KRAKOWSKI Annette [née KRIVINE Annette]

Par Alain Dalançon

Née le 12 novembre 1932 à Paris (XIIe arr.) ; professeure agrégée de sciences naturelles ; militante communiste, militante syndicaliste, secrétaire nationale du SNES.

Photo IRHSES à un colloque en 1979
Photo IRHSES à un colloque en 1979

Le père d’Annette Krivine, Chaïm Lazare, issu d’une famille juive de la ville ukrainienne de Kremenets, devenue polonaise en 1921, était venu rejoindre sa sœur en France au début des années 1920 et devint représentant de commerce en matériel électrique. Sa grand’mère maternelle, Rebecca Mazeur, était originaire de Kichinoff, près d’Odessa, sa mère, Rosette, était née en France. La famille, non pratiquante, vivait dans un petit appartement, passage Courtois, dans le XIe arrondissement de Paris, tout près des grands-parents paternels, restés très pratiquants et des grands-parents maternels.

Son père, de « nationalité indéterminée », ayant échappé à l’arrestation des juifs étrangers au début de l’été 1941, installa sa famille dans une petite maison de campagne acquise quelques années auparavant à Yerres (Seine-et-Marne, Essonne) puis se réfugia en zone Sud, à Châteauroux (Indre). Un an plus tard, en août 1942, toute la famille réussit à passer la ligne de démarcation et à trouver refuge durant trois années à Chazelet, un village de la Brenne, dans le département de l’Indre. Pour ne pas se faire remarquer, Annette Krivine alla à l’école religieuse de filles, fut baptisée, confirmée, suivit le catéchisme, mais son père refusa qu’elle fasse sa communion solennelle. Malgré ces précautions, les Krivine étaient connus dans le pays comme étant « les Juifs de chez Pachot », du nom du propriétaire de la maison qu’ils louaient mais ils étaient bien acceptés par la population. Craignant cependant les opérations de la Milice au printemps 1944, dans une région où les maquis de la Résistance étaient importants, la famille se cacha à plusieurs reprises chez des habitants et partit un moment à La Roche-Posay (Vienne) puis revint à Chazelet, où elle demeura encore une partie de l’année 1945.

En attendant de pouvoir revenir à Paris, où la famille ne disposait plus de logement, Annette Krivine suivit les cours de 6e grâce à des leçons particulières et apprit le latin auprès du curé du village. Puis, à la rentrée scolaire 1945, elle réussit le concours d’entrée en 5e au lycée Hélène Boucher à Paris. Mais comme ses parents étaient revenus habiter à Yerres, elle fut mise en pension dans un foyer des sœurs de Saint-Vincent de Paul à Saint-Mandé. Elle accomplit ensuite toute sa scolarité secondaire au lycée Hélène Boucher, tandis que ses parents retrouvèrent un appartement à Paris, rue des Wallons puis boulevard Saint-Marcel. Titulaire du baccalauréat sciences expérimentales en 1951, elle poursuivit des études supérieures de sciences naturelles à la Sorbonne.

Annette Krivine était alors membre des cadets de l’Union des juifs pour la résistance et l’entraide (UJRF), où elle rencontra Daniel Krakowski, fils d’un résistant de la Main-d’œuvre immigrée (MOI), dont la mère était morte en déportation à Auschwitz, qu’elle épousa en février 1955 à Paris (Ve arr.), qui devint ingénieur au Commissariat à l’énergie atomique, et avec lequel elle eut deux enfants. Elle appartint ensuite à l’Union des jeunesses communistes de France (UJCF) et elle suivit son futur époux dans l’adhésion au Parti communiste français en 1952. Étudiante, elle milita alors beaucoup, prenant la parole dans les amphis, distribuant tracts, vendant l’Humanité

Dans le laboratoire de Marcel Prenant, elle commença la préparation d’un diplôme d’études supérieures en embryologie, qu’elle ne put soutenir qu’en 1956, à la suite de la naissance de son premier enfant en 1955. Nommée à l’École internationale de Fontainebleau, à la suite de sa réussite à l’agrégation de sciences naturelles en 1957 (6e rang), elle adhéra au Syndicat national de l’enseignement secondaire et commença à y militer localement dans le courant de la liste B, surtout après sa mutation à Paris, au lycée Carnot puis au lycée Victor-Hugo et enfin, à partir du milieu des années 1960, au lycée Claude-Monet, dont elle fut secrétaire de la section (S1) durant une dizaine d’années.

Toujours adhérente du PCF mais sans responsabilité, très investie dans l’Association des professeurs de biologie-géologie (APBG), Annette Krakowski fut sollicitée par Gérard Alaphilippe pour être candidate du SNES aux élections pour le Conseil de l’enseignement général et technique et fut élue titulaire en mars 1966 aux côtés de Robert Chéramy* et de Jean Simon* (élus pour la majorité du syndicat). Dès lors, elle allait siéger au CEGT et au Conseil supérieur de l’Education nationale jusqu’en 1981 et y assumer des responsabilités, après le changement de majorité du nouveau SNES, en 1967, en faveur de la liste « Unité et Action ». Aux côtés des nouveaux secrétaires généraux, André Drubay* et Etienne Camy-Peyret puis en tant que coordinatrice des interventions du syndicat à la fin des années 1970, elle fut amenée à discuter et voter sur un très grand nombre de réformes importantes : grilles horaires, programmes, conseils d’administration des établissements, loi d’orientation de l’enseignement supérieur, nouveaux concours du CAPES et de l’agrégation dans les disciplines techniques, artistiques et dans l’éducation physique et sportive, nouveaux baccalauréats technologiques et brevets de techniciens et techniciens supérieurs… Membre puis secrétaire de la section contentieuse du CSEN, elle eut à traiter de nombreux dossiers disciplinaires en 1968 et le contentieux des établissements privés.

Par ailleurs, son investissement dans le Groupe national pour l’information et l’éducation sexuelle (GNIES) créé en 1969 par la FEN, le SNI, le SNES, le Planning familial et l’APBG, la fit désigner pour être rapporteur sur cette question au congrès national du SNES de mars 1973 à Rouen. Elle fit adopter le rapport d’une commission ad hoc, où le syndicat prenait position pour la première fois « pour l’information et une éducation sexuelle, pour le droit à la maternité et à la contraception », « la possibilité pour les femmes qui le demanderaient de l’interruption légale de la grossesse , en milieu hospitalier, remboursée par la Sécurité sociale ». Elle fut ensuite élue à la commission administrative nationale sur la liste U-A aux élections de mai-juin 1973, entra dans le secteur pédagogique dirigé par Jean Petite* et Suzanne Caussat-Mamane et devint membre suppléante du bureau national et membre du secrétariat en 1977.

Annette Krakowski était une des rares militantes nationales mères de famille. Elle avait à cœur de faire pleinement reconnaître la place des femmes dans la Fonction publique et dans le syndicat. Aussi participa-t-elle à l’organisation du rassemblement unitaire du 15 mai 1975 à la Mutualité « pour la promotion, l’émancipation, la libération des femmes ». Elle collabora avec Madeleine Raby-Lagane à la rédaction de la brochure L’Haby ne fait pas la femme dans laquelle était dénoncé le sexisme persistant dans les manuels scolaires.

Tout en continuant à siéger au CEGT et au CSEN, Annette Krakowski fut surtout, dans le collectif pédagogique dirigé par Jean Petite, une infatigable animatrice de la politique du SNES visant à investir le terrain de la pédagogie, en travaillant avec d’autres syndicats de la FEN, les associations de spécialistes, les mouvements pédagogiques et l’Institut national de la recherche pédagogique (INRP). Elle contribua à la prise de positions syndicales sur les questions concrètes auxquelles étaient confrontés les professeurs dans la pratique de leur métier d’enseignant, sans perdre de vue les objectifs généraux d’un projet syndical de réforme du système éducatif dénommé « Ecole progressive » à la fin des années 1970, déjà largement défini au congrès de Nancy de 1977 dans la motion « contenus et étapes de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans », dont elle fut corapporteur avec Jean Petite. Elle s’investit donc dans la défense et la promotion de la recherche pédagogique et des établissements expérimentaux. Dans le débat sur le « travail indépendant », elle défendit l’initiative des professeurs dans leur classe tout en refusant son caractère obligatoire souhaité par le ministre Haby et en souhaitant le développement des équipes pédagogiques et éducatives. Soucieuse de la défense et de l’amélioration des contenus enseignés et de l’évolution des pratiques pédagogiques, elle poussa à la généralisation de la mise en place de groupes de travail disciplinaires nationaux du SNES. Elle fut ainsi la cheville ouvrière de l’organisation d’un colloque national sur l’avenir des enseignements scientifiques en 1977, travailla avec les Instituts de recherche sur l’enseignement des mathématiques (IREM) et fut une des organisatrices de la journée nationale du 31 mars 1979 « pour une véritable formation continue et le développement de la recherche pédagogique ». Ce travail déboucha sur deux livres du SNES : Pour réussir l’enseignement des mathématiques et, totale nouveauté, L’informatique dans l’enseignement, parus à la fin de l’année 1980. Enfin, auprès de Michèle Jacquet*, elle contribua à l’élaboration des positions du SNES en faveur de la diversification des voies du lycée afin de le démocratiser, sans perdre de vue l’objectif d’un haut niveau de formation pour tous.

Dans le même temps, Annette Krakowski participa à des délégations du SNES à l’étranger et aux congrès de la Fédération internationale des professeurs de l’enseignement secondaire officiel (FIPESO), où elle s’informait de la situation dans les autres pays et exposait les positions de son syndicat. Dans le XIIIe arrondissement de Paris, elle était active dans le cartel d’action laïque, tout en étant présidente de l’association de la Fédération des conseils de parents d’élèves de l’école primaire de ses enfants. Par la suite, elle représenta le maire de Paris dans deux conseils d’école de son arrondissement.

En 1981, Annette Krakowski quitta toutes ses responsabilités nationales syndicales, tout en figurant encore sur la liste U-A à la CA nationale et reprit son activité d’enseignante à temps plein au lycée Monet jusqu’en 1993, organisant des travaux et des recherches qui donnèrent matière à des communications aux journées internationales de Chamonix sur l’éducation scientifique et participant à des actions auprès des élèves sur l’éducation à la santé (SIDA, drogues, alcool, tabac…). Elle n’en continua pas moins à apporter son aide dans le groupe disciplinaire des sciences naturelles du SNES.

Retraitée, Annette Krakowski militait dans la section du SNES de Paris et participait aux activités de l’APBG. Elle représenta durant quelques années le SNES au conseil de l’Université Paris I. Elle fut membre active de la commission nationale sur la bioéthique du PCF, participait toujours en 2010 aux journées de bioéthique de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale et à celles du comité consultatif national. Avec son mari, elle signa en 2010 l’appel à la création d’un monument dédié à la mémoire des résistants juifs de la MOI.

Militante chaleureuse, elle était restée fidèle à ses engagements, son parti et son syndicat et avait accepté de figurer dans le comité de parrainage de l’Association pour l’Histoire des militants associatifs et syndicalistes de l’Éducation (HIMASE).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136231, notice KRAKOWSKI Annette [née KRIVINE Annette] par Alain Dalançon , version mise en ligne le 14 février 2011, dernière modification le 5 juin 2021.

Par Alain Dalançon

Photo IRHSES à un colloque en 1979
Photo IRHSES à un colloque en 1979
Lors de l’inauguration des nouveaux locaux du SNES en 2005

SOURCES : Archives IRHSES (SNES, nombreux dossiers : CA, Bn, congrès, affaires pédagogiques, L’Université syndicaliste). — Interview de l’intéressée par l’auteur en 2004 et nouveaux renseignements fournis en 2010.

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