ALLÉZY Maurice, Charles, Paul

Par Pierre Alanche, Jacques Debesse

Né le 10 mars 1923 à Orléans (Loiret) ; technicien en électronique ; requis du STO, responsable du secteur Est de l’Action catholique berlinoise (1943-1945), déporté à Oranienburg, fédéral JOC du secteur Paris Nord-Est (1945-1946) ; militant CFTC puis CFDT, secrétaire du CCE d’Alcatel (1968-1978).

Arch. CFDT

Fils de Raymond Allézy, serrurier, et d’Henriette Gesvres, sans profession, Maurice Allézy eut une sœur aînée. Son père, blessé lors de la Première Guerre mondiale, bénéficia d’un emploi réservé, lui permettant, avec son épouse, d’assurer le gardiennage de la manufacture des tabacs de Pantin (Seine, Seine-Saint-Denis), où il devint le représentant CGT des gardiens et concierges auprès de la direction. Ses parents, catholiques, pratiquants occasionnels, veillèrent à lui assurer une éducation religieuse et l’inscrivirent au patronage du mouvement de Saint Benoît-Joseph Labre.

Après l’école primaire et le certificat d’études obtenu en 1934 à l’école de la Chambre de commerce de Paris, il entra en 1935 à l’internat du collège de Château-Thierry (Aisne) puis, de 1936 à 1937, fréquenta le cours supérieur à Pantin. L’organisation des Gueules cassées, au sein de laquelle sa sœur avait été embauchée, se préoccupait du parcours scolaire et professionnel des enfants des blessées de la Grande Guerre. Elle orienta Maurice Allézy en 1938 vers des études de radio-électricité à l’école professionnelle de la Chambre de commerce de Paris. En raison de l’entrée en guerre de la France en 1939, entraînant la fermeture de la manufacture des tabacs, il dut quitter cette école pour accompagner sa famille transférée à Angers (Maine-et-Loire). Il revint à Paris en 1940 et fut admis à l’École centrale de TSF au 12 rue de la Lune à Paris (IIe arr.), avec le projet de devenir radio naviguant sur bateau. Cependant, en février 1941, une ordonnance des autorités allemandes occupantes obligea l’école à supprimer les cours d’opérateur, ce qui conduisit Maurice Allézy à s’orienter vers des études de radio basse fréquence. Il obtint un diplôme de technicien dans cette spécialité et fut embauché fin 1941 chez Emud-radio, une petite entreprise de la rue de Trévise à Paris (IXe arr.), où la fabrication et la réparation de postes de radios servant aux écoutes clandestines de Radio Londres furent détectées et interdites par les Allemands. La licence de fabrication fut retirée à l’entreprise, et Maurice Allézy fut requis et envoyé en Allemagne le 18 janvier 1943, affecté comme manœuvre dans une usine de Berlin-Lichtenberg.

Parmi les requis français, beaucoup de jeunes de la JOC et Scouts de France étaient actifs dans l’organisation du mouvement d’Action catholique destiné aux prisonniers de guerre, déportés et requis du STO. C’est ainsi que, contacté dès son arrivée à Berlin, notamment par Alexis Chêne et Jean Cutté, responsable de la JOC à Berlin, Maurice Allézy devint responsable du secteur Est de l’Action catholique berlinoise. Arrêté le 23 août 1944 sur son lieu de travail sous prétexte d’appartenance à un mouvement clandestin nuisible au peuple allemand, et après un mois d’incarcération à la prison de la Grosshamburgerstrasse, il fut transféré au camp de concentration d’Oranienburg, au village de Sachsenhausen et affecté au kommando extérieur de Rathenow sous le matricule 104464 pour travailler à l’usine Arado à la construction de la voilure du premier avion à réaction, le A234. Il fut libéré le 25 avril 1945 par les soldats soviétiques.

Rapatrié en France début juin 1945, Maurice Allézy trouva un emploi de réparateur radio chez un commerçant d’Épernay (Marne). Il y resta quelques mois, puis revint à Paris en acceptant la responsabilité de fédéral JOC de la branche aîné du secteur Paris Nord-Est, avec un travail retrouvé chez son ancien employeur Emud-radio. En mai 1946, il fut embauché chez Électral-acoustique à Paris, où sa spécialisation de radio acoustique lui faisait sonoriser la Sorbonne pour des conférences. En 1950, il entra chez Alvar, entreprise d’électronique médicale de Montreuil-sous-Bois (Seine, Seine-Saint-Denis) qui lui permit d’effectuer de nombreux déplacements en Europe. Il dut la quitter en 1952, discrédité du fait de sa participation, comme rare technicien de l’établissement, à une grève avec occupation des locaux. Avec l’appui d’un professeur, ancien déporté en Allemagne, il entra en 1953 chez Physiocontrol à Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine), avant d’être embauché en 1954 aux laboratoires de la Société Alsacienne de construction mécanique (SACM), 51 rue de l’Amiral-Mouchez à Paris (XIIIe arr.).

En lien constant avec André Téqui*, responsable de la CFTC à la SNECMA, qu’il connaissait par l’Action catholique à Berlin, il se syndiqua à la CFTC dès son entrée à la SACM. Avec Rémy Allanos, il créa en 1960 une section syndicale CFTC au sein des laboratoires de la rue de l’Amiral-Mouchez et de l’usine SACM d’Arcueil (Seine, Val-de-Marne). Élu délégué du personnel, Maurice Allézy fut également élu sur liste CFTC pour créer un Comité d’établissement commun aux laboratoires de Paris et à l’usine d’Arcueil. Il en devint le secrétaire, négocia avec le directeur, Richard Baumgartner, le transfert des œuvres sociales, jusque-là gérées par l’entreprise, au CE nouvellement fondé et fut désigné au Comité central de l’entreprise dont le siège se situait à Mulhouse. Lorsque les laboratoires du XIIIe arrondissement de Paris furent transférés à Bruyères-le-Châtel (Seine-et-Oise, Essonne) au début des années 1960, il obtint sa mutation au centre d’Arcueil. Après la création d’un comité inter-entreprises entre la SACM et Alcatel pour gérer des œuvres sociales communes, il devint secrétaire du Comité central de l’entreprise en 1968 qui, au fil des transformations juridiques et des raisons sociales, était devenue Alcatel. Grâce à une bourse obtenue par la CFDT, il put accéder à une formation d’analyse de gestion par objectifs en cours du soir et en week-ends à l’Institut de contrôle de gestion prévisionnelle de Paris, promotion Montesquieu (1967-1969). Elle lui donna les outils nécessaires au développement de l’action économique du CE et du CCE. Il eut la lourde responsabilité de la logistique de l’occupation de l’usine d’Arcueil durant les grèves de mai et juin 1968, notamment l’organisation de la restauration et la gestion des carburants pour les personnels du restaurant et les grévistes occupant les lieux. La grève chez Alcatel, qui fut l’une des plus longues de France, se traduisit, notamment, par l’obtention d’un droit d’information des salariés par assemblée générale de trois heures sur le temps de travail à l’issue de chaque CCE.

Parallèlement à son activité au sein de l’entreprise, Maurice Allézy fut désigné en 1970 par la CFDT pour la représenter au conseil d’administration des ASSEDIC du Val-de-Marne dont il devint président (1974-1976). Il présida ensuite le groupement des ASSEDIC de la Région parisienne, chargé de la mise en œuvre de son informatisation (1976-1978). Durant cette période, il représenta également la CFDT à la commission de la promotion sociale et de l’emploi ainsi qu’à celle de l’apprentissage du département du Val-de-Marne.

Maurice Allézy quitta Alcatel en 1978, en préretraite, par licenciement économique. Il devint administrateur délégué, employé bénévolement à temps plein au Centre de formation à l’artisanat d’art et à la communication (CREAR), créé par Dominique Alunni, au château de Montvillargenne à Gouvieux-Chantilly (Oise) de 1978 à 1981. Il n’eut de cesse de s’exprimer sur la déportation et la vie concentrationnaire en Allemagne durant la dernière guerre, lors de manifestations commémoratives, d’expositions, de tables rondes, qui donnèrent souvent lieu à des enregistrements audio et vidéo. Devenu membre du jury du concours national annuel de la Résistance et de la déportation de l’académie de Créteil (Val-de-Marne), il témoigna à de nombreuses reprises devant des élèves, notamment le 22 février 2008 au lycée Louis de Broglie à Marly-le-Roi (Yvelines) et le 14 décembre 2010 au collège Richelieu de La Roche-sur-Yon (Vendée). Il fut invité aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) de Cologne (Allemagne) en 2005 pour contribuer à faire découvrir aux jeunes la vie des 51 martyrs français morts au nom de leur foi en camp de concentration nazi. Sa présence aux JMJ de Pontmain (Mayenne) en juillet 2008 suscita le projet d’une pièce de théâtre, Vous leur direz, écrite par l’abbé Louis Guéry (1947). Elle retraçait l’action de son ami René Giraudet, prêtre vendéen, parti comme travailleur volontaire pour accompagner les jeunes requis envoyés en Allemagne dans le cadre du STO et mort des suites de son internement. Membre du conseil d’administration de l’amicale des anciens d’Oranienburg, dont il devint vice-président en 2010, il participa aux mises à jour et à l’édition du Livre mémorial des déportés de France, arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution, 1940-1945, éditions Tirésias, 2004.

Maurice Allézy s’était marié à Sergy (Aisne) le 11 mai 1946 avec Odile Laperche, secrétaire bibliothécaire au mouvement Cœurs vaillants et Ames vaillantes, puis vendeuse, décédée en 2002. Il eut cinq enfants, Luc (1948), Chantal (1949), Françoise (1950), Dominique (1952) et Pascal (1958), et dix petits-enfants. Il fut membre de l’Action catholique ouvrière (ACO) de 1948 à 1981. Face à la crise du logement qui sévissait après guerre, avec deux autres familles dont les époux Téqui*, il acheta en 1952 un terrain à Villiers-sur-Marne (Seine-et-Oise, Val-de-Marne). Organisés en équipe Castor, ils bâtirent collectivement un ensemble de trois pavillons qui devint leur lieu de résidence.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136406, notice ALLÉZY Maurice, Charles, Paul par Pierre Alanche, Jacques Debesse, version mise en ligne le 9 mars 2011, dernière modification le 6 novembre 2020.

Par Pierre Alanche, Jacques Debesse

Arch. CFDT
Arch. CFDT

SOURCES : Arch. UPSM-CFDT. — Arch. dép. Val-de-Marne. — Reimund Haas et Elisabeth Tillmann, Verfolgt und ermordet als junge Christen : 51 französische Märtyrer im Nazi-Reich, Dortmund 2007. — Michel Fiévet, Un monde solidaire et sans frontière, itinéraire militant, André Téqui, La Toison d’or, Beaune 2005. — Wolfgang Knauft, Face à la Gestapo travailleurs chrétiens et prêtres du STO – Berlin1943-1945, Le Cherche Midi, 2007. — Entretiens avec Maurice Allézy, 26 décembre 2010 et 4 février 2011.

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