LARRÈRE Camille [LARRÈRE Pierre, dit ]

Par Jacques Girault

Né le 3 avril 1904 à Castaignos (Landes), mort le 9 juillet 1986 à Saint-Michel-d’Entraygues (Charente) ; instituteur ; militant syndicaliste du SNI ; militant pacifiste.

Fils d’un charpentier tué dans les combats de la Première Guerre mondiale, et d’une ménagère devenue tisserande, Camille Larrère, pupille de la Nation, après des études à l’école primaire supérieure de Dax, entra à l’École normale d’instituteurs de Dax (Landes) en 1920. Réformé, il enseigna dans diverses communes (dont Retjons et Saint-Perdon) des Landes où il fut souvent secrétaire de mairie.

il se maria en avril 1926 à Mont-de-Marsan (Landes) avec une institutrice. Le couple eut deux enfants.

Camille Larrère pratiquait des méthodes pédagogiques s’inspirant de Célestin Freinet, dont l’imprimerie à l’école. Membre du Syndicat national depuis 1926, il devint membre de la commission exécutive de la section départementale du Syndicat national des instituteurs en juin 1936. Secrétaire de la Ligue des combattants de la Paix, section de Mont-de-Marsan, il n’adhéra pas au Comité Amsterdam-Pleyel, mais fut un des animateurs du comité antifasciste de Mont-de-Marsan où figuraient tous les partis de gauche, ainsi que les divers mouvements. Lors du congrès de Lille du SNI, en août 1936, délégué de la section des Landes, il intervint en faveur de la motion dite « ultra-pacifiste » ou « pacifiste intégrale ». Il affirma notamment à propos des dangers de guerre avec l’Allemagne que « de deux maux, il faut toujours préférer le moindre ». Surenchérissant sur la formule de Jean Mathé, il déclara : « Mieux vaut la servitude que la guerre car la guerre est la pire servitude. » Cette position, à la tribune d’un congrès d’instituteurs, souleva un tollé dans l’opinion publique. Ces propos furent souvent, par ailleurs, déformés ou identifiés avec les analyses du monde enseignant par la droite. Il se justifiait dans le Bulletin syndical départemental, en octobre 1936, et concluait son article : « Le fond de ma pensée était et reste celui-ci : Rien pour la guerre ! Tout pour la révolution ! »

Camille Larrère animait depuis 1932 dans les Landes des conférences contre la guerre. Selon lui, il fallait lutter « par tous les moyens contre la guerre impérialiste où la Patrie tient une bien petite place à côté des coffres-forts de ceux qui s’enrichissent dans la tuerie. » Au cours de la campagne électorale de 1936, partisan du Front populaire, il lutta contre les Croix-de-Feu (dont une section venait d’être fondée à Retjons). Une plainte, déposée contre lui, prit une ampleur considérable, au point que l’Inspecteur d’académie se demanda s’il fallait le changer d’affectation alors qu’il était apprécié par les pères de ses élèves. Bien que non sanctionné, il quitta son poste en novembre 1938.

Le 14 mai 1936, un capitaine de gendarmerie en retraite porta plainte contre « l’ignoble instituteur Larrère, capable de tout. » qui, dans ses conférences antimilitaristes, encouragerait les jeunes gens à refuser l’ordre de mobilisation, accusation contestée par de nombreux témoins. Le curé de Retjons serait à l’origine de cette dénonciation qui prit un tournant plus grave quand, au cours de l’enquête, on le découvrit favorable à la stérilisation masculine puisque dans son combat contre la natalité, il aurait consulté un médecin bordelais pratiquant la vasectomie.

En accord avec les positions développées par la majorité des militants de la section départementale du Rhône, Larrère fit accepter par une majorité de membres du conseil syndical, un ordre du jour qui en reprenait les analyses. Aussi, des conseillers syndicaux démissionnèrent-ils. Pour le renouvellement, il préféra se représenter seul en mai 1938 afin de pouvoir exposer ses idées personnelles. Il ne fut pas réélu. Lors de l’assemblée générale du syndicat en juin 1938, il fut néanmoins désigné comme délégué pour le congrès national. Avec le groupe des « Amis de L’École émancipée », dont il faisait partie, il participa, lors du congrès de Nantes, au chahut qui interrompit le discours de Léon Jouhaux. Toutefois, il représentait une position différente de celle de militants de L’École émancipée. Gréviste le 30 novembre 1938, il approuva, par la suite, en décembre 1938, dans un article de L’École émancipée, avec Jean Gassiès, les accords de Munich. Dans les discussions internes au Parti communiste sur le trotskysme dans l’enseignement, en 1937-1938, l’action de Larrère fut souvent évoquée et condamnée.

Non mobilisé, Camille Larrère, refusant de participer à la « mobilisation morale » des jeunes Français, fut révoqué, le 28 novembre 1940. Il devint alors démarcheur en ouvrages et matériels scolaires, puis inspecteur d’une compagnie d’assurances. Réintégré le 1er octobre 1945, il retrouva son poste à Saint-Perdon. Ne militant plus syndicalement, abonné à L’École émancipée, il assurait la correspondance de SUDEL dans les Landes.

Retraité à Mimizan à partir d’octobre 1960, membre de l’Union pacifiste de France, Larrère milita activement contre l’installation des centrales nucléaires dans le Sud-Ouest, à l’Association de protection contre les rayonnements ionisants et à la Société d’étude, de protection et d’aménagement du Sud-Ouest.

Veuf, il alla habiter chez sa fille à Ruffec (Charente) en septembre 1981. Il fut enterré civilement à Ruffec. Sur sa tombe, figure, après son état civil, la mention « Citoyen du Monde ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136890, notice LARRÈRE Camille [LARRÈRE Pierre, dit ] par Jacques Girault, version mise en ligne le 5 mai 2011, dernière modification le 24 mai 2021.

Par Jacques Girault

SOURCES : Arch. Dép. Landes, 1 M 178 et 1 M 209 (transmis par Céline Piot). — RGASPI : 517 1 1884. — Presse nationale et syndicale. — Renseignements fournis par l’intéressé, sa famille et Jean Gassiès. — "Le 11 novembre dans les Landes (1919-1944). Du partage du sensible au deuil impossible", Bordeaux, Fédération historique du Sud-Ouest, 2019, p. 181 et 182.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable