LE GUERN Albert, Gabriel, Achille

Par Claude Pennetier

Né le 29 octobre 1927 à Paris (XIVe arr.) ; employé des PTT à l’imprimerie des timbres-poste (ITP) à Paris ; militant syndicaliste CGT ; secrétaire général de la fédération CGT des PTT ; militant communiste du XIVe arr. de Paris puis d’Orly (Seine, Val-de-Marne).

Albert Le Guern en juin 1988.
Albert Le Guern en juin 1988.
Photo prises lors du 27e congrès de la fédération CGT des PTT, marqué par son passage de relais à Maryse Dumas.
Communiqué par Albert Le Guern.

Aîné d’une famille ouvrière de neuf enfants (six garçons et trois filles), Albert Le Guern fut élevé par un père d’origine bretonne (Côtes-du-Nord) mais né au Havre (Seine-Inférieure) en 1893, chauffeur d’automobile notamment chez Citroën, syndiqué à la CGT,« anarcho-syndicaliste », adversaire du « sabre et du goupillon ». Après voir fait "trente-six métiers", il finit sa carrière comme chauffeur postier à Paris. Sa mère, née Marcelle Cassayre à Massiac, dans le Cantal, était fille de salle dans un café parisien – où elle connut son père – et devint ménagère car elle eut neuf enfants. Albert Le Guern était l’aîné. Juste après sa naissance, la famille accéda à un logement à la Cité du Souvenir créée par l’Abbé Keller. Sa mère ayant gardé la foi, il fut baptisé mais ne fit pas la communion. Il fréquenta l’école publique de la rue d’Alésia, fut placé dans l’Indre en 1940, passa par un préventorium, participa à l’exode à Tours, puis revint à l’école Alésia où il obtint le CEP en 1941. Il entra en première année d’une école professionnelle mais fut orienté vers la maçonnerie, ce qu’il refusa ; il voulait être électricien. Les restrictions alimentaires avaient altéré sa santé et il dut faire plusieurs séjours en sanatorium. Après diverses petites embauches, il réussit à seize ans le concours de l’imprimerie des Timbres-poste et travailla comme apprenti imprimeur, puis conducteur adjoint, conducteur et enfin « artisan taille-doucier », métier valorisant d’autant que l’entreprise, située 103 boulevard Brune, était en pointe au niveau international.

Encouragé par son père, Albert Le Guern adhéra à la CGT en 1946, mais pendant plusieurs années, il resta dit-il, plus intéressé par le football que par le militantisme. La même année, sans l’assentiment paternel, le Parti communiste le reçut au siège du XIVe arr., section Montsouris, avenue d’Orléans (aujourd’hui av. du Général Leclerc). La victoire de Stalingrad l’avait conquis à la « gloire de l’URSS » et l’action des FFI à la Libération, particulièrement l’image de Rol-Tanguy, l’avait rapproché du communisme. Il fut trésorier adjoint de cellule et membre du bureau de section après avoir suivi une école de formation du soir.

Son milieu professionnel était marqué par le syndicalisme réformiste et par une forte tendance au « catégorisme ». Albert Le Guern évoque l’exemple de la présence de la femme de Dominique Grimaldi qui quitta la CGT avant même la scission de décembre 1947. Force ouvrière domina dans un premier temps avant le tournant de 1953.

C’est sa participation durant vingt-deux jours à la grève historique d’août 1953 qui accéléra son engament. Albert Le Guern fut élu secrétaire de la section syndicale CGT des timbres-poste (alors peu étoffée) et le resta jusqu’au transfert de ce service à Périgueux (Dordogne) en 1971, « délocalisation arbitrairement » décidée par Yves Guéna, ministre des PTT, mais aussi ancien maire et député de Périgueux. La CGT comptait alors 203 membres sur 400 personnes et les élections à la CAP lui donnaient 90% des voix.

En mai-juin 1968, Albert Le Guern anima le comité intersyndical de grève représentant les divers services de la poste et des télécommunications, situés au 103 boulevard Brune à Paris.De cette grève il écrivit : « Quel beau bilan revendicatif, mais quel goût d’amertume et rêves envolés. Mais ce sont ceux qui "rêvaient" qui avaient raison. » (CV pour l’IHS CGT des PTT).

Il s’était marié le 5 mars 1951 avec une voisine de la Cité du Souvenir, Geneviève Diximus, quatrième d’une famille de douze enfants. Le couple fut victime de la crise du logement et vécut à l’hôtel puis dans un appartement inconfortable, impasse du Moulin vert. Parents de deux filles (Danielle et Evelyne), leur demande de logement à l’office HLM de la Seine, du Quai des Célestins, aboutit en 1958 avec l’attribution d’un logement à Orly (Seine, Val-de-Marne) dans une cité ouvrière. Geneviève Le Guern travailla à la mairie d’Orly jusqu’en 1988. Albert Le Guern fut un actif responsable de l’association des parents d’élèves FCPE dans cette ville en plein développement. De 1965 à 1971, il exerça un mandat de conseiller municipal communiste, la première magistrature municipale étant occupée par Gaston Viens. À l’issue de cette période, celui-ci lui proposa de devenir maire adjoint permanent. Georges Frischmann dirigeant syndicaliste et communiste des PTT s’y opposa jugeant sa présence à la Fédération des PTT indispensable. Il déclara ne pas avoir regretté ce choix.

Après le transfert à Périgueux, Le Guern, qui était permanent depuis 1970, appartenait au syndicat départemental des Télécommunications de Paris avec Maurice Gastaud etJean Blanchon. En 1972, Albert Le Guern fut détaché statutaire et permanent à la Fédération CGT des PTT. Avec Émile Quéré et Florentin, il dirigea la commission nationale des ouvriers et ouvrières d’État. Il assuma des responsabilités fédérales et confédérales : membre de la commission exécutive fédérale de 1957 (XVIe congrès) à 1988, membre du bureau fédéral de 1962 (XVIIIe congrès) à 1988, secrétaire fédéral de 1972 à 1979, secrétaire général adjoint de 1979 (XXIVe congrès) à 1982, secrétaire général de la fédération de 1982 (XXVIe congrès) à 1988, succédant à Louis Viannet* qui avait rejoint l’équipe d’Henri Krasucki à la confédération. À ce titre, il présida la branche PTT de l’Union Internationale de la Fonction Publique au sein de la FSM. Il siégea à la commission exécutive confédérale de 1982 à 1989.

Représentant de la CGT au Conseil supérieur des PTT, ainsi qu’au Conseil supérieur de la Fonction publique, Albert Le Guern affronta le ministre socialiste Louis Mexandeau*, notamment après le tournant de la politique d’austérité sociale conduite par le gouvernement de Pierre Mauroy à partir de juin 1982. Après le retour de la droite au pouvoir, suite aux élections législatives de 1986, Gérard Longuet devint ministre des PTT  ; en 1987, il élabora « un avant-projet de loi » visant au démantèlement et à la privatisation du service public. La riposte fut puissante  : le 15 octobre 1987, la grève rassembla près de 220 000 participants. Le 20 octobre 1987, le Conseil supérieur des PTT fut réuni. Reconnaissant l’ampleur de la grève, Gérard Longuet déclara vouloir « en tenir compte ». Le projet de loi fut retiré. Maryse Dumas succéda à Albert Le Guern en mai 1988, au congrès du Mans.

Retraité, il resta à Orly où sa femme travaillait comme employée communale. Hostile à l’évolution politique de Gaston Viens, il se présenta sur une liste communiste concurrente en 1989, liste qui obtint 33 % des voix, puis fit de même en 1995. Il fut membre du conseil d’administration de l’Institut d’histoire CGT PTT présidé par Serge Lottier et écrivit des articles dans Le Relais, bulletin de cet institut.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136469, notice LE GUERN Albert, Gabriel, Achille par Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 mars 2011, dernière modification le 24 mai 2013.

Par Claude Pennetier

Albert Le Guern en juin 1988.
Albert Le Guern en juin 1988.
Photo prises lors du 27e congrès de la fédération CGT des PTT, marqué par son passage de relais à Maryse Dumas.
Communiqué par Albert Le Guern.

SOURCES : Arch. Dép. Val-de-Marne, 1 Mi 2426. — Renseignements communiqués par l’Institut d’histoire sociale CGT des PTT. — La Fédération des PTT, n° 297, juin 1988 : Henri Krasucki, "Il est bon de cultiver notre mémoire collective !" ; Maryse Dumas, "Toto, militant ouvrier de la pointe des ongles à la racine des cheveux". — Bulletin des retraités, n° 53, 4e trimestre 1988. — Témoignage d’Albert Le Guern, mars 2011. — État civil.

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