LEGRAND Louis, François, Eugène, Thiébaud.

Par Jacques Girault

Né le 12 mars 1921 à Belfort (Territoire de Belfort), mort le 20 octobre 2015 à Arpajon (Essonne] ; professeur d’Université ; militant syndicaliste ; militant socialiste ; président des Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active.

Fils d’un employé de bureau et d’une contre-maîtresse, Louis Legrand, boursier, devint instituteur dans le Haut-Rhin. Maître auxiliaire dans un lycée, il commença des études de philosophie à la faculté des Lettres de Strasbourg. Professeur, il se maria en novembre 1940 à Besançon (Doubs) avec une dactylographe. Il prépara le certificat d’aptitude à l’inspection primaire et fut nommé inspecteur primaire à Colmar (Haut-Rhin). Se rendant régulièrement à Genève pour suivre les enseignements de Piaget, il privilégiait l’action pédagogique de l’inspection primaire sur la fonction de contrôle de l’activité administrative et réglementaire des instituteurs. Militant du syndicat des inspecteurs, il le représentait à la commission administrative nationale de la Fédération de l’Éducation nationale de 1957 à la fin des années 1960. Il soutint en 1960 à Strasbourg une thèse de doctorat en philosophie sur les « Principes philosophiques d’une pédagogie de l’explication. L’influence du positivisme dans l’œuvre scolaire de Jules Ferry », publiée en 1961 à Paris, chez Marcel Rivière.

Devenu inspecteur d’académie dans le Doubs, Legrand, qui travaillait sur les questions des méthodes actives en pédagogie, fut le promoteur d’un concept renouvelé d’équipes pédagogiques d’écoles et de l’ouverture de l’école sur son environnement. Ses recherches pédagogiques firent l’objet d’articles dans Le Courrier de la Recherche pédagogique, revue fondée par Roger Gal. Legrand succéda à Gal en 1966 à l’Institut national pédagogique comme directeur de recherches. Le ministère de l’Education nationale faisait alors un effort d’expérimentation avant de généraliser les nouveaux programmes (augmentation des effectifs des chercheurs, incitation aux recherches par des décharges horaires pour les enseignants, établissement d’un programme de recherches pour 1967-1971). Legrand, s’impliquant personnellement dans la réforme du français (le futur plan Rouchette), eut ainsi à « piloter la plus importante recherche jamais conduite en France » (A. Prost) sur les approches nouvelles de la pédagogie des écoles élémentaires (écoles expérimentales) et sur la pédagogie au collège où il conduisit les expérimentations dans les collèges volontaires (groupes de niveaux, pédagogie différenciée, tutorat, soutien, interdisciplinarité). Il intervint lors d’un colloque international sur les finalités de l’éducation organisé par le SNI-PEGC (8-9 novembre 1976). Il fit démarrer, avec Vincent Host, des recherches en didactique des sciences. Mais à partir de 1974-1975, sous les ministères Joseph Fontanet et René Haby, la réforme des collèges tournait le dos à ces expériences et en 1979, Legrand fut évincé de ses fonctions à l’INP devenu Institut national de la recherche pédagogique.

Louis Legrand militait dans le Parti socialiste proche du courant du CERES. Membre, sous le pseudonyme de « Lucien Didier », de l’équipe dirigeante du mouvement « Ecole et socialisme » à son lancement à la fin du mois de novembre 1975, il écrivit plusieurs articles dans les premiers numéros de sa revue (« Savoir et liberté », « Enseignement du français et sélection sociale »). Par la suite, au début des années 1980, son nom apparut en clair dans le comité de rédaction de la revue.

Professeur de psychopédagogie puis de sciences de l’éducation à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg I de 1979-1980 jusqu’à sa retraite en 1987, professeur émérite jusqu’en 1993, il collaborait régulièrement à des revues pédagogiques et était membre du comité de rédaction de la Revue française de pédagogie.

En 1981, le nouveau ministre de l’Éducation nationale Alain Savary* chargea Louis Legrand de présider une commission de travail sur l’avenir des collèges. Les syndicats adoptèrent des positions particulières. Le SGEN-CFDT, le SNIDEN ainsi que la FCPE l’approuvèrent, alors que le SNI-PEGC, selon son représentant durant la totalité des travaux Michel Gevrey*, le soutint « fermement ». Le SNALC s’y opposa. Le SNES, représentée dans ces travaux par Rosette Spire, d’accord avec certaines propositions sur l’organisation pédagogique, estima que d’autres étaient insuffisantes (concernant les contenus) ou inacceptables (les services des enseignants, les séquences de 50 minutes, le risque de créer des professeurs de collège bivalents). Les membres du cabinet du ministre et l’inspection générale se divisèrent devant l’amorce d’une « évolution vers un réel collège démocratique ». Il bénéficia de l’appui de la nouvelle directrice de l’INRP Francine Best. Le rapport parut en décembre 1982 à la Documentation française sous le titre Pour un collège démocratique, souleva des réactions hostiles de diverses origines. Savary proposa à Legrand la direction des collèges en lui « demandant de ne pas mettre en œuvre toutes ses propositions » (Francine Best). Il refusa. Dans sa déclaration du 1er février 1983 sur la « rénovation des collèges », Savary réaffirma sa confiance aux enseignants et prit des distances par rapport aux conclusions de la commission Legrand en annonçant l’ouverture d’une « démarche progressive et décentralisée dont les différentes étapes feront l’objet d’explications mais aussi de discussions avec tous les intéressés et d’abord avec les organisations représentatives ». Son successeur au Ministère, Jean-Pierre Chevènement, en juillet 1984, n’appliqua pas les propositions de la commission.

De 1994 à 1997, Louis Legrand devint président des CEMEA. Retraité, il continua à enseigner à l’Institut universitaire de formation des maîtres de Besançon. Pour ses 80 ans, l’IUFM organisa un colloque sur le « démocratie à l’école ». Il habita Besançon jusqu’en 2007, date à laquelle il ne fut plus inscrit sur les listes électorales. Par la suite, il habitait à Baumes-les-Dames (Doubs).

En 1994, Louis Legrand composa la première partie de l’ouvrage collectif sur l’histoire de la laïcité sous le titre « Approches historiques de la laïcité ». Dans le Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation (F. Nathan) en 2006, il publia un article sur « la pédagogie différenciée ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136972, notice LEGRAND Louis, François, Eugène, Thiébaud. par Jacques Girault, version mise en ligne le 11 mai 2011, dernière modification le 24 août 2021.

Par Jacques Girault

ŒUVRE :
- L’école unique : à quelles conditions ?, Paris, Éditions du Scarabée, 1981
La Différenciation pédagogique, Paris, Scarabée, 1986,
Enseigner la morale aujourd’hui ?, Paris, PUF, 1991,
Collaboration à l’ouvrage Histoire de la laïcité, Besançon, CRDP de Franche-Comté, 1994.
Les différenciations de la pédagogie, Paris, PUF, 1995
Éducation nationale : résultats insuffisants, peut mieux faire !, Paris, L’Harmattan, 2000
L’éducation nouvelle aujourd’hui, Paris, Hachette, 2000.

SOURCES : Arch. Com. Besançon (G. Samardia). — Divers sites Internet. — Archives de l’INA (rapport Legrand). — Presse syndicale. — Témoignages de Francine Best, de Michel Gevrey et d’Antoine Prost. — Notes de Jean Battut, d’Alain Dalançon et de Françoise Olivier-Utard.

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