LAVOQUER Yves, René, Léon, Jean. Pseudonyme dans la Résistance Hervé.

Par Christian Bougeard

Né le 3 octobre 1911 à Rennes (Ille-et-Vilaine), mort le 5 mai 1981 à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord,Côtes -d’Armor) ; professeur puis journaliste ; secrétaire fédéral de la SFIO en 1943-1944 ; membre du Comité départemental de Libération (CDL) des Côtes-du-Nord.

Fils d’un directeur d’assurances, Yves Lavoquer, dans la deuxième moitié des années 1930, commença sa carrière de professeur au lycée de Laval (Mayenne). Lors du Front populaire, militant socialiste et laïque, il anima un journal de gauche. A la fin de l’année scolaire de 1942, selon son témoignage, son poste fut supprimé à Laval à la suite de pressions « de milieux bien pensants ». Il fut alors muté d’office au lycée Le Braz de Saint-Brieuc. Un an plus tard, le 27 juin 1943, un groupe du mouvement de résistance Libération Nord fut créé à Saint-Brieuc. Quatre hommes Bescond, Kérien, Guennebaud, Heurtier avaient été chargés par un envoyé parisien du mouvement d’organiser un comité départemental. Lavoquer qui cherchait le contact avec le parti socialiste clandestin entra en relation avec ce groupe par une filière rennaise. A la fin juillet 1943, cinquième dirigeant de Libé-Nord, il en devint le responsable militaire à la fin de l’été 1943. Il fut chargé de recruter des cadres pour constituer des groupes militaires en vue du jour J. A la fin de 1943, Yves Lavoquer-Hervé assuma aussi les fonctions de secrétaire fédéral clandestin du Parti socialiste en relations avec Tanguy-Prigent. Mais on ne trouve guère de traces d’une propagande socialiste autonome avant la libération des Côtes-du-Nord. Par ailleurs, de nombreux militants avaient déjà rejoint le Front national, dirigé par l’ancien socialiste Jean Devienne. Lavoquer fut bientôt chargé d’organiser l’Armée secrète dans les Côtes-du-Nord ; il orienta son recrutement vers les milieux modérés et de droite, notamment parce qu’il lui fallait trouver des officiers de réserve pour encadrer les futurs FFI. Il recruta notamment l’ancien député radical-socialiste Henri Avril*, futur président du CDL et futur préfet des Côtes-du-Nord (1945-1949) qui lui promit d’adhérer au Parti socialiste SFIO après la Libération, ce qu’il fit.
Libération-Nord diffusa son journal national et développa une résistance au sein de l’administration (faux-papiers). Lavoquer qui donnait des cours de secourisme dans le cadre de la défense passive put ainsi recruter des adhérents à Libé-Nord ainsi que des jeunes gens impatients de se battre. Mais en novembre 1943, il refusa d’organiser des jeunes lycéens qui voulaient entrer en résistance. Trois jeunes gens attaquèrent à Plérin, près de Saint-Brieuc, un Allemand pour lui dérober son arme ; ce dernier fut tué en se débattant. Une série de rafles conduisit à l’arrestation et à l’exécution au Mont-Valérien de trois lycéens briochins le 21 février 1944. Se sentant « brûlé » à Saint-Brieuc, Hervé se mit au vert en région parisienne puis en Loire-Inférieure, peu avant que la direction départementale de Libé-Nord ne soit décapitée par des arrestations (février 1944). En Loire-Inférieure, il contribua à la réorganisation des forces militaires et aux FFI.

Auparavant, en septembre ou octobre 1943, Yves Lavoquer avait participé pour Libé-Nord à des réunions avec des responsables d’autres mouvements, notamment l’abbé Chéruel, proche de « Défense de la France ». Le 22 novembre 1943, il était à Rennes à une réunion de responsables de la résistance (AS-Libé-Nord) pour mettre en place un comité régional de la libération. Mais finalement, en décembre, on s’achemina vers des comités départementaux de libération. Yves Lavoquer aurait dû représenter la SFIO dans celui des Côtes-du-Nord qui tint sa première réunion à Saint-Brieuc à la mi-décembre 1943. Mais, à cette date il avait quitté Saint-Brieuc pour des raisons de sécurité et il ne siégea jamais dans le CDL clandestin présidé par Henri Avril (une autre source, un rapport non signé et non daté mais rédigé après la Libération situe ces événements en janvier 1944). Lavoquer rentra à Saint-Brieuc vers la mi-août 1944 et il assuma une lourde tâche au sein du CDL. Président de la sous-commission des arrestations, il dut superviser l’épuration. Pendant plusieurs mois, sa fonction consista à étudier les dossiers des personnes internées et, en liaison avec les autorités policières et judiciaires, à proposer des poursuites. Des centaines de personnes internées dans la fièvre de la Libération furent ainsi libérées. En décembre 1944, il était présent au congrès parisien des CDL.

Parallèlement, Lavoquer contribua à réorganiser la fédération socialiste SFIO des Côtes-du-Nord, écrivant des éditoriaux dans les premiers numéros du Combat social (octobre-novembre 1944). Le Combat social, « organe de la fédération socialiste des Côtes-du-Nord », reparut en novembre 1944. Son directeur était Stanis Le Moël, un instituteur révoqué par Vichy, qui avait remplacé Lavoquer comme représentant de la SFIO au CDL clandestin. Lavoquer, éditorialiste des premiers numéros du journal, dans le premier numéro, signa un texte sur « L’avenir du parti socialiste » et un autre dans le troisième intitulé « Ordre... Discipline et Révolution ». Au congrès fédéral du 8 octobre 1944 à Saint-Brieuc qui reconstitua la fédération socialiste SFIO, il fut élu secrétaire fédéral adjoint, responsable de la région briochine et de la propagande. En novembre 1944, avec Antoine Mazier et Le Moël, il fut l’un des quatre délégués au congrès national du parti.

Au début juillet 1945, Yves Lavoquer quitta Saint-Brieuc pour Rennes pour devenir le directeur du quotidien régional La République sociale. Pour conforter leur influence politique, en accord avec les radicaux-socialistes, les socialistes lancèrent ce quotidien régional pour contrebalancer Ouest-France lié au MRP. Il obtint du papier pour un tirage à 100 000 exemplaires mais ne tira qu’à 40 000, ne diffusa qu’à 25 ou 30 000. Accumulant les pertes financières, le titre disparut en novembre 1947. À l’été 1945, hostile à la fusion organique de la SFIO avec le PCF, il s’opposa à un rapprochement avec le PCF qui voulait lui aussi se doter d’un organe régional. Il était entré en conflit avec le rédacteur en chef du journal Raymond Pouchat, favorable au rapprochement, qui avait été licencié. Cet échec de la République sociale expliquait son départ pour Troyes dans l’Aube où il poursuivit une carrière de journaliste dans un journal issu de la Résistance.

Yves Lavoquer milita dans l’Aube où il appartint au bureau fédéral de la SFIO. Candidat aux élections législatives de 1962 dans la première circonscription de l’Aube ((Troyes-Bar-sur-Aube), il obtint 4 161 voix sur 43 928 inscrits (troisième position) et se retira purement et simplement, la presque totalité de ses électeurs se reportant sur le seul candidat de gauche, l’institutrice communiste Madeleine Dubois. À la fin des années 1960, il vint finir sa carrière comme professeur de lettres aux lycées Le Braz puis Rabelais de Saint-Brieuc. Il écrivit une petite histoire de Saint-Brieuc publiée par le syndicat d’initiative.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136659, notice LAVOQUER Yves, René, Léon, Jean. Pseudonyme dans la Résistance Hervé. par Christian Bougeard, version mise en ligne le 8 avril 2011, dernière modification le 14 janvier 2022.

Par Christian Bougeard

SOURCES : Arch. Dép. Côtes- d’Armor, 1 W 6. Rapports du préfet (1944-1945). --- Le Combat social, 1944-1946. — Témoignage de Yves Lavoquer recueilli le 28 novembre 1979. — Christian Bougeard, Le choc de la guerre dans un département breton : les Côtes-du-Nord des années 1920 aux années 1950, thèse d’Etat, Rennes 2, 1986. — Yves Guillauma, « Un projet de quotidien communiste en Bretagne à la Libération », Mémoires de la société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. LXXXI, 2003, p. 403. — Robert Verdier, Mémoires, Paris, L’Harmattan, 2009. — Notes de Jacques Girault et de Gilles Morin.

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