LEFÉBURE Edgar, Léon

Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

Né le 3 novembre 1909 à Maubeuge (Pas-de-Calais), guillotiné le 23 juillet 1942 à la prison de la Santé à Paris (XIVe arr.) ; ouvrier métallurgiste, tôlier ; militant communiste ; résistant membre de l’Organisation spéciale (OS).

Edgar Lefébure était le fils d’un puddleur, il épousa en décembre 1936 à Paris (XVe arr.), Marie, Jeanne Baster. Le couple était domicilié 74 rue du commerce à Paris XVe depuis 1936. Membre du Parti communiste à partir de 1936, il travailla chez Renault d’où il fut licencié à la suite de la grève du 30 novembre 1938 contre le décret-loi Daladier-Reynaud qui mettait en cause des acquis du Front populaire. Il fut condamné le 30 septembre 1940 à quinze jours de prison et 25 francs d’amende avec sursis pour « outrages à agent » par la XVe Chambre correctionnelle.
Mobilisé au moment de la déclaration de guerre au Dépôt d’infanterie à Bourges, il a été démobilisé en août 1940 au camp de La Courtine (Creuse). Il fut condamné à quinze jours de prison avec sursis pour outrages à agent le 30 septembre 1940. Il exerça sa profession de tôlier jusqu’à la première semaine de mai 1942 aux Etablissements Duriez 66 avenue Émile-Zola à Paris (XVe arr.).
Il reprit contact avec le Parti communiste clandestin en 1941, selon lui « c’est un juif que j’appelais Jules qui m’a remis en liaison, je sais qu’il a été arrêté ». Jusqu’en septembre 1941, il travailla à la base puis à la branche organisation sur le secteur comprenant le XVe arrondissement, où il était en contact avec une trentaine de militants. Il était également en rapport avec une section du XVIe arrondissement, les responsables de sections du VIIIe, XIIIe du XIVe arrondissement. Il quitta son domicile à la mi-mai 1942 craignant d’être arrêté. Il se réfugia chez sa mère à Louveciennes, occasionnellement dans des hôtels, ainsi que quelques jours chez Angèle Cousin.
Le 31 mai 1942 pour protester contre les difficultés de ravitaillement, le parti communiste organisa une manifestation devant le magasin d’alimentation « Eco », situé à l’angle des rues de Buci et de Seine. Selon les déclarations d’Edgar Lefébure, dès 9 heures 30, il avait rendez-vous avec « René » rue Saint-André-des-Arts au bar « Idéal », personne ne se présenta. Il se rendit au lieu de repêchage au pont des Arts, personne ne vint. Il alla rue de Seine, puis rue de Buci. Edgar Lefébure, qui assurait la protection tira sur les policiers pour permettre à André Dalmas qui avait été arrêté et avait réussi à s’échapper de pouvoir s’enfuir. Edgar Lefébure fut arrêté par des gardiens de la paix du VIe arrondissement à l’angle de la rue de Seine et de la rue Buci, deux hommes en civil un gardien et le brigadier Robert Bottine prêtèrent main forte aux deux gardiens. Edgard Lefebure a été remis à la BS2. Parmi les ménagères qui étaient rue de Buci, il y avait des militantes dont Madeleine Marzin, Marguerite Bronner, Jeanne Chauviré, Raymonde Vanden Branden, Norma Bléron, Louise Sézille de Mazancourt...
Son domicile du 74, rue du Commerce a été perquisitionné, les policiers saisissaient des feuillets manuscrits et un cahier avec des annotations ayant traits à l’étude du russe, un dictionnaire franco-russe. Dans le box qu’il louait avec Raymond Estrade et Marcel Leclerc au 6 rue de la Clef, les policiers saisissaient une cinquantaine de brochures sur l’Union Soviétique et une brochure « Gabriel Péri vous parle », ainsi qu’une boite de stencils vierges, trois quittances de loyers au nom de Raymond Estrade.
Les policiers saisirent son carnet de poche où figuraient les deux rendez-vous du matin, un autre à 17 heures à l’angle du quai de Seine et de la rue de Crimée. Les lettres « T.P. » figuraient sur son calepin, il déclara lors de son interrogatoire que cela signifiait « Troupes Patriotes », affirmant où il a été battu sévèrement à de multiples reprises, une quinzaine de fois. Lors de son interrogatoire par la Brigade spéciale, il déclara contrôler trente militants. Il assura avoir quitté son emploi aux établissements Duriez (XVe arr.) trois semaines avant son arrestation car il ne gagnait pas assez, mais aussi avoir quitté à la même époque son domicile car il craignait d’être arrêté.
Il fut sommé de donner des explications sur un plan manuscrit, il affirma que c’était l’itinéraire qu’il empruntait lorsqu’il allait voir une de ses camarades à Créteil. Trois autres rendez-vous le 1er juin avec des militants clandestins figuraient sur le calepin, ils s’échelonnaient entre 11 heures à l’angle des rues Monge et Navarre, à 16 heures au métro Arsenal avec Paul, à 17 heures 45 à l’angle des rues de Berne et de Petrograd, à 20 heures au métro Monceau avec « José » des « Troupes Patriotes ». Le rythme des rendez-vous était soutenu, le 2 juin à 18 heures il devait rencontrer un responsable des masses à 18 heures à l’angle des rues Remusat et Théophile Gautier et le 3 juin à 17 heures avec Laborde, rue Laborde près de la gare Saint-Lazare, puis à 18 heures 10 au métro Duroc boulevard des Invalides. Enfin le 4 juin à 19 heures 15 au métro Arsenal…
Des photographies de résistants arrêtés ou recherchés lui furent présentées, il affirma n’en reconnaître aucun. Des confrontations eurent lieu avec Henri Meunier, Marguerite Bronner et André Dalmas, il affirma ne pas les connaître.
Edgar Lefébure a été jugé par la Section spéciale du Tribunal d’état et condamné à mort le 25 juin 1942 avec André Dalmas, Henri Meunier et Madeleine Marzin. Celle-ci vit sa peine commuée en travaux forcés. Edgar Lefébure, André Dalmas et Henri Meunier furent guillotinés le 23 juillet 1942 dans la cour de la prison de la Santé à Paris XIVe arrondissement.
Après son exécution, sa femme poursuivit ses activités de résistance. Elle était agent de liaison sous le pseudonyme de Marcelle.
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Madeleine Marzin témoigna le 14 mars 1945 sur les conditions de son arrestation, de sa détention pendant cinq jours dans les locaux des Brigades spéciales à la Préfecture de police. Elle déclara notamment : « J’ai été conduite devant le Directeur Général Rotté qui m’a demandé si je connaissais Lefébure, devant ma réponse négative, il m’a déclaré que celui-ci était un homme courageux, qu’il avait été torturé et qu’il était resté muet, Lefébure a été guillotiné. »
Le dimanche 28 avril 1946, il y eut une cérémonie rue Jean-Dolent, devant la prison de la Santé, une plaque de marbre fut dévoilée : « Derrière ces murs 18 patriotes antifascistes furent exécutés sur les ordres d’un Gouvernement au service de l’ennemi ». Le nom d’Edgar Lefébure y figure. Quarante-huit heures plus tard, l’Humanité en rendait compte en page une, par une simple photographie légendée, en « l’honneur de 18 patriotes guillotinés ou fusillés ».
Le 14 juin 1947, son corps et ceux des trois autres guillotinés : Jacques Woog, Henri Meunier et André Dalmas furent transférés et réinhumés face au carré des fusillés en présence des familles, d’associations et de Georges Marrane, maire d’Ivry-sur-Seine.
Edgar Lefébure a été homologué au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI).
Son nom figure sur les plaques commémoratives UFM-CGT à Paris (XIe arr.)

Voir Paris (XIVe arr.), prison de la Santé, 1941-1944

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136149, notice LEFÉBURE Edgar, Léon par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason, version mise en ligne le 28 juin 2020, dernière modification le 20 juin 2021.

Par Jean-Pierre Besse, Daniel Grason

SOURCES : AN 4 W 6 (dossier rue de Buci). — Arch. PPo. activités communistes pendant l’Occupation, carton 3 et 6, BS2 carton 6, BA 2056, GB 86, KB 96. — DAVCC, Caen (notes de Thomas Pouty). — Bureau Résistance GR 16 P 352660. — l’Humanité du 30 avril 1946. — État civil.

PHOTO : Arch. PPo. GB 182

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