Par Jacques Girault Jean-Michel Steiner
Né le 26 décembre 1906 à Orthez (Basses-Pyrénées), mort le 29 juillet 1979 à Lourdes (Hautes-Pyrénées) ; professeur dans la Loire ; résistant ; déporté ; conseiller municipal de Saint-Étienne (1947-1959).
Fils d’un comptable, Roger Laporte, troisième enfant d’une famille de quatre, passa son enfance et les premiers temps de sa scolarité à Beaulac-Bernos, petit village de Gironde aux confins des Landes, pendant que son père était sur le front de la guerre de 1914-1918. Bachelier en 1924, il obtint une licence ès-sciences à la Faculté des sciences de Bordeaux (certificats de mathématiques générales en 1925, d’astronomie approfondie en 1926, de mécanique rationnelle en 1926, de calcul intégral en 1926, de physique générale en 1927) complétée par un diplôme d’études supérieures en 1927.
Laporte occupait les fonctions de maître d’internat à Oloron (Basses-Pyrénées) en 1924, à Libourne (Gironde) en 1926, au lycée de Bordeaux (1927). Nommé répétiteur aux lycées de Bordeaux (1931) et de Douai (Nord) en 1933, il fut délégué comme professeur de sciences au lycée de Chambéry (Savoie) en 1935, puis de Douai en 1936, et titularisé comme professeur au collège d’Arras (Pas-de-Calais) en 1937. Il adhérait au Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire. Nommé professeur de mathématiques au lycée Claude Fauriel de Saint-Etienne (Loire) en 1940, il y prit sa retraite en 1957. Pratiquant le scoutisme, il devint maître d’éducation générale en 1942.
Laporte se maria en août 1933 à Paris (XIe arr.) avec Andrée Michaud, ancienne élève de l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, professeur de lettres au collège d’Arras à partir de 1933. Le couple eut deux enfants. Veuf depuis septembre 1948, il se remaria en septembre 1949 à Saint-Etienne avec une professeur.
Mobilisé à la fin d’août 1939 comme lieutenant, fait prisonnier lors de l’offensive allemande à Pontarlier, le 17 juin 1940, il fut emprisonné à la caserne Vauban de Besançon. Il s’évada à Colmar le 6 août 1940 et fut repris en Haute-Saône le 17. Évadé à nouveau à Belfort, il échoua également. Le 26 septembre 1940, il réussit sa troisième tentative. Arrivé en Creuse le 29 septembre, il demanda un poste en zone non occupée car il ne pouvait pas retourner à Arras où sa femme enseignait à l’École normale d’institutrices. Démobilisé en novembre 1940, il prit son poste au lycée Fauriel.
Il affirma au lycée un certain esprit de contestation au régime de Vichy et entra au comité directeur du groupe de Résistance 93, fondé par Robert et Violette Maurice. Chargé de rédiger un journal clandestin, il le diffusa à dix mille exemplaires dans une grande partie du Sud-Est. Il entraîna aussi quelques volontaires au maniement de la mitraillette et étudia les possibilités de parachutage sur le plateau de Saint-Genest Malifaux dans le massif du Pilat.
A la demande de Jean Moulin, le groupe 93 rejoignit les MUR (Mouvements unis de Résistance), Roger Laporte rencontra Quitaud, Rambeaud, Paret, Clozard, Vidiani, Desgranges, Lavergne alias "Bauge". Désigné comme chef de l’Armée secrète pour les opérations dans la Loire, il exerça cette responsabilité jusqu’à son arrestation, lors de la rafle du 3 février 1943 au n° 31 de la rue Basses des Rives. Emprisonné à Saint-Etienne, puis au fort de Montluc le 6 février 1943, où il fut torturé, il fut transféré le 5 avril 1943 à Fresnes où il resta trois mois. Le 11 juillet 1943, il fit partie d’un convoi pour Rothau en Alsace et le camp de Struthof Natzweiler avec sept de ses anciens camarades de la Loire. Au Struthof il rencontra de nombreux autres résistants, dont Henri Gayot, auteur de dessins évocateurs du calvaire que fut ce camp, ainsi que le général Delestraint. Envoyé à Kochem, kommando dépendant du Struthof, situé sur les bords de la Moselle, Roger Laporte fut ensuite déporté à Dachau le 4 septembre 1944 avec des passages dans des kommandos extérieurs dont celui d’Allach, où il faillit être emporté par une épidémie de typhus. Il quitta Dachau, pour Augsbourg/Pferrsee et fut finalement libéré en très mauvais état, le 27 avril 1945.
Roger Laporte figura lors des élections à la première Assemblée nationale constituante, le 21 octobre 1945, en cinquième position sur la liste de la « Résistance et de défense du programme du CNR », liste de centre gauche conduite par Dora Rivière qui n’eut aucun élu. En 1946 ou 1947, il adhéra au Parti communiste français. Louis Viannet, futur secrétaire général de la CGT, qui fut son élève à cette époque, témoigna de l’état d’esprit de Roger Laporte : « En 47, je devais être en 4e, éclatent les grèves, les mines de Saint Etienne, la métallurgie, la vallée de l’Ondaine, avec Chambon-Feugerolles, Firminy, la vallée du Gier. Un cortège est parti de la vallée du Gier, un de la vallée d’Ondaine, qui se sont retrouvés à Saint-Etienne ce jour là [29 novembre 1947], celui de la vallée du Gier passait sous les fenêtres du lycée. Quand ils sont arrivés, j’étais en math, Laporte est descendu de son estrade, il a ouvert les trois fenêtres et a dit : « c’est la France qui passe. Tout le monde à la fenêtre ».
Laporte figura sur la liste conduite par Claudius Buard que présenta le PCF lors des élections municipales d’octobre 1947. Il devint conseiller municipal dans la forte minorité communiste (13/36) opposée au maire, Alexandre de Fraissinette. Le 26 janvier 1948, il intervint pour réclamer des réparations urgentes tant au lycée de garçons (Fauriel) qu’à l’école professionnelle. Il protesta également contre la diminution allouée aux élèves nécessiteux et signala d’importants problèmes d’hygiène au lycée de jeunes filles. Toujours sur la liste communiste, conduite désormais par Michel Olagnier, il fut réélu en avril 1953.
Victime d’un grave accident de santé en août 1952, Laporte s’arrêta de travailler jusqu’en 1954, en « indisponibilité de 24 mois pour blessures de guerre ». Il revint en conseil municipal le 27 février 1953, chaleureusement salué par le maire, lui-même ancien déporté : « il est précieux de le voir revenir ». Fatigué il renonça peu à peu à son travail de professeur et à ses activités politiques dans la Loire. Il quitta alors Saint-Etienne pour la région d’Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées) où il vécut sa retraite aux côtés de son épouse.
Titulaire de la médaille de la Résistance, il mourut après une brève hospitalisation.
Par Jacques Girault Jean-Michel Steiner
SOURCES : Arch. Nat. : F17/ 26893. — Arch. Dép. Loire (France Marcuzzi), 3 M 82, 2 W 96, 112 W 85. — Arch. Mun Saint-Étienne, 9C2 69 à 79, Bulletins du conseil municipal (1948-1959). — Témoignage de Louis Viannet recueilli par Christian Langeois. — Note de Jean-Pierre Besse.
BIBLIOGRAPHIE : René Gentgen, La Résistance civile dans la Loire, Lyon, ELAH, 1996, 220 p. — Jean-Michel Laporte, notice “Roger Laporte“ in Collectif : La Résistance dans la Loire, cd Rom AERI, 2011. — Étiennette Gallon, Stéphanie Sédillot, La plume, le crayon et le bronze, sources de mémoire : Henri Gayot, un résistant rochelais déporté au Struthof, éd. Service départementale de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, 2002. - Collectif, Une ville française. Saint-Étienne de 1939 à 1945, Trames urbaines, Saint-Étienne Ville d’art et d’histoire, 2014.