LAPASSAT Robert

Par André Balent

Né le 23 février 1920 à Perpignan (Pyrénées-Orientales), mort le 28 novembre 1998 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; professeur de Lettres classiques à Perpignan de 1942 à 1946 puis à Prades (Pyrénées-Orientales) de 1946 à 1961 ; principal du collège de Prades (1961-1980) ; militant de l’Union progressiste ; militant du SNES puis du SNPDES à Prades ; animateur de la vie culturelle des Pyrénées-Orientales ; fondateur et directeur de la revue Conflent (1961-1998).

Robert Lapassat  <em>Conflent</em>, hors-série, 1999, reproduction A. Balent
Robert Lapassat Conflent, hors-série, 1999, reproduction A. Balent

Le père de Robert Lapassat, Vital Lapassat* (Hostun (Drôme) 7 octobre 1882 – Perpignan, 30 mars 1968) fut professeur au collège de garçons de Perpignan de 1919 à 1943 ; il était connu comme militant d’associations laïques de la ville. Sa mère, Marie-Jeanne Leclercq, native d’Avesnes (Nord), était âgée de trente-deux ans en 1920. Robert fut élève du collège où son père exerçait. De 1938 à 1940, il étudia les Lettres classiques à la faculté de Lettres de Toulouse (Haute-Garonne).

Robert Lapassat fut mobilisé de juin 1940 à janvier 1941. Sergent, il avait eu l’intention de suivre la formation d’élève officier de cavalerie, mais en fut empêché par les circonstances. Étant tombé malade alors qu’il était sous les drapeaux, il fut soigné à l’hôpital militaire de Perpignan. Il y rencontra une infirmière militaire, Hélène, Célestine Millière, née à Commercy (Meuse) le 15 octobre 1915, qu’il épousa à Perpignan le 28 septembre 1942. Cinq enfants naquirent de cette union, trois filles (Jacqueline, née en 1943 ; Simone, née en 1950) ; et deux garçons (Gérard, professeur, né en 1944 et décédé depuis ; Guy, polytechnicien, né en 1946). L’un de ses petits neveux, Pierre-Étienne Lapassat, animateur du mouvement syndical étudiant à Grenoble (Isère) pendant la guerre d’Algérie, adhéra au PS. En 1983, il fut élu maire de Romans-sur-Isère (Isère) à la tête d’une liste d’union de la gauche (Il succédait à Georges Fillioud*, membre du secrétariat de la CIR, dirigeant national du PS). Réélu en 1989, il mourut d’une crise cardiaque en 1990 et fut remplacé par son adjoint Henri Bertholet (ex PCF, ayant adhéré au PS en 1988), qui occupe toujours les mêmes fonctions en 2011.

À la rentrée de 1942, il fut nommé professeur adjoint de Lettres classiques au collège de garçons de Perpignan puis, en janvier 1946, professeur de Lettres classiques au collège de garçons de Prades. En 1967, il devint principal du collège mixte de Prades qui reçut le nom d’un sculpteur roussillonnais Gustave Violet (1873-1952). Il le demeura jusqu’à sa retraite.

Robert Lapassat fit construire sa maison dans le lotissement des « Castors » dont la réalisation débuta en 1957. Cette cité ouvrière d’ « autoconstruction » se rattachait à un mouvement qui prit son essor dans les années 1950. Elle fut, à Prades, une entreprise exemplaire qui laissa des traces profondes dans la mémoire populaire.

Homme de gauche, comme son père, Robert Lapassat adhéra au SNES (FEN), le principal syndicat de l’Enseignement secondaire. Principal de collège, il fut adhérent du SNPDES (FEN), syndicat des chefs d’établissement secondaire, dont il fut pendant quelque temps (années 1970 et début des années 1980) l’un des responsables dans le département.

Au plan politique, il fut aussi un homme de gauche engagé. Il fut, avec Cyprien Lloansi* et Jean Font* à l’origine de la fondation de l’Union progressiste des Pyrénées-Orientales. L’UP, proche du PCF, reprochait au Parti socialiste SFIO ses choix politiques pendant la guerre froide. Elle eut son principal noyau d’adhérents à Prades où Lapassat, avec Jean Font, participa à la création, en 1954, de Clartés, sa publication départementale irrégulière. Le groupe de l’UP fournit des adhérents au PSA puis au PSU et disparut vers 1965 lorsque la plupart de ses membres adhérèrent à la CIR. Mais ce ne fut pas le cas de Robert Lapassat qui se tint désormais en dehors d’une organisation politique. Directeur de la revue bimestrielle Conflent, il démontra un intérêt particulier pour l’histoire du socialisme, publiant dans sa revue les mémoires commentées et annotées par ses soins d’un Pradéen, démocrate socialiste de la Seconde République, Édouard Bonnet (« Les mémoires du citoyen Bonnet », Conflent, 10, 1962, pp. 168-174 ; 11, 1962, pp. 213-218 ; 12, 1962, pp. 267- 270 ; 14, 1963, pp. 83-86 ; 15, 1963, pp. 122- 125). Il publia aussi les textes, en partie autobiographiques – sous le pseudonyme de Joan D.-I. – d’un Conflentais d’origine, Dominique Parsuire*, militant socialiste, franc-maçon, catalaniste, dirigeant départemental des MUR et de l’AS (Conflent, nombreuses contributions entre les numéros 56 et 110). Enfin, toujours dans le même registre, il publia en 1982, un numéro hors série de la revue, L’Histoire du Parti socialiste dans les Pyrénées-Orientales de sa fondation (1895) au congrès de Tours (1920), d’André Balent et Michel Cadé. Il accueillit volontiers d’autres articles d’historiens lui ayant proposé des articles consacrés à l’histoire sociale (comme ceux de Gérard Bonet et, encore, André Balent et Michel Cadé) ou industrielle (d’Edwige Praca, en particulier).

Robert Lapassat s’imposa progressivement comme un animateur discret, mais incontournable de la vie culturelle pradéenne, conflentaise puis départementale. En 1945, il adhéra au « Comité national des intellectuels » de Perpignan et participa, dès sa nomination à Prades, à la création du ciné-club de la ville et des « Rencontres cinématographiques de Prades », festival de cinéma toujours d’actualité en 2011. Prades, ville aux activités multiples, profita de la présence du grand violoncelliste Pau Casals qui s’installa dans la ville après la Retirada de 1939 : la création d’une manifestation promise à une brillante destinée, le festival « Pau [Pablo] Casals » : Robert Lapassat en fut quelque temps le vice-président. Il anima à Prades plusieurs associations culturelles : le « Groupe culturel » avec le docteur Goujon ; le Groupe de recherches historiques et archéologiques du Conflent créé en 1964 et qu’il présida jusqu’à sa mort. Il présida aussi l’Association « Anny de Pous » qui, dès 1991, se donna pour objectif de perpétuer la mémoire d’une archéologue dont la revue Conflent abrita un bon nombre de numéros thématiques et monographiques ou d’articles. Il organisa, avec le peintre pradéen François Branger et l’archéologue et enseignant Yves Blaise, la salle archéologique de la ville de Prades à laquelle il remit ses collections.

Mais ce fut surtout en tant qu’animateur de la revue culturelle bimestrielle Conflent (avec les sous-titres : Hautes vallées. Arts, Lettres, sciences, tourisme) destinée initialement à couvrir modestement la petite région dont elle portait le nom, mais qui, au fil des ans, s’intéressa à l’ensemble du département des Pyrénées-Orientales. Le contenu, éclectique, couvrant les domaines très divers allant des arts et de la littérature à l’histoire, la géographie (en particulier les numéros monographiques, qui font référence, de Jean Bécat sur les Albères et la vallée d’Évol), à l’archéologie, à la toponymie et aux sciences de la vie et de la terre (des études de référence comme, par exemple, celles de Jean-Jacques Amigo ou d’Henri Salvayre). Elle abrita aussi, après la disparition d’une autre revue roussillonnaise, Tramontane (1917-1971), les productions littéraires, catalanes ou françaises, des Jeux floraux du Genêt d’Or. Ouverte à des collaborations de tous horizons, elle permit, de 1961 à 1998, la publication de 216 numéros « ordinaires », sans compter les nombreux numéros hors série. Elle tira profit centres d’intérêt multiples de son directeur. De nombreuses études de référence, dues à des auteurs très variés. purent être publiées grâce à l’inlassable activité éditoriale de Robert Lapassat. Dans la dernière décennie de l’existence de Conflent, la couverture de chaque numéro fut, de plus en plus fréquemment, une reproduction d’un tableau de peintre avec une thématique locale. La revue Conflent ne survécut pas à la mort de son fondateur et directeur.

Le temps consacré à la direction et à la publication de Conflent n’empêcha nullement Robert Lapassat de poursuivre des recherches concernant l’histoire de la métallurgie dans les Pyrénées-Orientales et l’Ariège. Sans doute, le passé minier et sidérurgique ancien du Conflent suscita–t-il son intérêt pour le thème. Le bilan synthétique de ses recherches sur le terrain et dans les archives fut publié dans deux numéros thématiques de Conflent : L’industrie du fer dans les Pyrénées orientales et ariégeoises au XIXe siècle, tome I, « Les forges catalanes », n° 120 de Conflent, 120, 96 p. ; tome II, « Martinets et boutiques de cloutiers », Conflent, 129, 1984, 80 p. Cette étude fait toujours autorité (2011).

Robert Lapassat fut enterré religieusement en l’église Saint-Pierre de Prades, le 30 novembre 1998. Un hommage public lui fut rendu en l’hôtel de ville de Prades les 27 et 28 février 1999.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136655, notice LAPASSAT Robert par André Balent, version mise en ligne le 11 avril 2011, dernière modification le 29 juin 2016.

Par André Balent

Robert Lapassat <em>Conflent</em>, hors-série, 1999, reproduction A. Balent
Robert Lapassat Conflent, hors-série, 1999, reproduction A. Balent

OEUVRE : en particulier : soixante-douze articles (études historiques, actualités culturelles, compte rendus d’ouvrages, etc... dans la revue Conflent entre 1961 et 1998) dont certains sont cités dans la notice.

SOURCES : Arch. com. Perpignan, état civil. — « Hommage à Robert Lapassat, l’oeuvre d’une vie », Conflent, Prades, n° hors série, (dir. Roger Justafré-Parent, Jeanne Camps, Jacqueline Leroux-Lapassat), Prades, 1999, 66 p. — L’Indépendant, Perpignan, 29 novembre 1998, 30 novembre 1998, 4 mars 1999. — Collection de la revue Conflent. — Exposition sur les « Castors » de Prades, réalisée par Jeanne Camps, Prades, 2008, puis Cabestany, automne 2009. — Conversations entre Robert Lapassat et l’auteur de la notice. — Conversation téléphonique avec Mme Jacqueline Leroux-Lapassat, fille de Robert Lapassat, 7 avril 2011.

ICONOGRAPHIE : photos de Robert Lapassat élève et de son père Vital Lapassat in : Jean-Marie Rosenstein, Du vieux bahut au nouveau lycée. Histoire du lycée Arago, Perpinyà (1808-2008), Prades, Terra Nostra, 2008, 304 p.

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