LE HÉNAFF Jean-Marie

Par Christian Bougeard, Alain Prigent

Né le 8 juin 1893 à Bulat-Pestivien (Côtes-du-Nord, Côtes d’Armor) ; employé du gaz puis cafetier ; secrétaire régional du PC dans les Côtes-du-Nord (1939) ; membre du bureau de la fédération du PCF des Côtes-du-Nord (1946-1949) ; conseiller général de Guingamp (1945-1949) ; interné.

Jean-Marie Le Hénaff est le fils naturel d’Anne-Marie Le Hénaff, journalière née en 1860 à Bulat-Pestivien qui le reconnut en 1914.

Originaire de l’ouest des Côtes-du-Nord, comme beaucoup de Bretons Jean-Marie Le Hénaff avait dû partir chercher du travail à Paris. Ancien combattant de la guerre 1914-1918, pensionné de guerre à 100 %, il se retira à Guingamp (Côtes-du-Nord, Côtes d’Armor) où il tient un débit de boissons rue de la Pompe. Il s’installa ensuite à Pen-en-Croissant en Grâces (Côtes-du-Nord, Côtes d’Armor).

Adhérent du PC en 1923, créateur de la cellule de Guingamp en 1926 et actif militant, Jean-Marie Le Hénaff participa aux luttes sociales paysannes au début des années 1930, notamment avec des socialistes du Trégor (La Charrue Rouge, le journal d’Augustin Hamon). Dans les années 1932-1935, il participa à des actions contre les ventes-saisies de fermes organisées par la CGPT avec le communiste Francis Marzin* et le socialiste Philippe Le Maux*. À la suite d’une intervention en 1934, Jean-Marie Le Hénaff et Francis Marzin furent arrêtés, ce qui déclencha une campagne de mobilisation du Secours Rouge International, organe où se fit aussi le rapprochement militant entre les communistes et les socialistes des Côtes-du-Nord. Il intégra en 1932 la direction communiste de la région des Côtes-du-Nord et dirigea en 1934 la feuille du rayon de Guingamp Le Semeur du Trégor (condamné pour diffamation) qui fut immédiatement favorable à l’unité d’action avec la SFIO. Il organisa immédiatement (fin août) des meetings communs à Guingamp et à Lannion avec Marcel Cachin* et Augustin Hamon*. En juillet 1936, il organisa également, mais sans succès, une réunion de la Confédération générale du petit commerce à Guingamp. Cette génération militante, revenue au pays après avoir dû travailler hors de Bretagne, jeta les bases de l’essor du PCF dans les Côtes-du-Nord.

Au moment du Front populaire, Jean-Marie Le Hénaff fut un des principaux responsables de la CGPT qui défendit sur les tribunes une politique sociale avancée et dénonça la « trahison » d’Édouard Daladier en 1938, tout en participant à l’accueil des réfugiés espagnols de 1937 à 1939. Le 10 octobre 1937, lors des élections cantonales, Jean-Marie Le Hénaff obtint 206 voix sur 3 717 inscrits soit 5,5 % des suffrages exprimés. Le conseiller général sortant Oswald De Kerouartz fut réélu dès le premier tour avec 1892 voix soit 50,9 %. Le radical-socialiste Toupin obtint 1398 voix soit 37,6 % et le radical de gauche Kérautret 221 voix soit 5,9 %.

En septembre 1939, lorsque le PCF fut désorganisé par la mobilisation et la mort de son secrétaire politique Yves–Marie Flouriot*, Jean-Marie Le Hénaff devint de fait le principal dirigeant politique départemental. Après la dissolution du Parti, son domicile fut perquisitionné le 2 novembre 1939 et on y trouva des tracts, preuve d’une activité minimale et sans doute de la nouvelle ligne du Parti. À l’automne 1940, avec Pierre Le Queinec* de Saint-Brieuc, il contribua à réorganiser le PCF clandestin dans les Côtes-du-Nord. Une activité de propagande communiste se développa sensiblement dans les régions de Guingamp et de Callac. En tant que responsable connu, Jean-Marie Le Hénaff fut perquisitionné une seconde fois par la police française le 11 avril 1941. Puis une série d’arrestations frappa les militants de la région de Callac à la suite de distributions de tracts et de l’Humanité clandestine. Jean-Marie Le Hénaff fut arrêté le 23 septembre 1941 « sur ordre des Allemands » précisait le sous-préfet de Guingamp. Interné au camp de Châteaubriant, puis à Voves, souffrant d’une tuberculose pulmonaire, il fut hospitalisé en février 1942 et libéré en juin. En 1944, il était en traitement au Sanatorium de Plémet (Côtes-du-Nord).

À La Libération, Yves-Marie Le Hénaff redevint un dirigeant d’un PCF en plein essor. Membre du comité en 1945, il intégra le bureau de la fédération en 1946, cédant rapidement sa place au métallurgiste Louis Rémond* de l’entreprise Tanvez pour se consacrer à son mandat de conseiller général. Il fut membre de la commission de contrôle financier de la fédération de novembre 1950 à 1954. Le Parti le présenta à Guingamp lors des élections cantonales de septembre 1945. Au 1er tour, avec 28,6 %, il ne devança que de 14 voix le candidat de la SFIO, Yves Augel*, ancien conseiller d’arrondissement, et ancien militant paysan des luttes contre les ventes-saisies des années 1930. Pour le MRP, le pharmacien André Le Cun avait obtenu 40 %. Le préfet Avril* estimait que la SFIO avait commis l’erreur de ne pas présenter Milon, le maire de Guingamp. Jean-Marie Le Hénaff fut élu conseiller général de Guingamp au 2e tour avec 51,9 % des voix. C’était le couronnement d’une vie militante au service du Parti et il fut l’un des douze conseillers généraux communistes des Côtes-du-Nord sur 48. Le préfet estimait que ce retraité avait été « un modeste travailleur » mais aussi « un homme de relations faciles » et « un adepte fervent et désintéressé de son parti ». En octobre 1951, Jean-Marie Le Hénaff, se sentant affaibli physiquement il ne brigua pas un second mandat, et ce fut son camarade François Leizour* qui lui succéda au conseil général.

Invité avec cinq autres vétérans des Côtes-du-Nord lors de la 12e conférence de la fédération réunie à Saint-Brieuc le 13 juin 1959, il fut honoré par la direction départementale qui rappela les principaux épisodes de sa vie militante.

L’écrivain briochin Louis Guilloux qui milita au Secours Rouge dans les années 1930 s’est inspiré de ce militant guingampais pour le personnage de Flohic dans Le Jeu de patience, roman publié en 1949.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136561, notice LE HÉNAFF Jean-Marie par Christian Bougeard, Alain Prigent, version mise en ligne le 4 avril 2011, dernière modification le 25 juillet 2011.

Par Christian Bougeard, Alain Prigent

SOURCES : Arch. Dép. Côtes d’Armor 1M362, 2W131, 12W33, 20 W 86 et 20 W 87 (Élections cantonales de 1945 et 1951). — L’Aube nouvelle, 1944-1950. — Composition des comités fédéraux de la fédération des Côtes-du-Nord et fichier des élus de la Fédération des Côtes-du-Nord du PCF établis par Gilles Rivière. — L’Aube Nouvelle, hebdomadaire de la fédération des Côtes-du-Nord du PCF (1945-1951). — Ouest-Matin, quotidien édité par les fédérations du PCF de l’ouest (1948-1956). — Une semaine dans les Côtes-du-Nord, supplément de l’Humanité Dimanche, N° 562,21 juin 1959. — Christian Bougeard, Le choc de la deuxième guerre mondiale dans les Côtes-du-Nord, thèse de doctorat d’Etat, Rennes II, 1986. — François Guégan, Le Parti communiste, la SFIO et le mouvement paysan et ouvrier de 1930 à 1939 dans les Côtes-du-Nord, Mémoire de Maîtrise, Paris I, 1974. — Jean Le Jeune, Itinéraire d’un ouvrier breton, chez l’auteur, 2002. — Alain Prigent, Histoire des communistes des Côtes-du-Nord (1920-1945), Saint-Brieuc, 2000. — François Prigent, Un socialisme d’extrême gauche dans le Trégor, La Charrue Rouge d’Augustin Hamon et Philippe Le Maux (1930-1937), mémoire de maîtrise, sous la direction de Claude Geslin, 2000, Rennes II. —Le Maitron, notice de Yann Le Floch in Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (DBMOF), période 1919-1939. — État civil de Bulat-Pestivien : pas de mention de décès.

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