JOHNSON Thomas

Par Olivier Coquelin

Né le 17 mai 1872 à Liverpool, mort le 17 janvier 1963 à Dublin ; syndicaliste et socialiste irlandais.

À l’inverse des autres syndicalistes irlandais que sont James Connolly* et James Larkin*, qui ont également vu le jour en Grande-Bretagne, Thomas Johnson n’est pas de souche irlandaise. Fils d’un ouvrier qualifié, il quitte l’école à l’âge de douze ans pour travailler comme garçon de bureau. Très tôt, il fait l’apprentissage du socialisme dans les rangs de la section locale du parti travailliste indépendant (Independent Labour Party). C’est en 1892 que Johnson foule pour la première fois le sol irlandais, où un emploi d’ouvrier-poissonnier l’attend à Kinsale, dans le comté de Cork. Huit ans plus tard, il élit domicile à Belfast et devient voyageur de commerce pour le compte d’une entreprise de nourriture pour bétail, poste qu’il occupera jusqu’en 1918. Dès son arrivée dans le nord-est de l’île, Johnson donne de sa personne dans la bataille que livre à l’époque le mouvement ouvrier. En 1902, il adhère au syndicat national des employés de commerce (National Union of Shop Assistants and Clerks) et, de 1902 à 1918, est membre du conseil des métiers de Belfast. Il est, par conséquent, très actif lors de la grève générale de 1907 à Belfast et apportera une aide non négligeable à celle organisée à Dublin en 1913. Enfin, ses qualités en matière d’organisation le font élire au comité exécutif de la confédération des syndicats irlandais (Irish Trade Union Congress ou ITUC) en 1913.

Cependant, son attachement à ses racines britanniques l’empêche vraisemblablement de mesurer l’ampleur des sentiments patriotiques que nourrissent la plupart des travailleurs irlandais, au lendemain de la rébellion avortée de Pâques 1916. En fait, Johnson s’inscrit dans la lignée du mouvement ouvrier britannique, lequel se fait le partisan d’une simple autonomie interne pour l’Irlande, plus connue comme le Home Rule. C’est pourquoi il a approuvé la création du parti travailliste indépendant irlandais (Independent Labour Party of Ireland), en 1912, en vue d’unifier le prolétariat du Nord et du Sud et faire ainsi barrage au projet de partition. En outre, à l’instar de ses camarades britanniques, il perçoit le premier conflit mondial comme une croisade pour la démocratie et la liberté, au nom de laquelle il apporte son soutien à l’effort de guerre de la Grande-Bretagne et de ses alliés. Rien d’étonnant, du coup, à ce qu’il ne condamne pas les exécutions des leaders du soulèvement nationaliste de Pâques 1916 ; et ce malgré la présence du leader syndical et socialiste, James Connolly, parmi les victimes.

La Rébellion de Pâques constitue néanmoins un tournant dans la carrière de Johnson. Persuadé de l’implication directe du prolétariat organisé irlandais dans le soulèvement, le gouvernement britannique fait arrêter tous les dirigeants syndicaux qui ont exprimé de la sympathie envers la cause nationale, bien que la plupart d’entre eux n’ait pris aucune part à la révolte. De sorte que la responsabilité du mouvement ouvrier revient, en l’occurrence, aux membres de l’exécutif de l’ITUC connus pour leur hostilité à l’encontre de l’idéal séparatiste, dont Johnson qui occupe la fonction, laissée vacante, de président. En principe, il doit simplement assurer l’intérim en attendant la libération de ses camarades de Dublin. Pourtant, au cours de la décennie à venir, il va devenir une figure importante au sein de la direction du mouvement ouvrier irlandais.

Fin 1916, Johnson se voit ainsi confier la direction du parti travailliste, relancé lors du congrès annuel de l’ITUC. Il participe activement à la grève générale organisée fin avril 1918, dans le cadre de la campagne menée par les séparatistes du Sinn Fein, les parlementaires autonomistes et le clergé catholique contre la conscription obligatoire, que le gouvernement britannique souhaite imposer à l’Irlande, afin de compenser les lourdes pertes causées par près de quatre années de guerre. Par ailleurs, Johnson contribue aussi à orienter le mouvement ouvrier sur le terrain essentiellement économique et sociale, malgré la relance de sa machine politique. Ce qui explique, en grande partie, le retrait du parti travailliste des élections législatives de décembre 1918 et de mai 1921 au profit du Sinn Fein, lequel devient la principale force politique du pays en cette période de révolution nationale. L’absence de représentants travaillistes au sein de l’assemblée législative « rebelle » (Dail Eireann) n’empêche pas les élus séparatistes de confier à Johnson et William O’Brien* la tâche d’élaborer leur programme (connu comme le « Programme démocratique ») qu’ils ratifient à l’unanimité fin janvier 1919, non sans l’avoir dépouillé au préalable de ses aspects les plus socialement révolutionnaires.

À l’issue de la Guerre d’indépendance de 1919-21, Johnson prend position en faveur du Traité anglo-irlandais ‒ qui établit l’Etat libre d’Irlande pour les 26 comtés à majorité catholique de l’île ‒ et engage le parti travailliste dans les élections législatives de juin 1922. Le refus des élus anti-Traité du Sinn Fein de siéger à l’assemblée législative de Dublin permet au Labour de devenir le principal groupe d’opposition au parlement, de 1922 à 1927. Pendant ces cinq années, Johnson se retrouve donc à la tête du groupe parlementaire travailliste jusqu’à la perte de son siège lors des élections législatives de septembre 1927. C’est aussi pendant cette période qu’il contribue à conduire, non sans succès, les principales formations du mouvement ouvrier sur la voie du réformisme, face aux diverses tendances révolutionnaires portées notamment par James Larkin depuis son retour des Etats-Unis en 1923.

Johnson finira sa carrière politique au sénat de Dublin (Seanad Eireann), où il est élu de 1928 à 1936. Le parti travailliste irlandais lui rendra hommage en baptisant son université d’été annuelle, « Tom Johnson Summer School ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136078, notice JOHNSON Thomas par Olivier Coquelin, version mise en ligne le 21 décembre 2010, dernière modification le 21 décembre 2010.

Par Olivier Coquelin

BIBLIOGRAPHIE : A. Mitchell, “Thomas Johnson, 1872-1962 : a Pioneer Labour Leader”, Studies, 1969. — A. Mitchell, Labour in Irish Politics, 1890-1930, Dublin, 1974. — JA. Gaughan, Thomas Johnson, 1872-1962 : First Leader of the Labour Party in Dail Eireann, Dublin, 1980. — J. Daisy, “Thomas Johnson, 1872-1962 : Labour Leader”, Labour History News, 1992. — E. O’Connor, A Labour History of Ireland, 1824-1960, Dublin, 1992. — N. Puirseil, The Irish Labour Party, 1922-1973, Dublin, 2007.

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