Par Michel Carvou
Né le 10 août 1937 à Rueil-Malmaison (Seine-et-Oise, Hauts-de-Seine) ; ouvrier tôlier, dessinateur en carrosserie ; responsable fédéral de la JOC (1956-1957) ; délégué CFDT du personnel (1973-1994) ; secrétaire de l’union locale CFDT de Rueil-Malmaison (1972-1985) ; militant politique PSU-GOP-PLC (1965-1976).
Le père de Gérard Lechantre, Henri Lechantre, était maréchal-ferrant dans l’Aisne, puis ouvrier en mécanique générale à l’entreprise Bernard-Moteurs de Rueil-Malmaison (Seine-et-Oise, Hauts-de-Seine). Sa mère, Marie-Louise, née Barbare, sans profession jusqu’au décès de son mari en 1950, devint femme de ménage. Quatrième d’une famille de cinq enfants (deux filles, trois garçons), Gérard Lechantre fréquenta l’école publique de sa ville natale, de la maternelle au primaire (1940-1951). Il entra au centre d’apprentissage à de Rueil-Malmaison où il obtint le certificat pour adultes (1952), puis à celui de Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine) qui lui décerna le CAP de serrurier-ferronnier d’art (1955).
Élevé dans la religion catholique, bien que de parents non pratiquants – sa mère avait renoué avec la pratique religieuse après le décès de son mari – Gérard Lechantre fut inscrit au patronage paroissial de Saint-Pierre-Saint-Paul où il fut Cœur Vaillant (1943). La découverte de La Vie Ouvrière que son père lisait lui donna conscience de l’importance du syndicalisme. En 1953, il rejoignit la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) où militait déjà son frère Roland et y fut responsable d’équipe, puis fédéral à la Vallée de la Seine (1956-1957). Il s’inscrivit également, cette année-là, à la Maison des jeunes et de la culture que son frère Roland avait contribué à créer et suivit ses activités jusqu’en 1956.
Gérard Lechantre commença sa carrière professionnelle en juillet 1955 comme ouvrier serrurier P1 à la société Martin à Puteaux (Seine, Hauts-de-Seine), entreprise de charpentes métalliques d’une centaine de salariés. En février 1956, il la quitta pour la société de tôlerie emboutissage Mouraz (cinquante salariés) à Nanterre (Seine, Hauts-de-Seine) où il travailla comme serrurier P1 jusqu’au service militaire. Il fut incorporé en septembre 1957 au 93e bataillon d’infanterie du camp de Frileuse à Beynes (Seine-et-Oise, Yvelines) dont il sortit sergent en août 1958. Il fut ensuite envoyé en Algérie, au bataillon français de l’ONU, le bataillon Corée, basé dans le Constantinois.
Les évènements qu’il vécut au cours de cette période furent les prémices de ses engagements politiques ultérieurs. Une première confrontation avec ses supérieurs eut lieu lors de l’organisation du référendum établissant la Ve République, le 28 septembre 1958. Sa compagnie avait été mobilisée pour transporter en camion les électeurs algériens aux bureaux de vote situés à plus de cinquante kilomètres. Pour le retour, la consigne avait été donnée de ne pas embarquer les personnes qui ne présentaient pas un bulletin « non ». Gérard Lechantre s’en offusqua et reprocha à ses supérieurs l’illégalité de la décision. Indigné par les exactions de l’armée française dont il était témoin – atteintes à la dignité, viols, tortures – et après discussion avec les douze membres de la section dont il avait le commandement, il entreprit avec eux un mouvement de sensibilisation et de réaction plus large. Il fut évincé de sa compagnie et menacé du tribunal militaire avec le reproche suivant : « On vous avait confié douze loups, vous en avez fait douze moutons ».
Démobilisé en décembre 1959 après vingt-huit mois de service, Gérard Lechantre reprit son emploi à la société Mouraz. Il entra à la CFTC en tant qu’adhérent isolé, auprès de Claude Le Pennec, permanent régional du secteur « Vallée de la Seine », basé à Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise, Yvelines). Après son mariage avec Monique Sitt, le 21 mai 1960 à Rueil-Malmaison, il avait quitté la JOC pour rejoindre l’Action catholique ouvrière (ACO). En août 1960, il devint tôlier P1 à la Société aéromécanique à Rueil-Malmaison, entreprise de tôlerie de ventilation mécanique employant cent vingt salariés, et, en 1962, participa au redémarrage de l’Union locale CFTC. En 1963, il créa une section CFTC à l’Aéromécanique, fut élu délégué du personnel et délégué au comité d’entreprise dont il fut secrétaire jusqu’en 1966. Il représenta sa section au conseil du syndicat CFTC puis CFDT des travailleurs de la mécanique générale (STMG), animé par René Fromaget, et participa en 1963 au congrès de l’Union régionale parisienne (URP-CFTC) à Argenteuil (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Ce congrès, préparatoire au congrès confédéral de déconfessionnalisation de la CFTC de 1964, fut pour lui, jeune syndicaliste, un moment fondateur.
En juin 1966 il quitta l’Aéromécanique pour la Régie nationale des usines Renault où il fit le reste de sa carrière. Il travailla à Boulogne-Billancourt (Seine, Hauts-de-Seine), comme tôlier P1 (juin 1966-janvier 1968) avant d’être muté au centre technique de Rueil-Malmaison où il fut employé comme tôlier P1 puis P2 jusqu’en 1973 où il saisit l’opportunité d’une évolution de carrière. Il suivit un stage de formation de dix mois et devint dessinateur en carrosserie. Militant de sa section syndicale sans mandat électif lorsqu’il était dans le collège ouvrier, il se présenta aux élections dès qu’il accéda au collège technicien en 1973 et fut élu délégué du personnel tous les ans jusqu’en 1994, membre du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (1980-1990), et eut à plusieurs reprises un mandat de délégué syndical. Il fut mandaté par sa section pour la représenter au conseil du syndicat général des travailleurs de l’automobile (SGTA-CFDT) animé par Fernand Penin*. Au sein de l’Union parisienne des syndicats de la Métallurgie (UPSM-CFDT), il participa à la transformation des syndicats régionaux d’industrie (automobile, construction électrique et électronique, aéronautique, mécanique générale) en syndicats territoriaux. Délégué au congrès constitutif du syndicat CFDT des travailleurs de la métallurgie du 92 centre (STM-92 centre) à Puteaux (Hauts-de-Seine) en 1978, il devint membre de son conseil à sa création et jusqu’en 1985, et représenta son syndicat au conseil de l’UPSM.
En mars 1982, Gérard Lechantre fut sollicité par Michel Carvou*, permanent de l’UPSM chargé du secteur de l’automobile et secrétaire du STM-92 centre, pour apporter son aide et son expérience à la structuration de la section syndicale de l’usine Citroën à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) confrontée à une demande importante d’adhésions parmi les ouvriers spécialisés (OS) immigrés. Il réussit à négocier avec la direction de Renault un détachement de trois mois et demi. Lorsque survint le conflit des OS de l’usine Citroën d’Aulnay-sous-Bois qui se mirent en grève avec occupation des locaux de mai à juin 1982, pour leurs salaires, les conditions de travail et la liberté syndicale, Gérard Lechantre mit son camping-car à la disposition de la section CFDT. Celui-ci servit de local syndical et resta à la porte de l’usine occupée pendant toute la durée du conflit.
Parallèlement, Gérard Lechantre continua son engagement au plan interprofessionnel. Membre de l’union locale CFTC-CFDT de Rueil-Malmaison depuis son redémarrage en 1962, il en fut le secrétaire de 1970 à 1985, siégea au conseil de l’Union départementale des Hauts-de-Seine (1970-1976) et fut délégué au congrès confédéral CFDT de Brest en 1979. De 1979 à 2000, il fut défenseur syndical, mandaté par la CFDT dans les conseils des prud’hommes de l’Ile-de-France et les cours d’appel de Versailles et Paris. En 2000, il quitta la CFDT, jugeant incompatibles les positions de la confédération sur le régime des retraites avec celles du Mouvement national des chômeurs et des précaires (MNCP) où il avait des responsabilités nationales. Il continua la défense syndicale sous mandat SUD PTT jusqu’en 2009. Sur les deux cent trente dossiers qu’il fut amené à plaider, trois seulement furent déboutés et il gagna les trente-deux dossiers qu’il plaida devant les cours d’appel.
Après son service militaire qui l’avait sensibilisé à la question algérienne, Gérard Lechantre s’était aussi engagé dans l’action politique. De 1960 à 1962, il rejoignit un groupe local d’action et de résistance contre l’OAS (GAR) où se retrouvaient, entre autres, des militants du Parti communiste et du Parti socialiste unifié (PSU) pour organiser la surveillance et l’information. En 1963, il commença à militer au PSU auquel il adhéra officiellement en 1965. En 1971, après l’éclatement de ce parti, il s’engagea dans le courant « cinq » qui prit les noms successifs de Gauche ouvrière et populaire (GOP), Gauche ouvrière et paysanne puis Pour le communisme (PLC). Il y milita jusqu’en 1976 au groupe dit « de Chatou » (Yvelines) avec Marc Heurgon, Emmanuel Terray* et Alain Lipietz* et contribua au soutien des luttes et à l’aide à l’organisation, en sections syndicales, des salariés des petites entreprises du secteur Chatou, Montesson, Saint-Gemain-en-Laye, Le Pecq.
Dès 1964, Gérard Lechantre s’était lancé également dans la vie associative. Avec une association locale de la Confédération syndicale des familles (CSF), l’association syndicale des familles (ASF) des « Gibets », une cité HLM de Rueil-Malmaison, il mena, avec Claude Tarrière* et Françoise Villiers*, des actions auprès des jeunes du quartier contre les violences et le racisme. À cet effet, avec un groupe d’avocats animé par Henri Leclerc, il constitua un collectif de défense juridique dont les frais étaient payés par une contribution solidaire des familles, des bénévoles et des habitants du quartier. Il participa à des actions menées par un regroupement syndical et associatif contre les expulsions sauvages et pour le relogement des habitants des bidonvilles de Rueil-Malmaison (1970-1971) et milita à France-Palestine à Renault Rueil (1990 à 1995) puis à Nanterre-Palestine (1997 à 2008).
En 1993, il s’engagea à la Maison de Chômeurs de Nanterre : l’Association de solidarité pour l’emploi, la formation et la créativité « ASSOL Maison des chômeurs », créée en 1986 par Maurice Tourmetz, ancien militant CFDT de la Chimie. Il en fut le président (1995-2002) puis resta administrateur. Il siégea au conseil d’administration du Mouvement national des chômeurs et des précaires (MNCP), dont l’ASSOL Maison des chômeurs était membre (1997-1998 puis 2005-2008). Il milita au collectif des sans-papiers de Colombes (1996-2000) et fut administrateur du collectif nanterrien enfants/parents/professionnels (CNEPP), les Arlequins (2000-2006). L’association avait pour objectif les échanges interculturels et intergénérationnels et le renforcement des liens de solidarité dans un quartier d’habitat social de Nanterre, et animait une crèche associative adossée à une structure d’accompagnement et de soutien social et d’orientation professionnelle destinée aux familles. À partir de 2006, Gérard Lechantre apporta une contribution bénévole à l’association « les Aygues » pour l’entretien et la mise aux normes de la maison familiale de Ruynes-en-Margeride dans le Cantal, maison de soixante lits offrant des séjours de vacances et de loisirs culturels à des personnes et des familles modestes, voire en difficulté.
Gérard Lechantre partagea avec son épouse, qu’il connut à la JOC, la plupart de ses engagements. Ils eurent quatre enfants : Marie-Claire (9 juillet 1961), Myriam (1er mai 1963), Isabelle (18 décembre 1968) et François, (7 décembre 1970). Membre de l’Action catholique ouvrière (l’ACO) à partir de 1960, Gérard Lechantre fut à plusieurs reprises responsable d’équipes de Rueil-Malmaison et membre de comités de secteur (Saint-Germain-Poissy, 92-nord-centre et 92 centre). Il avait encore milité à la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) des écoles de ses enfants et avait été élu, en 1989 et 1990, au conseil du centre d’apprentissage de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Il avait mis fin à son activité professionnelle en décembre 1995, faisant valoir ses droits à la retraite en se portant volontaire dans le cadre du dispositif ARPE destiné à créer une embauche pour un départ.
Par Michel Carvou
ŒUVRE : Participation à l’ouvrage collectif L’autogestion ?, supplément au journal L’outil des travailleurs de l’OC GOP de 1974.
SOURCES : Archives UPSM-CFDT. – Fonds personnel de Gérard Lechantre. — Notes manuscrites de Gérard Lechantre, 9 décembre 2010.