MARTIN Claude (pseudonyme de résistance. Nom de naissance : Claude Louis René ROLLIN puis ROLLIN-ROTH LE GENTIL après adoption)

Par Nathalie Lempereur

Né le 21 septembre 1912 à Paris, mort le 7 juin 1964 à Paris ; acteur, metteur en scène, scénariste ; résistant ; militant communiste.

Claude Martin était le fils d’Ernest Rollin, chimiste, et de Suzanne Lucie Salard, sans profession. Au décès de son père, il fut adopté en 1929 par Joseph Edmond Xavier Théodore Roth Le Gentil comme le renseigne les archives de l’état civil.

Après s’être engagé dans la marine, où il fut lieutenant au long cours, Claude Martin s’orienta vers le théâtre. Il suivit avant guerre les enseignements de Charles Dullin, joua de nombreux rôles sous sa direction et fut proche des surréalistes. Puis, il fut résistant et devint militant du Parti communiste.

Après la Libération, il alterna entre mises en scène de pièces classiques (Le Cid en 1946) ou de pièces contemporaines (Le dernier des Sioux de R-J Chauffard en 1946, Les voyous de Robert Hossein en 1949) et interpréta un certain nombre de rôles au théâtre (il s’illustra notamment dans Montserrat, personnage éponyme de la pièce d’Emmanuel Robles en 1948).

Par ailleurs, il créa avec Jean-Louis Barrault, Roger Blin, André Clavé, Marie-Hélène Dasté et Jean Vilar (tous anciens élèves de Dullin) l’Education Par le Jeu Dramatique (E.P.J.D.) en mai 1946.

Il était donc un artiste déjà reconnu quand il fonda, à la fin des années 1940, la troupe toujours légendaire des « Pavés de Paris » qui sillonna la France avec un spectacle militant, Drame à Toulon. Les jeunes comédiens réunis autour de lui créèrent des petites pièces d’actualité ou traitant de thèmes politiques, qui étaient jouées à l’occasion de différents rassemblements, à la Mutualité ou lors de congrès de l’Union de la jeunesse républicaine de France, comme pour la pièce Les Pavés de Paris, jouée en janvier 1951, qui faisait revivre les luttes des ouvriers parisiens.

C’est après avoir lu le compte-rendu du premier procès d’Henri Martin que Claude Martin (sans lien de parenté avec le précédent) et Henri Delmas, membre de la troupe, décidèrent d’écrire une pièce sur ce jeune marin emprisonné. La pièce Drame à Toulon avait pour sujet la condamnation d’Henri Martin à cinq ans de réclusion pour diffusion de tracts contre la guerre d’Indochine et incitation à la démobilisation. Elle faisait le procès de cette condamnation et voulait contribuer à la libération du jeune résistant. Les deux auteurs avaient repris un certain nombre de documents (lettres, extraits du procès) et ponctuaient le spectacle de chansons. Elle fut un temps fort de la mobilisation menée pour sa libération et contre la « sale » guerre. Parmi les vingt comédiens ayant joué dans la pièce se distinguaient José Valverde, Raymond Gerbal, Jeanne Le Gall, la seconde femme de Claude Martin, Annick Martin, René-Louis Lafforgue*, Claude et Yvonne Olivier… Antoine Vitez pu jouer en remplacement.

La première fut présentée à Paris avec succès, et se tint le 20 juin 1951 dans la salle cégétiste de la Grange-aux-belles. La pièce fut par la suite jouée à maintes reprises à Paris et dans toute la France, dans des lieux très variés, souvent en plein air. Les représentations prirent une ampleur nouvelle lorsque la pièce fut soutenue dans un second temps par le PC (qui n’était nullement à l’initiative du projet), à l’instar d’André Marty. Le Secours Populaire, qui fut l’un des grands organisateurs de la campagne pour la libération d’Henri Martin, prit en charge les frais des déplacements et la rémunération des comédiens.

La pièce tourna alors malgré les attaques, interdictions préfectorales et quelques heurts parfois violents ; les comédiens inventaient différentes parades, comme jouer la pièce dans une version abrégée en fonction du temps jugé nécessaire à l’arrivée des forces de l’ordre, ou l’annoncer publiquement dans un lieu et la jouer dans un autre. Des organisations locales militantes s’occupaient de l’organisation, des habitants logeaient les comédiens. Ces derniers jouèrent plus de 300 fois entre juin 1951 et septembre 1952 dans des villes ou localités très différentes, parfois des moins peuplées et toujours avec succès. Il fut évalué en moyenne un nombre de 400 spectateurs par représentation et le nombre total approcha les 200 000.

Le public fut non seulement très nombreux mais très réactif. Tous les acteurs de l’époque insistèrent sur les relations très particulières nouées avec le public (dockers, ouvriers, mineurs…). Les spectacles étaient par ailleurs suivis d’échanges avec le public et de débats. Des exemplaires de la pièce étaient vendus, comme des brochures du Comité de défense d’Henri Martin. Enfin, des collectes étaient faites pour le Comité. Une version de la pièce adaptée pour permettre à des comédiens amateurs de la jouer sans moyens joua par ailleurs un rôle d’amplificateur et permit de populariser encore davantage l’ « affaire » au sein de la population.

Drame à Toulon a laissé une forte empreinte parmi les tentatives de théâtre militant et ouvert à un public largement ouvrier. Sartre qualifia cette tournée des « Pavés de Paris » de « seul exemple de théâtre populaire qu’[il] connaisse » dans le numéro 29 de la revue Théâtre Populaire. Brecht s’y intéressa également, si l’on en croit Claude Martin dans sa « Réflexion sur une tournée » parue dans la Nouvelle Critique.

Claude Martin poursuivit sa vie d’artiste exigeant et de militant sans repos jusqu’à sa mort. Il participa à la manifestation Ridgway (28 mai 1952), au cours de laquelle il avait été arrêté. Il fit les frais de ces engagements et vit sa carrière freinée.

Il participa à des mises en scène de masse au Vel’ d’Hiv, notamment aux côtés de Roger Vailland en 1954 pour Bataille pour l’Humanité, à l’occasion du cinquantenaire du journal L’Humanité.
Par la suite, il continua ses activités de metteur en scène et acteur tout en consacrant une grande partie de son temps à des activités de scénariste pour le cinéma et le théâtre. Il travailla plusieurs années comme assistant de Roger Vadim (par exemple pour son film Et mourir de plaisir, 1960).
Il mit en scène la première pièce de Marguerite Duras Le Square (1956) ou encore réalisa peu de temps avant son mort la mise en scène du Printemps 71 (1963) d’Adamov, qu’il avait rencontré quelques années auparavant et avec qui il avait noué des rapports amicaux. Le spectacle sur la Commune de Paris devait être repris par le Berliner Ensemble. Adamov lui rendit hommage dans Libération et Les Lettres Françaises à sa mort.

La double recherche artistique et militante de Claude Martin et son refus de faire passer sa carrière avant tout expliqua peut-être sa moindre popularité et postérité par rapport à d’autres artistes de son époque.

Il mourut à cinquante-et-un ans d’une crise cardiaque et fut inhumé au cimetière de Saint-Denis.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136721, notice MARTIN Claude (pseudonyme de résistance. Nom de naissance : Claude Louis René ROLLIN puis ROLLIN-ROTH LE GENTIL après adoption) par Nathalie Lempereur, version mise en ligne le 12 mai 2011, dernière modification le 8 février 2016.

Par Nathalie Lempereur

ŒUVRE : Claude Martin et Henri Delmas, Drame à Toulon, 2e édition. Paris, Comité de défense Henri Martin, 1951 (1ère édition introuvable). La seconde version de la pièce était légèrement modifiée, et parue après le second procès d’Henri Martin, qui se tint du 11 au 19 juillet 1951. – Drame à Toulon - Henri Martin (extraits et indications de mise en scène pour les jeunes groupes d’amateurs), Paris, Editions de l’"Avant-garde", sans date.

SOURCES  : 4 SW 12126 (BnF Arts du spectacle) Recueil coupures de presse (articles d’Arthur Adamov : Libération, 9 juin 1964 et Les Lettres Françaises, 11 juin 1964). – Théâtre populaire, n° 29, septembre-octobre 1951. - Claude Martin et Henri Delmas, Drame à Toulon – Henri Martin, Edition critique par Ted Freeman, Exeter (GB), University of Exeter Press, 1998. – Claude Burgelin et Pierre de Gaulmyn (dir.), Lire Duras : écriture, théâtre, cinéma, Lyon, Presses Universitaire de Lyon, 2001. - Claude Martin, « Réflexion sur une tournée », La Nouvelle Critique, n° 29, septembre-octobre 1951. – Sophie Béroud et Tania Régin (dir.), Le Roman social : littérature, histoire et mouvement ouvrier, Paris, éditions de l’Atelier, 2002. - Alain Ruscio, Les Communistes français et la guerre d’Indochine, Paris, L’Harmattan, 1985 (repris dans Acteurs, 3e trimestre 1988). - Patricia Devaux, « Le théâtre, scène politique de la libération à la Guerre Froide », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, n° 8, 2e semestre 1998.

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