l’aînée a sept ans ; pas de bonne ; trois mille francs pour faire face à tout.

" Voici le tableau que présentait cet intérieur il y a quelques jours. À sept heures du soir, six couverts sont sur la table, on sonne ; entre la famille Aubry, cinq personnes qui se mettent à table sans y être invitées, puis entrent Bochard et Mindet qui prennent également place à table.

" Tous dévorent et boivent en conséquence. Madame Vaughan reçoit tout ce monde d’un air de bouledogue, elle n’a pas tort, ils sont souvent dix-huit à table.

" Tous sont gais, on parle de tout ; surtout des affaires de France, Vaughan déclare qu’il ne rentrera plus en France, qu’il se plaît en Belgique et que dans quelques années il gagnera de quoi subvenir à ses besoins.

" Il est très philosophe et a beaucoup d’esprit mais il est trop enclin à être ce qu’on appelle un bon enfant ".

Après son retour en France, Vaughan écrivit dans l’Émancipation (Lyon), devint gérant-administrateur de l’Intransigeant en 1881, se brouilla avec Rochefort, fut rédacteur en chef du Petit Lyonnais à partir de mi-octobre 1888, qu’il mit à la disposition des socialistes, fonda l’Aurore en 1897. Comme directeur de l’Aurore, Ernest Vaughan joua un rôle important dans l’affaire Dreyfus, publiant des textes dreyfusards décisifs dont le « J’accuse ! » de Zola en janvier 1898, puis présidant et prenant la parole lors de réunions publiques dreyfusardes.

Devenu directeur de l’hôpital des Quinze-Vingts, de 1903 à 1919, il fut ensuite administrateur-gérant de la Victoire de G. Hervé. Il mourut en 1929.

Appartenaient à la Fédération rouennaise et elbeuvienne de l’Internationale en 1869-1870 : Adeline A., Aubry E., Aumont, Auvray L.E., Baillemont H. (et non Baille-Mont), Bellelle, Bertin, Bionval A., Blot, Bons F., Boulanger A., Boulanger F., Boulard J., Bourgeois L., Cambouc, Cauboue, Cavelier A., Challot, Choquet, Collet, Cornillot, Creuzot J.C., Damas, Damer C., Dehayes, Delamare H., Deparnay, Dio, Druel, Duclos, Dufour, Dupré, Duquesne, Duval, Feret H., Filleux, Fleutry, Fossard L., Fouet D., Fritsch D., Gilet, Girard F., Goupil C., Gratigny Groult, Groult C., Hallot, Hardy, Hareng, Henault, Houfseaux, Hutt D., Jacob, Jajou, Jullien A., Jullien J., Jullien L., Jullien P.V., Laîné, Laperrière, Lebloud R., Leclair C., Leclerc, Lefebvre P., Lefrançois, Lepage, Leteurtre, L’Hermitte L., Lieugard, Louvet, Maclair P., Maisonneuve, Marques, Mondet C., Mondet G., Mondet J., Moutier L., Mouxe J., Mulet père, Mulet fils, Mullet, Neveux J., Nunez, Oursel, Paques, Pautot, Perrey T., Piéton E., Poirot A., Porcher F., Regnier A., René J., Rigault, Rigault fils, Ringwal A., Saval E., Schrub, Senard, Sergent E., Simon L., Tassu, Thomas, Tinel Af., Tuvée G., Tuvée J., Vaughan E., Vérité D., Vérité E., Vernach, Vimont, Vimont aîné, Walinski Ph., Wolf.
Ont combattu dans les rangs des Communards parisiens : Aubry E., Auvray L.E., Fossard L., Jullien J., Regnier A.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136035, notice VAUGHAN Ernest, Joseph, Richard, version mise en ligne le 1er décembre 2010, dernière modification le 23 novembre 2022.

ŒUVRE : (outre la brochure citée) Lettre de M. Vaughan, de l’Internationale(...) à M. Raoul Duval, à propos de sa brochure Comment Rouen n’a pas été défendu, Rouen, impr. Giroux, 28 déc. 1870, in fol. plano. — Quelques volumes à la Bibl. Nat., publiés entre 1883 et 1910, sans rapport, semble-t-il, avec l’activité militante de Vaughan avant ou pendant la Commune.

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE : Arch. PPo., B a/427 (rapport du 19 janvier 1879, et état supplémentaire s.d.) — Souvenirs sans regrets. — Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871, pp. 125-128 et 154-156. — L’Aurore du 25 février 1900 : " Sous l’Empire à Rouen, Émile Aubry fut mon parrain à l’Internationale des Travailleurs dont il était l’un des fondateurs " (article d’Ernest Vaughan). — M. Boivin : La Fédération rouennaise et les événements de 1870-1871 (Revue d’Histoire économique et sociale, n°s 3 et 4, 1962). — Correspondance Friedrich Engels, Paul et Laura Lafargue, Paris, t. II, 1956, p. 177, n. 2. — Arch. Gén. Roy. Belgique, 4e section, police des étrangers, n° 244270. — Arch. Dép. de Seine-Maritime, cote 2U2704, dossier "Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars 1871" — Monde, 2 février 1929. — Marcel Boivin, Le Mouvement ouvrier dans la Région de Rouen, 1851-1876, 2 vols., Rouen, 1989. — Mathieux Bidaux, Ernest Vaughan, le patron rouge, Éditions l’Écho des vagues, mars 2013, ISBN : 978-2-918616-16-0. — Note de Julien Chuzeville.

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