LEVAILLANT Simone [LEVAILLANT Adèle, Simonne]

Par Bruno Carlier

Née le 19 novembre 1904 à Saint-Étienne, morte déportée à Sobibor (convoi 53 du 25 mars 1943) Lublin Maidanek le 30 mars 1943 ; avocate ; féministe, militante de la protection de l’enfance dans la Loire.

Simone Levaillant vers 1930 (Photo "R.Paul", cliché transmis par Bruno Carlier)

Issue d’une vieille famille de juifs de l’Est, apparentée au grand rabbin de Bâle Moïse Nordmann (1809-1884) et au préfet Isaïe Levaillant (1845-1911), Simone Levaillant, dont les parents étaient négociants, était consciente de ses origines, qu’elle revendiquait discrètement. Après des études de droit à Lyon, elle fut admise au stage par le barreau de Saint-Etienne le 20 décembre 1927, première femme à y exercer.

En contact avec le Patronage de l’enfance et de l’adolescence de Paris et le Comité national d’éducation et d’assistance de l’enfance anormale dont elle paraît être secrétaire de la section départementale créée en 1931, elle s’intéressa aux activités de l’Œuvre nationale de l’enfance et la Croix-Rouge belge. Elle fut logiquement membre du bureau de la Fédération des Œuvres publique et privées de protection de l’enfance du département de la Loire fondée le 9 juillet 1931 par le pédiatre Charles Beutter et l’inspecteur de l’Assistance publique François Leboulanger, et y anima la Commission de l’enfance anormale dont est issue la Consultation médico-pédagogique ouverte au printemps 1932. Cette Consultation, dirigée par son cousin le Dr Charles Nordmann et où travaillait son ancienne répétitrice Marinette Heurtier désormais assistante sociale, reçut les enfants envoyés par le tribunal avant leur jugement et y rendit compte de son enquête sociale, mais dépistait aussi les enfants des écoles. Aboutissement de la Consultation, sous le contrôle de Marinette Heurtier, doté d’une institutrice spécialisée, le village-école d’Usson dans les monts du Forez ouvrit à l’été 1935 ; les enfants déficients mais éducables y bénéficiaient, en placement familial, d’une vie saine qui peut aussi aboutir à un métier. L’enseignement reposait sur l’observation et la fréquentation de la nature.

Simone Levaillant contribua également, vers 1930, au réveil du Comité de défense des enfants traduits en Justice qui fournit au tribunal des délégués à la liberté surveillée. Elle participa en juin 1938 au Comité de vigilance chargé de fournir des délégués à l’assistance éducative, aux termes des décrets-loi du 30 octobre 1935.

Féministe, elle présenta à la séance du 24 février 1930 du Comité national d’études sociales et politiques une communication sur « Les femmes devant la loi » et y développa l’exemple espagnol où la femme est citoyenne mais redevient une mineure juridique en cas de mariage. D’une plume alerte et avec humour, elle revendiqua le droit de vote pour les femmes dans la Loire Républicaine du 16 mars 1935.

Jeune et célibataire, femme et militante, esprit brillant et fort à l’occasion, ouverte sur les exemples étrangers et y ayant voyagé, ayant fait des études supérieures, Simone Levaillant apparaît un peu hors-norme, et malgré quelques affaires (parmi la dizaine de procès d’Assises où elle est citée, dont le procès en septembre 1931 de la parricide Renée Cusset, elle ne plaide seule qu’une fois) qui lui font dans les gazettes une réputation honorable, elle est surtout présente dans les procès d’enfants mineurs (entre 1930 et 1933, elle en assure 15 à 20%) ; on ne sait rien du fonctionnement quotidien de son cabinet, dont rien ne dit qu’il ait été prospère.

À l’image peut-être de son amie Marinette Heurtier et de ses sœurs, Simone Levaillant s’engagea dans la Résistance : titulaire de la Médaille militaire comme combattant volontaire de la Résistance à partir du 14 janvier 1943, on ne sait rien de la nature de son engagement. elle fut arrêtée à son domicile le 14 mars 1943 comme otage à la suite d’un attentat ayant eu lieu la veille à Saint-Étienne.
Elle était inscrite aux fichiers juifs,
Son domicile se trouvait 2 rue Balaÿ à Saint-Étienne.
L’appartement fut réquisitionné par les Allemands. Entre début juillet et fin octobre 1943, il fut occupé par Heinz Eckert alias "Evans", adjudant membre de l’Abwehr et par Robert Le Berquier, l’un de ses "agents". La "cuisinière", Marie Servoz était restée dans l’appartement. Elle fut entendue comme témoin après la guerre. Elle mit particulièrement en lumière les pillages organisés par les deux individus chez les personnes qu’ils avaient arrêtées.

Elle fut déportée à Sobibor par le convoi 53 du 25 mars 1943 et mourut. Elle n’avait pas quarante ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136256, notice LEVAILLANT Simone [LEVAILLANT Adèle, Simonne] par Bruno Carlier, version mise en ligne le 17 février 2011, dernière modification le 31 août 2020.

Par Bruno Carlier

Simone Levaillant vers 1930 (Photo "R.Paul", cliché transmis par Bruno Carlier)

SOURCES : Arch. Mun. Saint-Étienne, 2E138, 4I3. — Arch. Dép. Loire 2W769, 771, 774 et 776, 1J243, U1229-1231, 112W84, documents recueillis par le Conseil de l’Ordre des avocats de Saint-Etienne. — Archives de l’ADSEA de Saint-Etienne, presse locale (Loire Républicaine, Journal de Montbrison). — Serge Klarsfeld, Le mémorial de la déportation des juifs de France, Paris, 1978. — Bruno Carlier, Sauvageons des villes, sauvageons aux champs, les prises en charge des enfants délinquants et abandonnés dans la Loire (1850-1950), Publications de l’Université de Saint-Étienne, décembre 2006. — État civil.
Notes de Jacky Nardoux. — Arch. Dép. Rhône et Métropole, 394 W 311, Cour de Justice de Lyon, procédure menée contre Robert Le Berquieret Louis Meusburger, audience du 27 mai 1948 (Tous deux sont condamnés à la peine de mort et fusillés.)

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