LAGRANGE Paulette [née ROYER]

Par Slava Liszek

Née le 23 décembre 1927 à Cléré-les-Pins (Indre-et-Loire), morte le 26 février 2000 à Tours (Indre-et-Loire) ; ouvrière métallurgiste, puis technicienne de laboratoire en histologie ; syndicaliste CGT, communiste, féministe ; membre du bureau de la fédération CGT des travailleurs de la métallurgie, membre du secrétariat de l’Union départementale CGT de l’Indre-et-Loire de 1963 à 1969, membre de la commission administrative, puis exécutive, confédérale de la CGT de 1963 à 1972, membre du collectif féminin confédéral.

Fille de Paul Gabriel, garde forestier et de Madeleine-Eugénie Daveau employée de maison, Paulette Royer naquit à Cléré-les-Pins, dans l’Indre-et-Loire. À l’âge de quatre ans, elle perdit son père et fut élevée par ses grands-parents maternels jusqu’en 1938, date du remariage de sa mère, à Tours. À treize ans et demi, après son certificat d’études primaires, Paulette Lagrange commença à travailler, d’abord dans une fabrique de sabots, puis comme employée de maison. Au retour de son beau-père, qui avait été fait prisonnier en Allemagne au début de la guerre, elle réintégra le foyer maternel et fut embauchée dans une entreprise de métallurgie, la CIT (Compagnie industrielle des téléphones), en 1945, à Tours.

En 1946, elle adhéra à la CGT. La CIT était une entreprise à majorité féminine et le personnel était très jeune, totalement inexpérimenté en ce qui concerne l’action syndicale. Paulette Royer n’était pas d’une famille militante mais, instinctivement, elle « était contre l’injustice ». Elle « râlait tout le temps ». C’est ce qui fit dire à ses camarades : « Toi qui râles tout le temps, tu n’as qu’à te présenter aux élections. » Elle se présenta et fut élue déléguée du personnel. Pendant un an, comme « elle n’y connaissait rien », elle suivit à la lettre les directives de l’Union départementale : distribuait des tracts, appelait à la grève quand la CGT appelait à la grève, « et tout ça, ça passait au-dessus de la tête des filles ». Résultat : aux élections suivantes la majorité fut obtenue par les autonomes. Paulette Lagrange réfléchit et changea de méthode. Elle décida de voir les ouvrières personnellement, à leur niveau, de discuter avec chacune, puis de poser les revendications qu’elles croyaient capables d’obtenir et non les grands objectifs de la CGT à cette époque. C’est ainsi qu’elles menèrent une action pour pouvoir se présenter à un CAP de bobineuse, ce qui leur permettrait de passer à la qualification d’ouvrières professionnelles.

Au moment de la scission de Force ouvrière, le syndicat CGT avait été laminé. Grâce notamment à l’activité de Paulette Lagrange, celui-ci fut très vite reconstitué dès 1948. En mai de la même année, elle se maria avec Claude Lagrange, ajusteur outilleur à la CIT. Né le 14 février 1928, Claude avait le même âge qu’elle. Il était lui aussi syndiqué à la CGT et par ailleurs membre du Parti communiste. Trois enfants naquirent de cette union : Jean-Paul, en 1948, Pascal en 1953 et Éric en 1959. En 1950, Claude Lagrange fut licencié. « Pour mieux appréhender l’évolution sociale et ses origines », Paulette Lagrange décida de s’engager politiquement et, en 1953, elle adhéra au Parti communiste. Elle milita aussi au Mouvement de la paix.

Membre du comité exécutif fédéral de la Fédération des travailleurs de la métallurgie depuis 1952, membre du bureau de l’Union départementale CGT de l’Indre-et-Loire depuis 1954, elle fut élue au secrétariat de l’UD en 1963 et occupa ces fonctions jusqu’en 1969. En 1963 également, elle fut élue membre suppléant de la Commission administrative confédérale de la CGT où elle demeura jusqu’en 1972.

Passée ouvrière professionnelle en 1962, elle quitta la CIT, devenue COGECO et Philipps, officiellement pour des raisons de santé, en fait à la suite de menaces et de brimades de la part de la direction. Vincent Labeyrie*, qui était alors attaché au CNRS, et avec qui elle militait au Mouvement de la paix et au Parti communiste, la fit entrer dans son laboratoire comme « garçon de labo ». Peu après, elle passa un concours d’aide de laboratoire. En 1964-1965, à la demande de la fédération CGT des travailleurs de la métallurgie et en accord avec Vincent Labeyrie, elle demanda un congé sans solde et fut élue membre (permanent) du bureau fédéral. Elle y resta jusqu’en 1969, date à laquelle, suite à des problèmes familiaux, elle réintégra le laboratoire sur un poste attribué par le CNRS. Elle s’inscrivit alors à des cours du soir à la faculté de médecine, à raison d’un soir par semaine accompagnés de travaux pratiques le samedi, en vue d’obtenir un diplôme de technicienne en histologie. Elle fut reçue. Elle termina sa carrière au CNRS en 1988. Retraitée, elle milita au bureau de l’USR - CGT de l’Indre-et-Loire, puis de son secrétariat, jusqu’en 1998.

Elle mourut brutalement, fauchée par un cancer, en hiver 2000.

Membre du collectif féminin confédéral pendant de nombreuses années, Paulette Lagrange s’intéressait particulièrement au travail des commissions féminines qui, selon elle, constituaient un apport considérable pour l’évolution du syndicalisme au féminin. Dans ce sens, la Commission confédérale, dirigée par Madeleine Colin, a été « une grande aide pour les militants dans les départements et les fédérations, non seulement sur l’aspect des revendications spécifiques, mais aussi pour nous affirmer davantage dans nos responsabilités face aux militants », estime-t-elle. « Ce fut pour moi, qui avais du mal à m’exprimer dans les réunions à majorité masculine, une occasion de prendre davantage de hardiesse pour nous hisser à discuter d’égal à égal dans les réunions, et de promouvoir un grand nombre de femmes dans toutes les structures de la CGT. »

Entre autres fonctions et responsabilités, Paulette Lagrange fut membre du comité fédéral PCF d’Indre-et-Loire de 1954 à 1965. De 1970 à 1979, elle fut membre du conseil d’Université François Rabelais de Tours où elle représentait les ATOS. Pendant plusieurs années, elle exerça la fonction d’administrateur de la Sécurité sociale.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article137083, notice LAGRANGE Paulette [née ROYER] par Slava Liszek, version mise en ligne le 18 mai 2011, dernière modification le 9 septembre 2011.

Par Slava Liszek

SOURCES : Notes autobiographiques de Paulette Lagrange.— Entretien avec Slava Liszek en juin 1999. — Contribution de Paumette Lagrange au colloque « Femmes et syndicalisme », (décembre 1999). — Notes de Jean-Claude Guillon.

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