KLINGELSCHMIDT Armand, Joseph

Par Fernand Brem, François Uberfill

Né le 27 février 1930 à Saint-Amarin (Haut-Rhin) ; syndicaliste CFTC, puis CFDT du textile du Haut-Rhin.

Armand Klingelschmidt naquit à Saint-Amarin (Haut-Rhin), fils d’Albin Klingelschmidt, ouvrier du textile à l’usine Breuil-Schaeffer de Saint-Amarin et de Sennheimer Berthe, ouvrière à la filature de Malmerspach. A. Klingelschmidt est issu d’une famille de neuf enfants dont il était l’aîné. En 1954, il épousa Jeanne Welcker avec qui il eut trois enfants. Il fréquenta l’école primaire de Saint-Amarin, puis la Hauptschule et la Mittelschule de Thann.

Mais à la libération de la vallée en février 1945, il quitta son village pour aller travailler à la ferme dans un village voisin à Geishouse, car il fallait aider à la subsistance de la famille. Durant six mois il garda des troupeaux de chèvres et de vaches. En novembre 1945 il fut embauché à la filature de Malmerspach comme bobineur et adhéra à la JOC et à la CGT. Mais la section syndicale CGT ne vécut que deux ans, puis disparut. Les frères Schlumpf (les patrons) étaient particulièrement « allergiques aux syndicats ». Ils n’hésitaient pas à acheter certains délégués par des promotions pour torpiller toute tentative d’action revendicative.

Armand Klingelschmidt vendait également le journal de la JOC à l’intérieur de l’usine. En 1951, à la suite de la fermeture de l’atelier de filature, Armand en profita pour apprendre sur le tas le métier de trieur de laine, considéré à l’époque comme bien payé, malgré un abattement de 10 % du fait de la zone de salaire. En 1960, lorsque l’unité du « continu à filer » fut réorganisée, les ouvrières se révoltèrent spontanément à cause des nouvelles charges de travail et décidèrent de reconstituer une section syndicale CFTC.

L’une d’entre elles, Antoinette Bernaroth, ancienne militante CFTC, l’interpella en entrant un matin dans son atelier et lui demanda de prendre la relève et de constituer une liste de délégués. Ce qu’il fit. Il fut ainsi élu délégué CFTC et devint dès lors responsable de la section. Il le resta jusqu’à la fermeture de l’usine. En avril 1961, à l’occasion d’une journée d’action nationale dans le textile lancée par l’ensemble des syndicats, à son initiative, chaque équipe débraya durant un quart d’heure et il y eut une distribution de tracts. L’action ne déboucha sur rien, mais ce fut la première grève depuis 1936 !

Bientôt ce fut la guerre froide avec la direction. En février 1962, Fritz Schlumpf invoquant la crise du textile, un leitmotiv ressassé depuis Noël 1946, et les coûts de production de la laine peignée trop élevés, annonça froidement en CE le licenciement de 120 ouvriers, en l’absence de délégués syndicaux. Il avait tout simplement oublié de les convoquer au CE et, pour comble, les lettres de licenciement avaient été envoyées la veille. Vive protestation des délégués. « Ce sont de purs enfantillages », répliqua Fritz Schlumpf. L’Union locale de Thann ainsi que l’UD-CFDT du Haut-Rhin furent alertés, les curés des villages de la vallée prévenus par Armand Klingelschmidt lurent en chaire une lettre de l’évêque de Strasbourg qui dénonçait cette provocation et toute la vallée fut en émoi. Suite à la grève de protestation, les licenciements furent ramenés à 47 : départs à la retraite, reclassement dans les usines voisines. Ce fut le cas d’A.Klingelschmidt mais avec une baisse de salaire de 15 %. Dès lors le village de Malmerspach se divisa en deux camps opposés, le curé fut muté, suite à l’action d’une partie des notables et des haines s’accumulèrent de part et d’autre, après la grève.

Arrive mai 1968. Les Schlumpf avaient considérablement accru leur empire en acquérant les filatures de Rhinau (Bas-Rhin) et d’Erstein (1952) et l’usine HKC de Mulhouse (1957). À l’issue de quatre journées de grève, Fritz Schlumpf fut contraint à négocier ; il promit en CE une amélioration en promettant de doubler le budget social, mais revint sur la parole donnée trois mois après. A. Klingelschmidt qui en septembre, avec les autres délégués, lui rappela les anciennes revendications non satisfaites, s’entendit répondre : « Je vous emmerde » (sic) et là-dessus Fritz Schlumpf quitta la réunion.

Les accrochages se poursuivirent jusqu’en 1971, où au mois de mars A. Klingelschmidt rencontra Hans Schlumpf (le frère) avec les autres délégués : nouvelles promesses, nouvelle volte-face. Les ouvriers votèrent alors la grève illimitée et qui dura 14 jours. « C’était assez impressionnant de voir d’un côté ces mains qui se lèvent en faveur de la grève, de l’autre côté, Fritz Schlumpf à la fenêtre, le regard acéré et la dent dure, assistant au spectacle de l’organisation de la grève. Il y avait un ras-le-bol. Il avait mené la barque au désastre ». Mais les Schlumpf furent contraints à négocier et durent céder. Mais ils continuèrent à développer leur empire en achetant la filature Gluck de Mulhouse.

Par la suite A. Klingelschmidt fut de toutes les actions : organisation de la manifestation devant le musée de l’automobile, puis campement durant trois nuits devant la villa des Schlumpf qui résidaient encore à cette époque à Malmerspach, opération portes ouvertes à l’usine de Malmerspach le dimanche 17 octobre 1977, jour où toute la vallée fut bloquée, puis début de l’occupation du musée à partir de mars 1977, après la fin de leur gestion de Malmerspach.

Une longue bataille judiciaire débuta début 1983 devant les tribunaux de Colmar. A. Klingelschmidt représentait le CE de Malmerspach. Toujours en 1983, en compagnie de Daniel Kelai, permanent HACUITEX, il était devant les tribunaux parisiens pour justifier l’occupation du musée. Les frères Schlumpf furent condamnés à deux et quatre ans de prison et chacun à une amende de 40 000 francs. En avril 1977, à la suite de la liquidation judiciaire de l’ensemble des usines, Armand recommença à travailler à l’usine SA Wittenheim où il retrouva quatre anciennes ouvrières de Malmerspach. En 1982, il reprit la fonction de délégué syndical jusqu’à ce que l’entreprise dépose le bilan en 1986, date à laquelle il partit en préretraite. Il s’occupa alors des retraités CFDT. La passion syndicale ne l’a jamais quitté.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136473, notice KLINGELSCHMIDT Armand, Joseph par Fernand Brem, François Uberfill , version mise en ligne le 29 mars 2011, dernière modification le 29 mars 2011.

Par Fernand Brem, François Uberfill

SOURCES : Entretien personnel et archives personnelles.

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