LAUROUA Jean

Par Jacques Girault

Né le 6 août 1902 à Carresse (Basses-Pyrénées), mort le 26 janvier 1990 à Niort (Deux-Sèvres) ; instituteur dans les Deux-Sèvres ; militant communiste ; militant syndicaliste de la FUE puis du SNI, militant mutualiste, président-directeur général de la Mutuelle assurance des instituteurs de France.

Jean Lauroua en 1960
Jean Lauroua en 1960

Fils d’un facteur des postes et d’une cuisinière, Jean Lauroua fut baptisé. Élève de l’école primaire supérieure d’Orthez, il entra à l’École normale d’instituteurs de Lescar en 1918 où il refusa de suivre la préparation militaire et commença sa carrière d’instituteur dans les Basses-Pyrénées (Bardos en 1923, Hasparren en 1924, Lantabat en 1925, Rurhaute en 1926, Argagnon en 1928). Après avoir effectué son service militaire dans les services météorologiques de l’armée de l’Air à Colomb-Béchar, il reprit son métier et adhéra en 1925 au Syndicat de la Fédération unitaire de l’enseignement. Il participa à la création d’un groupe de jeunes en 1927. Lors du congrès des groupes de jeunes à Paris, en 1928, il fut élu membre du comité central avec son épouse qu’il avait rencontrée lors d’une réunion nationale des groupes de jeunes, en 1927, à Tours.

Jean Lauroua épousa uniquement civilement, en août 1928 à Arçais (Deux-Sèvres) Marcelle Tardy, institutrice dans les Deux-Sèvres. Ils eurent deux enfants.

En octobre 1928, Jean Lauroua obtint sa mutation pour les Deux-Sèvres et enseigna à Saivres, avec son épouse jusqu’en 1946. Il y anima aussi la société d’éducation populaire, ne concevant son enseignement que « totalement intégré à la population de la commune ».

Il adhéra au Syndicat des membres de l’enseignement laïc (CGTU) du département, plus dynamique que dans les Basses-Pyrénées. Il adhéra avec son épouse à la Coopérative de l’enseignement laïque et pratiqua certaines méthodes, en particulier l’imprimerie à l’école, de Célestin Freinet dont il visita l’école de Vence en 1937 avec son épouse. Il représenta ses camarades du groupe de jeunes au comité d’entente intersyndical des instituteurs. Il succéda en 1930 à Marcel Fougère comme secrétaire à la propagande du Comité central des groupes de jeunes. Son épouse et lui furent grévistes le 12 février 1934 et s’engagèrent dans les actions unitaires précédant l’unification syndicale qui s’effectua n décembre 1934 dans les dexu-Sèvres. Délégué au congrès de la CGTU (24-27 septembre 1935), il ne prit pas part au vote du rapport d’activité. Il fut élu en 1935-1936 secrétaire adjoint de la section départementale du Syndicat national des instituteurs, avec [Maurice Olivier124330], secrétaire général.

Membre de la Libre Pensée, Jean Lauroua, adhérent du mouvement Amsterdam-Pleyel dès sa constitution, rejoignit le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. Il représenta le syndicat au congrès de la CGT à Toulouse (2-5 mars 1936). Comme beaucoup d’anciens unitaires, il vota contre l’adhésion à la Fédération syndicale internationale et s’abstint sur les questions de statuts et d’incompatibilité de mandats. Secrétaire de l’union locale CGT de Saint-Maixent, il fut élu à la commission administrative de l’Union départementale CGT. Il représenta sous le Front populaire le cartel CGT des services publics.

Dans les débats qui suivirent, Jean Lauroua afficha des distances vis-à-vis des analyses pacifistes du SNI, se prononça pour l’intervention en Espagne (avec son épouse, ils accueillirent dans leur famille un enfant espagnol). Lors du congrès de Nantes du SNI en juillet 1938, il se prononça contre la position du SNI concernant la guerre d’Espagne. Il fut aussi hostile à la campagne contre la guerre du SNI précédant les accords de Munich qu’il dénonça. Il fut gréviste le 30 novembre 1938, comme son épouse. Ils subirent une retenue de salaire de huit jours.

Jean Lauroua adhéra au Parti communiste en 1927 ou 1928 selon les sources. Secrétaire de la cellule communiste de Saint-Maixent, lors de conférence de la région communiste des Deux-Sèvres, le 12 janvier 1936, il devint membre du comité régional et fut réélu dans cette responsabilité en mars 1938.

Abonné à L’Imprimerie à l’École, édité par la Coopérative de l’enseignement laïc, Lauroua fut un des 26 instituteurs à répondre à un appel, paru en octobre 1931, pour créer « une société d’assurances mutuelles ». Il signa un appel « aux camarades automobilistes et motocyclistes » dans L’Émancipation et la Voix des Jeunes, organe des syndicats unitaires de la Loire-Inférieure et des Deux-Sèvres, en janvier 1932, pour qu’ils s’associent au projet afin de « réaliser, dès le début, un fonds de garantie ». Avec Edmond Proust, instituteur près de Saivres, il chercha, avec d’autres instituteurs, à créer un groupement pour assurer ses membres contre les risques automobiles. La Mutuelle assurance automobile des instituteurs de France se constitua le 17 mai 1934 et il devint membre du premier conseil d’administration, Secrétaire du CA, il fut chargé des statuts, des polices, des tracts et des correspondants départementaux. Pendant toute sa vie, il jugea que la création de la MAAIF « était un geste politique contre les compagnies d’assurance, contre le capitalisme. »

Affecté spécial en septembre 1939, Jean Lauroua fut mobilisé dans l’armée de l’air sur la base aérienne de Tours au début de 1940. Ayant rejoint Mont-de-Marsan à bicyclette, il fut démobilisé et reprit son poste à Saivres. Surveillé par la police, il échappa à l’arrestation. En 1944, il hébergea Marianne Delanoue à la recherche de contacts pour reconstituer le syndicat. En 1944, au nom du Front national, il établit des contacts avec l’Armée secrète à laquelle appartenait Proust. Il participa avec les FFI enrôlés dans un régiment d’infanterie au blocus des forces allemandes à La Rochelle.

Jean Lauroua était membre de la cellule du Parti communiste français de son quartier et non de celle du siège de la MAAIF. Les désaccords avec la politique communiste furent fréquents du Pacte germano-soviétique, « véritable tragédie » selon lui, à l’affaire Servin-Casanova. Sa situation de « patron » le situait souvent en position difficile par rapport aux salariés de la Mutuelle. Lors de la grève du personnel en 1951 revendiquant l’alignement de la convention collective sur celle des sociétés d’assurances de la région parisienne, il approuva les positions du président Robert Proust différentes de celles du directeur. Critiqué par des militants communistes, accusé d’avoir choisi « le camp des patrons », il ne pouvait accepter ce jugement, alors qu’il était considéré, dans le monde mutualiste, comme un bon militant communiste, et qu’il était persuadé que la mutuelle « constituait un contre-exemple par rapport à l’attitude courante du patronat vis-à-vis du personnel. » Souvent en conflit avec le syndicat CGT, une incompréhension grandissante se développait avec des communistes de la mutuelle. Des salariés de la mutuelle auraient même demandé son exclusion du PCF. Il le quitta après 1965, tout en restant « fidèle à son idéal de fraternité et de justice sociale ».

Jean Lauroua, instituteur à Niort depuis 1946, puis directeur de l’école Jules Ferry de cette ville jusqu’à sa retraite en 1958, ne fut jamais détaché. Toujours membre du conseil d’administration de la MAAIF, il en devint l’administrateur-directeur en octobre 1951. En 1956, après le décès de son président directeur général Proust, son engagement communiste l’empêcha de lui succéder. Il n’en fut pas de même, après le décès de Marcel Coubrat en 1962. Désigné à l’unanimité comme PDG, il renonça à cumuler cette fonction avec celle de PDG de la Coopérative des adhérents de la mutuelle des instituteurs de France (CAMIF) dont il fut administrateur de 1967 à 1973. Il resta à la tête de la MAAIF jusqu’en 1972, période où le développement de la mutuelle fut « spectaculaire » (M. Chaumet). Il proposa notamment un rapprochement entre les mutuelles s’occupant d’assurance ; une première étape fut la création en 1964 par cinq mutuelles du Groupement des sociétés d’assurances à caractère mutuel qu’il présida. Il mit à l’étude le rapprochement des mutuelles dans le domaine de l’assistance. Lors de l’assemblée générale de la MAIF à Rouen en 1972, il annonça son retrait estimant « qu’il convenait de laisser la place aux jeunes ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136922, notice LAUROUA Jean par Jacques Girault, version mise en ligne le 5 mai 2011, dernière modification le 22 mai 2021.

Par Jacques Girault

Jean Lauroua en 1960
Jean Lauroua en 1960

SOURCES : Arch. Nat. F7/13029. — Arch. Dép. Deux-Sèvres, 4 M I/4, II/3A, II M 8/5. — RGASPI, Moscou, 517 1 1815, 1892, mais pas de dossier personnel au Komintern dans la série 495 270. — Bulletins du Syndicat unitaire et du SNI des Deux-Sèvres. — DBMOF, biographie par Jacques Blanchard. — Michel Chaumet, MAIF. L’histoire d’un défi, Paris, Le Cherche-Midi, 1998. — Témoignage dans Le défi mutualiste. De la MAAIF au groupe MAIF, Niort, 1996. — Renseignements fournis par l’intéressé en 1976 et par son fils en 2011. — Notes d’Alain Dalançon, de Paul Marcus et de Michel Paumier transmises par Maurice Rouzier.

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