JOACHIM Irène, Amalia, Clara, Adila

Par Vincent Casanova

Née le 13 mars 1913 à Paris (VIIe arr.), morte le 20 avril 2001 à Paris ; chanteuse lyrique ; membre du Comité du Front national des musiciens, du Syndicat du spectacle, de l’UFF et du Parti communiste français.

Fille de Herman Joachim et de Suzanne Chaigneau, violoniste, membre du Trio éponyme et co-fondatrice de l’Institut moderne du violon avec Lucien Capet, Irène Joachim passa ses premières années à Berlin où ses parents s’étaient installés après le début de la Première Guerre mondiale. Son père décédé en 1918, elle revint en France à l’automne 1918 où elle fréquenta et se familiarisa avec le milieu musical parisien via les activités de sa mère. Petite-fille par son père du violoniste Joseph Joachim (elle ne l’a pas connu), dédicataire du Concerto pour violon de Johannes Brahms, elle commença ses études musicales relativement tard puisqu’elle étudia au Conservatoire de Paris de 1935 à 1938 tout à la fois en chant mais aussi en classe de mise en scène d’art lyrique. Après ses succès remarqués à l’issue des concours, elle fut engagée à l’Opéra-Comique où elle fut pensionnaire de 1939 à 1956.

En 1940, elle interpréta pour la première fois sur scène le rôle de Mélisande dans Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, sous la direction du chef Roger Désormière ; le spectacle avait été conçu par les responsables de l’opéra, comme un moyen de valoriser l’art national après la défaite de l’été. Elle poursuivit ses activités durant l’Occupation : elle enregistra en particulier Pelléas et Mélisande en 1942 pour le 150e anniversaire de la naissance de Debussy, premier enregistrement intégral de l’œuvre au disque. Elle refusa toujours les invitations officielles à participer à des manifestations organisées par les Allemands. Avec ses amis, Roger Désormière et Elsa Barraine, elle vida l’appartement de Darius Milhaud de ses manuscrits et archives quand celui-ci se réfugia aux Etats-Unis. Les mêmes mirent sur pied le Comité du Front national des musiciens, « pendant » musical au Front national des écrivains ; elle y entraîna, entre autres, Henri Dutilleux alors tout jeune compositeur. C’est dans ce cadre qu’elle rencontra le cinéaste Jean Grémillon avec qui elle travailla à deux reprises après-guerre pour le choix de musiques de films. Par ailleurs, en 1943, elle accompagna la naissance des Concerts de la Pléiade dont sa cousine germaine Denise Tual était l’organisatrice : c’est sur ses conseils qu’Olivier Messiaen, de retour du stalag, y créa son Quatuor pour la fin du temps.

Après-guerre, elle participa à l’association Le Gloxinia, nom d’une mélodie de Georges Auric, qui réunissait les musiciens français qui s’étaient unis dans la Résistance : les membres se réunissaient une fois par mois afin d’y échanger sur tout sujet à l’exclusion de celui de la musique. À côté de sa participation à la création d’œuvres contemporaines – Le Soleil des eaux de Pierre Boulez en 1950 par exemple – Irène Joachim fut par ailleurs l’une des interprètes qui, après-guerre, envisagèrent une dimension sociale à leur activité. Elle adhéra au Parti communiste et au Syndicat du spectacle (section comédiens et chanteurs) ce qui au vu de sa notoriété d’alors – elle avait remporté trois Grands prix du disque – restait assez rare dans un univers où l’apolitisme était plutôt dominant. Son militantisme se traduisit avant tout par ses collaborations artistiques : avec Joris Ivens dans le cadre de son film, Le Chant des fleuves, avec la maison de disques Le Chant du Monde pour laquelle elle enregistra non pas des pièces du répertoire mais plusieurs disques de chansons populaires, à distance de son incarnation de Mélisande ; elle se produisit aussi dans des concerts pour la Maison de la Pensée française. Elle épousa le 7 novembre 1955, le jour de « la révolution d’octobre », le réalisateur Jean-Louis Lévi-Alvarès. Après avoir quitté l’Opéra-comique, elle s’éloigna de la scène et devint une professeure recherchée. Elle entra au Conservatoire de Paris en 1963 où elle fut en poste jusqu’en 1983 : elle a ainsi formé toute une génération de chanteurs, parmi lesquels Jacques Bona. Elle mourut à Paris en 2001 des suites de la maladie d’Alzheimer.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136823, notice JOACHIM Irène, Amalia, Clara, Adila par Vincent Casanova, version mise en ligne le 2 mai 2011, dernière modification le 3 septembre 2011.

Par Vincent Casanova

ŒUVRES choisies : Pelléas et Mélisande sous la direction de Roger Désormière, Orchestre national de France, avec Jacques Jansen (Pelléas), Gramophone DB 5161 à 5180 (78 tours, réédité en CD par EMI) ; Camarade, bonjour ! de Madeleine Riffaud et Jean Wiener par la Chorale Populaire de Paris, Irène Joachim et Jean Wiener (piano), 1950 (78 tours), Le Chant du Monde 1008 ; Histoires de France par les chansons, 1959 (33 tours), Le Chant du Monde, LDY4101. — Chansons de France, Irène Joachim, Hélène Boschi (piano), 1956, Chant du Monde LDM 8151 (25 cm). — Livre d’or des chants populaires allemands harmonisés par Arne Dorumsgaard, Orchestre sous la direction de Robert Cornman, Le Chant du Monde LDX A 8282 (30 cm). — En CD : Lieder et mélodies, INA « Mémoire vive », 2000, IMV 038. Pour la discographie complète, cf. celle réalisée par Jean-Michel Nectoux in Brigitte Massin, Les Joachim. Une famille de musiciens, Paris, Fayard, 1999, p. 411-426.

SOURCES : Lettres d’Irène Joachim à Marie-Louise Boëllmann. — RES VM DOS- 20 (17). — RES VM DOS- 20 (27,1). — RES VM DOS- 20 (101,1). — RES VM DOS- 20 (28). — RES VM DOS- 20 (99). — Lettres d’Irène Joachim à Louis Saguer (NLA- 196 (23-25). Disponibles à la Bibliothèque nationale de France (Richelieu, département de la musique). — Thierry Adhumeau, « Le "Gloxinia" ou l’époque de l’amitié », Les Cahiers Boëllmann-Gigout, n° 2-3, Paris, décembre 1997-mars 1998. — Michèle Alten, Musiciens français dans la guerre froide 1945-1956. L’indépendance artistique face au politique, Paris, L’Harmattan, 2000. — Henry Barraud, Un compositeur aux commandes de la radio. Essai autobiographique, Paris, Fayard, 2010. — Mark Carroll, Music and Ideology in Cold War Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2003. — Myriam Chimènes (dir.), La vie musicale sous Vichy, Bruxelles, Éditions Complexe/IHTP-CNRS, 2001. — Brigitte Massin, Les Joachim. Une famille de musiciens, Paris, Fayard, 1999.

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