FISCHER Serge [Pseudonyme dans la Résistance : Raoul ou Maurice]

Par Léon Strauss

Né le 21 janvier 1907 à Strasbourg (Alsace-Lorraine, Basse-Alsace), mort le 7 mai 1976 à Strasbourg (Bas-Rhin) ; bibliothécaire ; communiste, résistant, déporté ; responsable du Front National et du Front National Universitaire pour Puy-de-Dôme de 1941 à 1943.

Serge Fischer était le fils de Léon Fischer, ingénieur, issu d’une famille protestante colmarienne, et de Fanny Moschkovitch, juive russe originaire de Kherson, assistante d’ophtalmologie à la faculté de médecine de Strasbourg. Il accomplit sa scolarité primaire à Sainte-Marie-aux-Mines (Haute-Alsace) et secondaire à Mulhouse (Haut-Rhin), où son père était devenu directeur des tramways. Il étudia ensuite les mathématiques et les sciences physiques à la faculté des sciences de Strasbourg. Il fut en 1926 l’un des dirigeants de l’Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg. La même année, il avait adhéré au parti communiste. Il poursuivit ses études à l’École supérieure de chimie de Mulhouse (1928-1930). Après avoir réussi le diplôme supérieur des bibliothèques (1933), il fut nommé bibliothécaire à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg.

Replié à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) en 1939 avec l’université de Strasbourg, il fut chargé du déménagement des fonds de la bibliothèque vers des châteaux des environs de Clermont-Ferrand puis de leur aménagement. Ce travail l’occupa jusqu’en mai 1940 En juin 1940, il fut chargé de la garde d’un des châteaux et il fut chargé de surveiller les opérations quand les Allemands vinrent alors récupérer des livres. Il participa en 1941 au camouflage de certains fonds de la BNU pour éviter leur retour en Alsace annexée. Ce n’est qu’à partir d’avril 1941 qu’il put disposer de temps pour reprendre son activité militante. Il chercha à reprendre contact alors avec le Parti mais ce n’est qu’en septembre que celui-ci fut rétabli. En attendant, il était parvenu à intégrer le mouvement Combat où l’Université de Strasbour était largement représentée. Dans un texte de deux pages racontant son activité durant la période, il déclara avoir alors assisté à une réunion du Comité régional de Combat, en présence d’Henri Frenay Sandoval alias Henri Frenay, du Comité national, qui vint faire approuver sa politique d’entente avec Pierre Pucheu.
À partir de l’été 1941, il fut l’un des responsables du Front national et du Front national universitaire pour le Puy-de-Dôme (sous les pseudonymes de Raoul et de Maurice). Il devint responsable régional du front national, entrant en contact avec les autres mouvements de résistance. Il déclare que c’est en août 1942 que Raoul Calas le chargea de la fondation du Front national universitaire, ce qui l’amena à regrouper les intéresser, à répartir les tracts et les préparer à l’action. Après l’arrestation de Calas le 10 juin 1942, il s’est occupé de son procès.
Puis, tout en continuant de s’occuper du Front national, Paul, dont il ignore le nom, et Serre, inter-cadres du Parti, le chargèrent de faire la liaison avec Combat, Franc-Tireur, Libération, l’Armée secrète, ce qu’il fit jusqu’à son arrestation. Il put également entrer en contact avec l’Intelligence service qui devait leur fournir des armes mais l’arrestation de certains de ses responsables fit qu’ils ne reçurent rien.
Durant le printemps 1943, il procura des centaines de cartes d’identité et de cartes d’alimentation aux étudiants alsaciens et lorrains par l’intermédiaire de la section « Propagande « de la section universitaire de « Combat ». C’est le responsable des FTP qui lui en avait fait la demande. Enfin, il déclare avoir dirigé vers le maquis, si possible FTP, tous ceux qui se présentaient avec des garanties suffisantes. Il ravitailla notamment le "polo" régional des JC c’est-à-dire responsable politique des Jeunesses communistes, un dénommé Petitjean, certainement Maurice Petitjean qui fut arrêté peu après avec d’autres. Serge Fischer fit la liaison pour leur évasion.
Le 19 avril 1943, il épousa Paulette Amoudruz (Paulette Fischer), sœur de Madeleine Amoudruz (Madeleine Rebérioux). Il fut dénoncé par l’étudiant traître Georges Mathieu, ancien responsable de « Combat », qui l’a présenté comme le chef de la Résistance clermontoise. Il fut arrêté par la police allemande le 4 novembre 1943 dans la salle de lecture de la Bibliothèque municipale et universitaire de Clermont-Ferrand. Il eut la chance de n’être pas fouillé, ce qui lui permit de camoufler puis de manger des papiers compromettants, en particulier liés à l’évasion du dénommé Petitjean. Il put aussi dissimulé une fausse carte d’identité dans le bas-flanc de sa cellule. Incarcéré à la prison militaire du « 92 » dans la cellule des condamnés à mort, battu et torturé à coups de nerf de bœuf à trois reprises, privé de ses lunettes et dans une cellule obscure jusqu’au 1er janvier 1944, il tint tête à Blumenkamp , chef du Sipo-SD de Clermont-Ferrand qui conclut : « Der Mann ist aus Eisen » (« L’homme est en fer) ». Fischer fut confronté avec Georges Mathieu, avec qui il était en contact depuis 8 mois, mais celui qui l’avait dénoncé ne dit rien ce jour-là. Il n’avoua rien sauf le fait qu’il avait par hasard livré quelques cartes d’identités fausses à des inconnus car il craignait que celles cachées dans son bureau à la bibliothèque soient retrouvées. Il ne fut perquisitionné que le lendemain chez lui, ce qui permit à son épouse de mettre à l’abri la littérature qu’il venait de recevoir ainsi que les cartes d’alimentation qu’il n’avait pas encore distribuées. Le 6 janvier, il fut interrogé par un membre du SD de Vichy qui lui fit savoir qu’il savait qu’il parlait allemand, ce qu’il avait nié jusqu’à présent, l’obligeant dorénavant à parler dans cette langue lors de l’interrogatoire. Le membre du SD fut furieux de constater qu’aucun procès-verbal des anciens interrogatoires avait été réalisé, ce qui permit à Serge Fischer de déclarer qu’il n’était que bibliothécaire. Il signa son procès-verbal où il déclarait n’être, selon ses dires, "qu’un imbécile".
Transféré à Compiègne le 11 janvier 1944, il fut déporté à Buchenwald le 24 janvier 1944. Fischer (matricule 43 425), déclaré inapte au travail et souffrant de ses blessures, de la taille aux chevilles, put néanmoins reprendre contact avec le Parti (sections françaises et allemandes). A la fin de sa quarantaine, il fut affecté au bloc 61 où il était censé être de corvée de bois, ce qui ne fit jamais. Il fut quelques jours plus tard affecté au bloc 56 où il fut successivement chef de box, interprète -en particulier deux fois pour Marcel Paul- et infirmier. En janvier 1945, comme le chef de box craignait qu’il ne soit envoyé au travail par les SS, il partit travailler pendant un mois environ à la Schreibstube (bureau) en service de nuit. Puis il reprit ses fonctions d’infirmiers jusqu’à la libération du camp. Il participa au comité clandestin international qui prépara la libération du camp le 11 avril 1945. Il fut de retour à Clermont-Ferrand le 28 avril 1945.
Il fut homologué aux titres de Déportés et internés résistants (DIR) et Résistance intérieure française (RIF).
Il conserva toute sa vie les séquelles des tortures et de la déportation, mais reprit rapidement ses fonctions de conservateur de la BNU, responsable de la section des sciences,puis de celles des langues orientales jusqu’à son départ à la retraite en 1972. Médaillé de la Résistance avec rosette, il faisait partie de la direction nationale de l’association française Buchenwald-Dora. Il resta membre du parti communiste, mais n’y exerça aucune fonction importante.

Le 8 mai 2011, une plaque en sa mémoire fut inaugurée par le préfet du Bas-Rhin, ce qui suscita une protestation de la fédération communiste qui n’avait pas été invitée. Lors des cérémonies célébrant les 70 ans de la rafle du 25 novembre 1943 de l’Université à Clermont-Ferrand, perpétrée à l’encontre de l’Université résistante de Strasbourg et de l’Université de Clermont-Ferrand, un hommage particulier fut rendu à Serge Fischer. A cette occasion, une plaque en sa mémoire fut apposée à l’entrée de la salle de lecture de la Bibliothèque universitaire de Clermont-Ferrand, boulevard Lafayette.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136297, notice FISCHER Serge [Pseudonyme dans la Résistance : Raoul ou Maurice] par Léon Strauss, version mise en ligne le 28 février 2011, dernière modification le 11 novembre 2021.

Par Léon Strauss

ŒUVRE : « 4 novembre 1943. À la prison militaire du 92 », in : De l’Université aux camps de concentration. Témoignages strasbourgeois, Paris, 1947 (4e édition, Strasbourg, 1996, p. 5-8).

SOURCES : Dossier GR 16 P 224827, Service Historique de la Défense, Vincennes. (non consulté) — Dossier AC 21 P 646126, Service Historique de la Défense, Caen (non consulté).— Témoignage de Paulette Fischer, 1987. – Dernières Nouvelles de Strasbourg, 26 décembre 1927. – Albert Kirmann, « Buchenwald, la grande ville », in : De l’Université aux camps de concentration, Témoignages Strasbourgeois, Paris, 1947 (4e édition, Strasbourg, 1996, p.75). – Marcel Guillaume, "Clermont-Ferrand : Serge Fischer, Résistant arrêté à son poste de travail à la Bibliothèque Municipale et Universitaire, le 4 novembre 1943", Bulletin du Cercle d’études sur la Seconde Guerre mondiale de Thiers et sa région, n°32, octobre 2014, p. 4-7. — Humanité d’Alsace et de Lorraine, 15 janvier 1947 et 17 février 1967 – Gilles Lévy et F. Cordet, À nous Auvergne ! La vérité sur la Résistance en Auvergne 1940-1944, Paris, 1974. – Humanité 7 jours, Strasbourg, 14 mai 1976. – Annuaire de l’amicale des anciens élèves de l’École supérieure de chimie de Mulhouse, 1976, p. 34-35. – Le Patriote Résistant, novembre 1976. – Le Serment, juin 1976. – Nouveau Dictionnaire de Biographie alsacienne, Strasbourg, 1988, fascicule n° 11, p. 954. – John F. Sweets, Clermont-Ferrand à l’heure allemande, Paris, 1996, p.190, 209. – Jacqueline Bromberger , Dossier témoignage. Histoire de la Résistance de l’université française de Strasbourg à Clermont-Ferrand, Délégation à la Mémoire et à l’Information historique, s.l. n.d. <1993>, p.11. – Madeleine Rebérioux in : André Gueslin (dir.), Les Facs sous Vichy, Clermont-Ferrand, 1994, p.336. – Eugène Martres, L’Auvergne dans la tourmente 1939-1945, Clermont-Ferrand, 1998, p.131-132. — Léon Strauss , « L’université française de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand », in : Christian Baechler, François Igersheim, Pierre Racine (dir.), Les Reichsuniversitäten de Strasbourg et de Poznan et les résistances universitaires 1941-1944, Strasbourg, 2005, p.252, 256. — Léon Strauss, « Des Alsaciens dans la Résistance intérieure (hors d’Alsace) », in : Alfred Wahl (dir.), Les Résistances des Alsaciens –Mosellans durant la Seconde Guerre mondiale, Metz, 2006, p.153, 161.— Hommage à Serge Fischer. 14 mai 2011. Blog du PCF 67. — Hommage à Serge Fischer. Reportage de France 3 Auvergne. — Rapport de Serge Fischer sur son activité durant l’Occupation, 2 p. dactyl. (archives Roger Champrobert, Clermont-Ferrand). — Serge Fischer, 1907-1976, Strasbourg, Bibliothèque nationale Universitaire, 2011, 39 p. — Compléments par Eric Panthou.

ICONOGRAPHIE : photo de Serge Fischer dans le NDBA, fasc. n° 11, p.954.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable