KRAKOWSKI Raphaël (ou Rafel) (dit Félix)

Par Alain Dalançon

Né le 18 octobre 1895 à Zdunska-Wola (Allemagne, Pologne), mort le 28 février 1978 à Paris ; façonnier d’habits ; Résistant de l’UJRE et de la MOI, militant syndicaliste et communiste.

Raphaël Krakowski
Raphaël Krakowski

Fils de Mordkaber, boulanger, et de Esther Erlich, Raphaël (Rafel) Krakowski fut élevé avec ses deux frères et trois sœurs dans une famille juive de la ville de Zdunska-Wola, dans la Haute-Silésie, alors intégrée dans le Reich allemand. Fuyant les pogroms de la période 1918-1919 au début de la reconstitution de la Pologne et la conscription sous le régime autoritaire qui s’y installait, il passa en Allemagne où s’éveillait l’espoir de la révolution, compléta sa formation à l’université de Bonn et en couture dans une école professionnelle. Puis, en 1923, ayant eu des ennuis du fait de ses activités politiques, il semble qu’il fût expulsé ; il émigra en France, qu’il considérait comme la patrie des droits de l’Homme, et vint habiter Paris dans le quartier Belleville, rue Juillet (XXe arr.).

Il épousa le 2 août 1926, à Montgeron (Seine-et-Oise), une immigrée juive polonaise, née le 6 janvier 1892 à Varsovie, arrivée l’année précédente en France, Rachel (Ruchla) Rusler, coiffeuse, et s’installa comme tailleur d’habits féminins à domicile dans le IVe arrondissement de Paris, où vivait une importante communauté juive ashkénaze. Le couple eut trois fils, dont deux survécurent, Maurice et Daniel, nés respectivement en 1929 et 1932.

Raphaël Krakowski était athée, tout en restant très attaché à ses origines, et participait à la vie de diverses associations juives regroupées au 14, rue du Paradis, à Paris. De « nationalité indéterminée », il vécut avec anxiété et colère la montée des fascismes en Europe et, sans être encarté dans un parti politique, participa à diverses manifestations de la gauche à partir de 1934 contre le fascisme, pour le rassemblement populaire et pour soutenir les républicains espagnols. Chaque 1er mai, il assistait à la commémoration de la fusillade des Communards au mur des Fédérés.

Quand la France fut occupée et que le régime de Vichy mit en place sa législation anti-juive en 1940, il vivait seul à Paris ; sa femme était depuis un an ou deux dans un sanatorium à Hauteville (Ain) à cause de sa santé fragile, et ses enfants furent cachés pendant toute la durée de la guerre dans deux familles différentes de paysans dans les Basses-Pyrénées. Déterminé à lutter contre l’hitlérisme, il hébergea chez lui Emmanuel Mink (Mundek), célèbre footballeur réfugié en Espagne, ancien commandant de la compagnie juive « Botwin » de la XIIIe brigade internationale, avant son arrestation le 20 août 1941. Parlant bien l’allemand, il décida alors d’entrer dans la clandestinité avec la fausse identité d’Otto Gerstenhaber, tailleur, né le 18 octobre 1895 à Forbach en Moselle, résidant 120, allée de Montfermeil, au Raincy (Seine-et-Oise). Son épouse qui vint le rejoindre vers cette époque, en passant clandestinement de la zone libre à la zone occupée, fit le choix de se faire recenser, ce qui lui valut d’être arrêtée en janvier 1942 puis déportée en juillet à Auschwitz d’où elle ne revint pas. Sa famille paya un lourd tribut à la Shoah puisque plusieurs couples et leurs enfants disparurent dans les camps, dont son père qui fut torturé et déporté, à l’âge de 80 ans.

Raphaël Krakowski réussit cependant à traverser toute la période de l’Occupation, à Paris, sans être arrêté. A partir de janvier 1942, il fut responsable de l’organisation de plusieurs comités clandestins de la Main-d’œuvre immigrée et de l’Union des juifs pour la résistance et l’entraide dans le IVe arrondissement, sous le pseudonyme de « Félix ». Son logement, quai des Célestins, était un centre de la technique. Il hébergea des combattants, dont Mayer List (Markus), juif communiste, ancien des Brigades internationales devenu commissaire politique du 2e détachement FTP, avant son arrestation en septembre 1943.

À l’été 1944, il fut intégré dans la section de défense anti-chars du 5e arrondissement des FFI (insigne n° 291904) puis dans la milice patriotique des gardes civiques et républicaines du 4e arrondissement et il fut sur une barricade défendant la Préfecture de police en août 1944. Il adhéra à cette époque au Parti communiste français et y resta fidèle jusqu’à la fin de ses jours mais sans jamais y prendre de responsabilité.

Membre de l’ANACR et de l’AJAR (Amicale des Juifs anciens résistants), il continua à militer à l’UJRE et écrivait des articles dans le journal rédigé en yiddisch, Naïé Pressè, fondée en 1934, dont le siège et l’imprimerie se trouvaient 14, rue du Paradis. À cette adresse se situait également un dispensaire, un club sportif affilié à la FSGT, une mutuelle, des organisations culturelles, et le siège du Syndicat des façonniers de la confection du vêtement pour dames dont Raphaël Krakowski était un des animateurs. Ainsi, à la fin des années 1940 ou au début des années 1950, fut-il un des organisateurs d’une longue lutte des façonniers et ouvriers à domicile pour demander une augmentation de la rémunération de leur travail, auquel les donneurs d’ouvrage Rose Gouz, Maurice Mitz et Léon Kitmacher répondirent par un véritable lock-out, privant de travail les artisans et ouvriers contestataires, faisant circuler auprès des fabricants des listes noires et les dénonçant à la police économique.

Raphaël Krakowski était toujours considéré de nationalité étrangère après la guerre, il n’obtint la nationalité française qu’en juillet 1948.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136810, notice KRAKOWSKI Raphaël (ou Rafel) (dit Félix) par Alain Dalançon, version mise en ligne le 28 avril 2011, dernière modification le 12 mai 2015.

Par Alain Dalançon

Raphaël Krakowski
Raphaël Krakowski
Carte d'identité
Carte d’identité
Fausse carte d'identité
Fausse carte d’identité

SOURCES : David Diamant, 250 combattants de la Résistance témoignent, L’Harmattan, 1991. — Biographie d’Emmanuel Mink par Arno Lustiger, article paru dans l’édition du 11 avril 1908. JUIF.org. — Renseignements et archives familiales fournis par son fils Daniel.

ICONOGRAPHIE : Fausse carte d’identité, Carte de FFI.

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