KRIVOPISSKO Albert, Léon

Par Dominique Gallix, Yves Pagnotte

Né le 26 décembre 1924 à Mâcon (Saône-et-Loire), mort le 10 mai 2009 à Mâcon ; employé de la Mutualité agricole ; militant communiste de Mâcon, adjoint au maire de Mâcon (1977-1989).

Albert Krivopissko
Albert Krivopissko
Cliché communiqué par Jean-François Poujeade

Le père d’Albert Krivopissko, Léon (Léonide) Krivopissko, était né près d’Odessa en Bessarabie en 1899. Il s’engagea à dix-huit ans dans la Révolution russe pour fuir l’occupation roumaine. Après avoir subi un internement en Turquie, il débarqua à Marseille en 1920 et rejoignit une colonie de Russes blancs à Mâcon où il fut embauché comme ouvrier à la sparterie. Il fit la connaissance d’une jeune ouvrière dont les parents ouvriers avaient leurs racines à Manziat et Cruzille-les-Mépillat (Ain). Pour fuir l’opprobre (une Mâconnaise ne devait pas épouser un étranger venant d’on ne sait où), le couple fuit en Belgique pour ramasser barbelés et douilles d’obus sur les champs de bataille. Ils se marièrent près d’Ostende et revinrent à Mâcon pour la naissance d’Albert (prénommé ainsi en l’honneur du roi Albert 1er de Belgique). Albert Krivopissko devint français à la naissance grâce au droit du sol, alors que ses parents furent classés "apatrides" jusqu’en 1928. Ses parents travaillèrent ensuite à l’usine Monet-Goyon, puis à la fonderie Seguin. Ils furent licenciés pour avoir participé à la grève du 30 novembre 1938 et se retrouvèrent sans emploi et rejetés par toutes les entreprises locales.

Élève de l’école maternelle de la rue Lacretelle, de l’école primaire de la Place Carnot, du cours complémentaire de la rue de la Préfecture, Albert Krivopissko adhéra en 1936 au groupe "Mon Camarade" avec Jean-Louis Boucaud pour aider les républicains espagnols, et au Foyer Laïc de la Maison du Peuple où il fit connaissance des futurs responsables socialistes Louis Escande et Marcel Vitte, ainsi que de Jean Bouvet.

Tout au début de la Seconde Guerre mondiale, Albert dut interrompre brutalement ses études et se replia à Cortevaix avec ses parents sans ressources, par crainte que leur nom n’attire une réaction xénophobe des nazis et de leurs alliés français (la famille restée en Bessarabie fut exécutée par les nazis en 1941 en Moldavie). Il travailla comme débardeur forestier et son frère comme ouvrier à l’usine de Massilly. Albert Krivopissko rejoignit en mai 1944 le maquis du Bois Clair (4e bataillon FTP), sous les ordres du capitaine Legrand (Germain Nosjean). Il participa aux parachutages de Mont (14 juillet 1944), de Flagy (1er août 1944), du Col des Enceints (21 août 1944), ainsi qu’au sabotage de la voie ferrée Mâcon-Cluny à Prissé. Il prit également part aux combats du Bois Clair et à la Libération de Mâcon, le 4 septembre 1944 dans une compagnie dont Marcel Vitte était le lieutenant, avant de s’engager dans l’armée de De Lattre jusqu’en mai 1945.

Son père était sympathisant du PCF, puis membre en 1945. Dès sa journée de travail terminée, il était aux petits soins pour la maison des communistes mâconnais qui jouxtait son domicile, rue Dufour.

Albert Krivopissko épousa, en janvier 1947, une militante du PCF et de l’UJRF, Anne-Marie Geoffroy, née en 1924 à Chalon-sur-Saône, dans une famille ouvrière. Ils eurent une fille, Danièle, aujourd’hui psychologue à Lyon (prénommée ainsi en hommage à Danièle Casanova). À sa démobilisation, il entra comme employé à la Mutualité agricole à Mâcon, puis fut promu cadre très tardivement. Militant CGT, il avait obtenu en 1968 la création du Comité d’entreprise. Venu habiter le quartier des Perrières en 1961 à l’achèvement de la première tranche, il constitua l’Amicale de locataires (CNL) et joua un rôle important dans le développement de la CNL à Mâcon, des années 1960 aux années 1980. Il créa et rédigea le journal L’Antenne. Il fut secrétaire de la Fédération de Saône-et-Loire de la CNL de 1970 à 1977.

La maladie de son épouse, décédée en 2000, l’amena à fonder l’association Alzheimer 71 en 1998, dont il fut président jusqu’en 2001. Il déploya une activité intense pour la création de structures d’accueil adaptées et humaines.

Albert Krivopissko avait adhéré au PCF et à l’UJRF en 1944 et joué un rôle majeur dans la section de Mâcon du PCF. Militant très actif, il participa à de nombreuses réunions dans le département, aux tirages et diffusions de tracts ou aux collages d’affiches. Albert Krivopissko fut rapidement élu au secrétariat de section, responsabilité qu’il exerça pendant de nombreuses années. En 1952, il fut élu membre du bureau fédéral et en 1954 au secrétariat fédéral. Il resta membre du bureau fédéral et du comité fédéral jusqu’en 1970. En octobre 1950, alors qu’il était secrétaire du Cercle de Mâcon de l’UJRF, Albert Krivopissko fut poursuivi en justice pour avoir adressé aux conscrits une chanson leur demandant de ne pas partir faire la guerre en Indochine. Il fut sévèrement condamné, puis amnistié en 1954 devant le mouvement de protestation. Il participa également très activement à la lutte pour la libération d’Henri Martin* ainsi qu’à la lutte victorieuse pour empêcher la traduction en cour d’assises de cinq résistants du Beaujolais qui avaient abattu un milicien. En 1966, Albert Krivopissko organisa avec le Père Cayot et le Père Calimé une marche silencieuse de protestation contre les bombardements américains au Vietnam. Responsable local du Secours populaire avec Robert Joly, il fit une collecte pour les victimes du tremblement de terre d’Orléansville en 1960.

En 1966, avec Eugène Cureau et Maurice Perdrix, il a créa le périodique Avenir, publié par la section du PCF dont plus de 100 numéros parurent pendant une vingtaine d’années. Albert côtoya durant plusieurs années Waldeck Rochet, député de Saône-et-Loire, dont il aimait souligner qu’il lui avait appris « qu’il n’y a pas de vérité absolue et que ceux qui pensent différemment détiennent aussi une part de vérité ».

Albert Krivopissko fut candidat aux élections cantonales de 1970 dans le canton de Mâcon-nord où il affronta au deuxième tour le sortant Louis Escande, soutenu par la droite. Albert Krivopissko bénéficiait du désistement du candidat PS et du candidat PSU, mais ne fut pas élu. Le Parti communiste le présenta aux élections cantonales de Mâcon-centre, lors de la création de ce canton en 1979, avec un très bon score, proche de 15 %.

Albert Krivopissko fut candidat en 9e position sur la liste du PCF aux municipales de 1959 à Mâcon. Il était en 2e position sur la liste en 1965 (la tête de liste, Henri Desvaux fut élu au 2e tour, après entente avec la liste socialiste conduite par le maire Louis Escande). Il fut également candidat sur la liste de gauche (PS, PCF, divers gauche) opposée à Louis Escande en 1971. En 1977, il était en 6e position sur la liste d’Union de la Gauche conduite par Michel-Antoine Rognard et fut élu adjoint au maire en charge de l’Urbanisme et de la Voirie. Il fut réélu en 1983. Ses principales réalisations furent la construction de logements HLM en centre-ville pour développer la mixité sociale, la piétonisation des rues Carnot, Dombey et de la Barre, la sauvegarde et l’aménagement du Vallon des Rigolettes, le réaménagement du quartier de la place de la Baille.

À la fin des années 1970, Albert Krivopissko était en désaccord avec la ligne politique impulsée par Georges Marchais et par les dirigeants locaux du PCF. Il écrivit de nombreux courriers aux responsables locaux ou nationaux du PCF pour argumenter ses divergences, exprimant un souci constant du débat, de l’écoute de la population et de la démocratie. En mai 1988, il cosigna avec des élus socialistes de Mâcon un appel public en faveur de la réelection de François Mitterrand au 2e tour de la présidentielle. Après un échange de courriers vifs, la direction de section décida qu’Albert Krivopissko ne serait pas candidat aux élections municipales de 1989.

Ce fut le début d’une cassure extrêmement douloureuse entre son attachement de cœur aux valeurs du communisme et le PCF. Il quitta le PCF en 1995, après avoir contribué à créer en 1992 le mouvement « Refondations 71 » avec Yves Pagnotte, Maurice Perdrix et Robert Joly.

Au début des années 1990, Albert Krivopissko consacra son énergie aux Délégués départementaux de l’éducation nationale (DDEN), ainsi qu’à l’histoire locale et à la sauvegarde du patrimoine (Maison de Bois, Visitation, cimetière Saint Brice). Il fut admis à l’Académie de Mâcon dont il avait été un très actif administrateur. En contact avec Marcel Vitte et Georges Duby, il fut auteur ou coauteur de plusieurs articles et ouvrages sur l’histoire de Mâcon, notamment Mâcon et ses Maires édité en 1992 par la Société d’études Mâconnaises. Il participa à la création de plusieurs associations culturelles locales (Memoria, Amis d’Henri Guillemin, Société d’études mâconnaises, Comité d’études mâconnaises).

Plusieurs traits de caractère majeurs se dégagent de son action : une puissance de travail exceptionnelle jusqu’à ses dernières semaines, une très grande rigueur dans l’argumentation et l’élaboration des dossiers, des principes (loyauté, fidélité à son idéal). Il aimait citer cette phrase de Lamartine : « Un homme doit avoir plus d’ambitions pour ses idées que pour lui-même ». Albert Krivopissko était un homme de grande culture qui lisait beaucoup et était toujours avide des idées nouvelles et de la confrontation des points de vue. Albert Krivopissko a été nommé chevalier de la Légion d’honneur le 15 octobre 2001. Il était l’aîné de deux enfants ; son frère Paul (né en 1926) et sa belle-sœur Maguy Cardon ont été des militants communistes actifs en Saône-et-Loire puis en région parisienne. Un de ses neveux, Guy, dirige le Musée de la Résistance de Champigny-sur-Marne alors qu’un autre est conseiller municipal de Montceau-les-Mines depuis 2008.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136425, notice KRIVOPISSKO Albert, Léon par Dominique Gallix, Yves Pagnotte , version mise en ligne le 15 mars 2011, dernière modification le 7 janvier 2018.

Par Dominique Gallix, Yves Pagnotte

Albert Krivopissko
Albert Krivopissko
Cliché communiqué par Jean-François Poujeade

SOURCES : Témoignages. — Presse locale.— État civil.

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