Par Jacques Girault
Né le 3 décembre 1917 à Lanton (Gironde), mort le 29 août 1985 à Paris (XIIIe arr.) ; professeur puis économiste ; militant communiste.
Son père, charpentier, ancien compagnon du tour de France sous le nom de « Périgord La Vertu », devenu entrepreneur en charpentes, était franc-maçon (Grand-Orient de France) et radical-socialiste favorable au Front populaire. Sa mère, lingère en 1917, cessa de travailler pour élever ses quatre enfants. Léon Lavallée, le plus jeune, né dans le hameau de Taussat, prépara à l’école pratique de commerce et d’industrie de Bordeaux le concours d’entrée à l’Ecole des Arts et Métiers d’Angers qu’il réussit en 1935. Il y suivit la préparation militaire supérieure. Après avoir travaillé aux usines d’aviation Amiot comme ingénieur, en 1938, il devint professeur aux écoles pratiques de Morez (Jura) puis de Bordeaux. Il entra dans la section B (mécanique) de l’Ecole normale supérieure de l’Enseignement technique en 1940.
Lavallée adhéra aux jeunesses communistes à Bordeaux à la suite du 6 février 1934 et milita activement à Bordeaux où il fut le responsable de l’Union fédérale des étudiants à l’EPCI. A Angers, il présida les Jeunesses laïques universitaires en 1935-1936 et créa la section des étudiants communistes sous le pseudonyme de « Michel ». Il fonda puis présida, en 1935, à l’ENAM, l’association des élèves rattachée à la Fédération des techniciens de la CGT. Il adhéra au Parti communiste en 1937 et entra au comité de la région communiste en 1937-1938.
Dès l’interdiction des organisations communistes, Lavallée prit part à leurs activités clandestines. Il arriva de Bordeaux à Paris à la fin du mois d’octobre 1940. Sans contact avec les communistes, il ne fut pas présent lors de la manifestation étudiante du 11 novembre 1940. Il participa à l’organisation de groupes clandestins à l’ENSET qui fut une des bases du mouvement communiste étudiant. Il devint, à la demande de Pierre Hervé* et d’André Leroy*, en janvier 1941 le secrétaire politique des étudiants communistes dans le triangle de direction, chargé notamment de suivre les grandes écoles et des publications clandestines, La Relève, L’Étudiant patriote, Grandes Écoles. Il fut un des fondateurs du Front national des étudiants de Paris et la Seine vers mai 1941 et le principal organisateur de la manifestation étudiante du 14 juillet 1941 dans le Quartier latin. Après l’affectation de Djian Simon, illégal, permanent à la direction des étudiants communistes, au début de 1942, Lavallée devint son adjoint à l’organisation. après l’arrestation de deux dirigeants étudiants en avril 1942, en contact avec des ingénieurs et universitaires résistants, il reprit à partir de mai 1942 la principale responsabilité dans la direction de l’organisation clandestine et participa aux actions des « Bataillons de la jeunesse ». Ses études étant terminées en juillet 1942, il transmit ses pouvoirs avant de passer dans la Résistance universitaire. Arrêté le 11 septembre 1942 au cours d’une rafle au métro Porte d’Orléans, interné à la Santé, puis à Fresnes, il fut déporté le 18 mars 1943 au camp de concentration d’Hinzert. Classé « NN », il fut transféré dans la forteresse de Wittlich puis à la prison de Breslau, enfin évacué vers les camps de Gross-Rosen, de Kamenz, puis de Dachau. Après sa libération, le 29 avril 1945, il dut séjourner dans un sanatorium de la Forêt Noire pendant une année.
Lavallée, en 1946, devint secrétaire-adjoint de l’UNITEC, organisation d’ingénieurs et techniciens issue de la Résistance. Membre du Parti communiste français, Lavallée entra ensuite dans le secrétariat de Jacques Duclos* où il devint un spécialiste des questions économiques, notamment de l’économie des pays socialistes. Il contribua à créer la section économique en 1947 et dont il fut le secrétaire jusqu’en 1950, sous le contrôle de Jacques Duclos. Il anima la revue Economie et Politique qu’il avait aidé à financer quand elle connut des difficultés. En 1958, il signa plusieurs articles dans La Nouvelle Critique sur la formation des cadres de l’économie soviétique, le progrès technique et la compétition économique.
Lavallée reprit alors son métier d’enseignant au Centre national de télé-enseignement comme professeur de mécanique et de dessin industriel. Syndiqué, il était membre de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance et de la Fédération nationale des déportés, résistants et internés politiques.
Collaborateur de la section de politique extérieure du comité central du PCF, Lavallée participait aussi aux travaux du Centre d’études et de recherches marxistes, collaborant à la publication de ses cahiers (textes inédits de Lénine, économie de la République démocratique du Viet-Nam en 1961). Spécialiste des économies des pays socialistes, il fut consulté pour élaborer sur place le premier plan économique de Cuba et devint l’ami de Che Guevara. Il élabora aussi un plan économique pour le Viet-Nam en lutte contre les USA et se lia d’amitié avec le premier ministre Pham Van Dong et les ambassadeurs du Viet-Nam en France (Maï Van Bô et Vo Van Sung). Il assurait la publication d’une petite revue Études économiques qui traitait des questions économiques des pays socialistes et qui fit connaître en Occident l’algorithme de Recherche Opérationnelle dit du « stepping stone » pour résoudre les problèmes d’affectation des ressources.
Dans les années 1970, Lavallée, handicapé par la maladie, continuait à publier des articles sur les questions économiques. Très affecté par la rupture entre l’URSS et la Chine Chine (il avait fait connaître son point de vue à la direction du PCF), depuis l’intervention en Tchécoslovaquie en 1968, il doutait que les pays socialistes puissent sortir de la crise qui les frappait, faute de réformes.
Lavallée se maria en juillet 1938 à Montreuil-sur-Loir (Maine-et-Loire) avec Raymonde Chasle (voir Raymonde Lavallée), institutrice, future résistante communiste. Le couple eut deux fils puis divorça. Lavallée se remaria en août 1960 à Paris (1er arr.) avec Henriette Limouzin, professeur.
Lavallée fut enterré au cimetière de Lanton le 3 septembre 1985. L’ancien déporté Claude Meyroune prononça l’oraison funèbre.
Par Jacques Girault
ŒUVRE : Coordination d’Economie de la Chine nouvelle, préface de Jacques Duclos, Genève, Rousseau, 1957. — Le développement économique de la République de Mongolie, Paris, Documentation française, 1966. — Coordination et direction de Pour une conception marxiste de la prospective, Paris, Éditions sociales, 1969. — Croissance d’une économie socialiste, la Roumanie, préface de Jacques Duclos, Roanne, Horvath, 1980.
SOURCES : Fonds Léon Lavallée, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (467 J), inventaire en ligne. — RGASPI, 495 270 4378 (autobiographie, 20 décembre 1937), communiqué par Claude Pennetier. — Archives du comité national du PCF. — Site Internet, http://edecchambost.ifrance.com/lavallee.htm. — Presse nationale. — Renseignements donnés par Ivan Lavallée, son fils. — Note de Jean-Pierre Besse. — J. Suret-Canale*, « Léon Lavallée (1911-1985) », Recherches internationales, n° 17, juillet-septembre 1985. — Claude Willard, « Henri Claude et les débuts de la section économique », Cahiers d’histoire, n° 62, 1996. — René Bassole (alias Creussol), Pierre Gonod (alais Jacques Servant), Fernand Nicolon, Eugène Dumoulin, « Retour sur l’histoire des débats de la section économique du CC du PCF », Cahiers d’histoire, n° 69, 1997. — Paul Noirot, La mémoire ouverte, Stock, 1976, p. 136.