LAVILLE Pierre

Par Nathalie Lempereur

Né le 5 septembre 1937 à Saint-Vincent-Rive-d’Olt (Lot) ; auteur, metteur en scène, directeur de théâtre, co-directeur du théâtre des Amandiers de Nanterre avec Pierre Debauche (1968-1974).

Fils d’enseignants, Pierre Laville, diplômé en sciences politiques et docteur en droit, se tourna d’abord vers une carrière d’universitaire à la Sorbonne. Chargé de cours et de recherches à l’École Pratique des Hautes Études en économie du développement (1960-1969), il participa également à des missions de coopération internationale avec l’ONU au Maroc, au Sénégal et en Algérie.

Ce fut aux côtés de Jean-Marie Serreau, rencontré en Afrique, que Pierre Laville débuta au théâtre. Il devint son assistant au milieu des années 1960 et collabora à des mises en scène de pièces de Paul Claudel, Kateb Yacine, Aimé Césaire ou Eugène Ionesco.

Après ces années d’apprentissage, Pierre Laville rejoignit l’équipe du théâtre des Amandiers, créé en 1965 par Pierre Debauche. Le théâtre ne possédait pas encore de lieu fixe mais organisait un festival annuel et mettait en place une politique d’animation culturelle. Le succès du festival, la capacité à attirer chaque année un public un peu plus nombreux réunissant Nanterriens et habitants des communes voisines, ainsi qu’à mettre en place de multiples activités de quartier tout au long de l’année avaient permis au théâtre d’être reconnu officiellement comme préfiguration de la maison de la culture de Nanterre par le ministère des Affaires culturelles le 1er janvier 1968. La construction d’un lieu fixe fut désormais envisagée. Pierre Laville fut nommé directeur de la société civile d’études pour la programmation de la maison de la culture de Nanterre qui devait poser les bases de ce futur établissement. Il remit en mai 1969 son étude dans laquelle il dressa un bilan des activités réalisées, du public conquis et des propositions pour le lieu à créer. Un bâtiment provisoire fut construit et mis à la disposition du théâtre des Amandiers à l’automne 1969 en attendant la réalisation du théâtre définitif prévu pour 1974. Le théâtre passa sous la direction de Pierre Debauche et de Pierre Laville qui eurent pour mission d’y organiser des activités permanentes et continues. Il devint Centre dramatique national en 1971 et comprenait la future maison de la culture avant leur dissociation en 1975.

Pierre Laville participa pendant ces années au développement du théâtre au sein de la banlieue rouge. Pierre Debauche, en collaboration avec son équipe, sut mêler représentations théâtrales de textes classiques et contemporains et animation culturelle, avec réussite, et disposait de toute liberté alors qu’ils entretenaient des relations privilégiées avec la municipalité communiste qui soutenait leur travail. L’équipe s’appliqua à réunir un public populaire, en s’attachant à intéresser les différentes populations de la municipalité et du département autour de films, débats, expositions, spectacles dansés ou chantés, représentations théâtrales... Nanterre était au début de l’aventure du théâtre une ville majoritairement ouvrière, avec un taux très élevé d’immigrés, que les équipes du théâtre allaient chercher à amener à la culture et au théâtre, en leur proposant nombre de spectacles ou manifestations dans des lieux variés, des expériences de théâtre de quartiers, mais aussi des spectacles en langue étrangère : arabe ou portugais notamment.

Pierre Laville travailla parallèlement à la dramaturgie de plusieurs spectacles des Amandiers aux côtés de Pierre Debauche ou d’Antoine Vitez*, comme par exemple pour les pièces de Mikhaïl Boulgakov (La Fuite, 1970), Armand Gatti *(La Cigogne, 1971) ou Anton Tchekhov (La Cerisaie, 1971).

Le théâtre de Nanterre continua pendant ces années à mener une politique en direction des publics, en promouvant un répertoire qui n’était pas strictement politique ni militant, mais privilégiait la réflexion et le social, refusait le boulevard et mêlait œuvres classiques ou contemporaines, de Molière à Bertolt Brecht en passant par Victor Hugo. Les directeurs du théâtre accueillirent le Berliner Ensemble à plusieurs reprises entre 1971 et 1973. C’est aussi au théâtre de Nanterre que la compagne de Brecht, Hélène Weigel, joua pour la dernière fois, en France. À partir de 1973, le théâtre des Amandiers modifia sa politique de création et s’orienta davantage vers la création théâtrale contemporaine. Pierre Laville annonça dans le journal d’informations du théâtre de mai-juin 1973 l’engagement du théâtre dans une dynamique nouvelle avec des créations directement engagées dans le présent et la découverte de jeunes auteurs.

Il devint ensuite directeur du théâtre Le Palace à Paris et du Centre national de création contemporaine (1975-1978), où il poursuivit et intensifia sa promotion d’un théâtre contemporain, d’un théâtre de son temps, à la fois en rapport direct avec la société et innovant dans la recherche sur le langage. Le Palace produisit par ailleurs à ses débuts des pièces d’auteurs déjà renommés comme, notamment, en 1976, celle de Gatti censurée et non encore créée en France La Passion du général Franco par les émigrés eux-mêmes, aux entrepôts Calberson à Paris.

Pierre Laville fut également conseiller artistique au théâtre national de Marseille – La Criée. Ses champs d’intervention se multiplièrent : il fut fondateur de la revue Auteurs, producteur d’émissions de télévision, ou encore éditeur de la collection « L’année du théâtre ». Il enseigna également l’histoire du théâtre et le théâtre contemporain à l’Université de Nanterre et de Vincennes.

Pierre Laville débuta sa carrière d’auteur dramatique, par une première pièce, commande de Jean-Marie Serreau, mise en scène en 1974, intitulée Les ressources naturelles traitant du poids de l’image dans nos vies, des rapports conflictuels avec le passé. Il fut depuis l’auteur de pièces de théâtre ancrées dans la société de son temps, comme avec sa pièce Du côté des îles, chronique contemporaine des années 1960-1970, ou Le Fleuve rouge, qui traitait des rapports entre l’art et la politique en instaurant un dialogue fidèle mais sans souci de réalisme entre Boulgakov et Maiakovski. Pierre Laville poursuit jusqu’à aujourd’hui dans des théâtres publics et privés ses activités de metteur en scène, et son travail d’adaptation, notamment d’auteurs américains comme David Mamet ou Tennessee Williams.

Pierre Laville a été fait chevalier de l’Ordre National des Arts et Lettres et de l’Ordre National du Mérite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136386, notice LAVILLE Pierre par Nathalie Lempereur, version mise en ligne le 1er mars 2011, dernière modification le 6 septembre 2011.

Par Nathalie Lempereur

ŒUVRE :
- Droit : Associations rurales et socialisme contractuel en Afrique occidentale ; étude de cas le Sénégal, Paris, Éd. Cujas, 72. — Les associations paysannes du type mutualiste et coopératif au Sénégal, Thèse de droit, Toulouse, 1967.
- Théâtre : Les Ressources naturelles, Paris, Stock, 1974. — Du côté des îles, Paris, Stock, 1978. – Le Fleuve rouge, l’Avant-scène théâtre, 1981. — Les nuits et les jours, l’Avant-scène théâtre, 1985. — Retours, Arles, Actes Sud, 1988. — Le voyage à Bâle, Arles, Actes Sud, 1991. — Tempête sur le pays d’Égypte, Arles, Actes Sud, 1991. — La source bleue, Arles, Actes Sud, 1993. — Étoiles, Arles, Actes Sud, 1999. — L’Année du théâtre (dir.), 1991-1992 (Hachette, 1992), 1992-1993 (Hachette, 1993), 1993-1994 (Hachette, 1994) et 1994-1995 (Éd. Sand, 1995)

SOURCES : Théâtre des Amandiers de Nanterre (journal d’informations) 1968-1974. — Evelyne Larrere-Queyranne, Deux maisons de la culture en banlieue parisienne, mémoire de maîtrise, Paris 3, 1976. — Pierre Laville, Étude pour la programmation de la Maison de la culture de Nanterre, mai 1969. —Jean-Claude Penchenat (dir.), Missions d’artistes. Les centres dramatiques de 1946 à nos jours, Éd. Théâtrales, 2006. — L’Avant-scène théâtre, mai 1976.

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