MALOSSANE Benjamin, Emmanuel.

Par Gilles Vergnon

Né le 25 décembre 1886 à Mirmande (Drôme), mort le 31 mars 1970 à Saint-Jean-en-Royans (Drôme) ; instituteur, puis directeur d’école ; militant socialiste de 1907 à sa mort ; chef civil du maquis Vercors-Sud en 1944, membre du CDL de la Drôme, maire de Saint-Jean-en-Royans de 1944 à 1965, puis maire honoraire, conseiller général de 1945 à 1955, candidat à l’Assemblée nationale constituante en 1945 et aux élections législatives en 1951.

Fils de Joseph Malossane, instituteur et secrétaire de mairie, et de Marie Alexandrine Gard, sans profession, Benjamin Malossane fut élevé dans une famille catholique (le père assurait les services religieux aux offices). À sa sortie de l’École normale d’instituteurs de Valence, en 1907, il fut en poste pendant vingt ans à l’Écharasson à Rochechinard dans le Royans, puis directeur d’école à Saint-Nazaire-en Royans. Nommé le 1er octobre 1929 directeur de l’école primaire de garçons de Saint-Jean-en-Royans, il y accomplit le reste de sa carrière.

Socialiste dès 1907, il participa aux batailles politiques des années 1930. Son nom fut cité pour la première fois au congrès fédéral de septembre 1928, où il fut élu, ainsi que Louis Ferroul*, futur maire de Saint-Nazaire, à la commission chargée de réfléchir à la création d’un journal. Dans les débats qui divisaient la SFIO, il se plaçait d’abord plutôt du côté de l’aile droite participationniste. Au congrès de Montélimar (12 janvier 1930), il déposa une motion au nom de sa section favorable à « un essai de participation du PS au pouvoir dans certains cas exceptionnels », et à certaines conditions (partage égal du pouvoir avec les radicaux, à l’exclusion de tout autre parti, programme minimum). Défenseur au congrès fédéral de 1931 de la motion « Vie Socialiste », il déposa au congrès de Pierrelatte en mai 1932 une motion de la section de Saint-Jean défendant la participation, mais « sans être dupes, ni duper personne », ce qui impliquait un « accord préalable » avec les radicaux. Évoluant vers la gauche, il défendit au congrès fédéral de Saint-Paul (22 mai 1938) une motion favorable à la minorité pivertiste. Il était en revanche nettement hostile aux accords de Munich, dénoncés comme un « affaiblissement des démocraties ». Mais son activité principale se situait alors sur le terrain scolaire et péri-scolaire : directeur d’une école publique qui ne comptait que quatre classes à son arrivée, il obtint en 1931 la création d’une cinquième classe de « cours supérieur », puis en 1933 d’un « cours complémentaire » à orientation professionnelle agricole, où il enseignait toutes les matières. Ce cours complémentaire, bientôt élargi à l’orientation industrielle et commerciale, accueillit les filles « à titre exceptionnel et précaire » à partir de 1936, ce qui nécessitait la construction de nouveaux bâtiments en 1938, et préparait officiellement en 1939 au brevet élémentaire. Parallèlement, il créa en 1930 « Ciné-Royans Éducateur », et en 1931, « L’Œuvre saint-jeannaise des enfants à la montagne et à la mer », ancêtre des colonies de vacances d’après-guerre, qui fonctionna d’abord en l’absence de toute subvention, sur les fonds du ciné-club.

D’emblée hostile à Vichy, Benjamin Malossane fut mis à la retraite d’office le 26 décembre 1941. Contacté la même année, il adhéra au mouvement « Libération », puis, un noyau de « Combat » ayant été créé à Saint-Jean par le chirurgien-dentiste Constant Berthet, il passa à « Combat », avant de se rallier à « Franc-Tireur » en janvier 1943, à l’initiative des socialistes grenoblois autour d’Aimé Pupin* et Eugène Chavant*. Participant à la fin de 1942 à la création du premier camp de réfractaires d’Ambel, responsable de la logistique et d’une filière de faux papiers, il fut le principal organisateur d’un nouveau camp (le « C6 ») au col de La Chau, au printemps 1943. Dans la clandestinité après septembre 1943, il fut désigné pour représenter le Vercors à l’Assemblée consultative d’Alger, mais, se cachant pour échapper à la police allemande, il manqua le rendez-vous et il fut remplacé par Eugène Claudius-Petit*. Il rejoignit le Vercors le 9 juin 1944, où il occupa, sous l’autorité d’Eugène Chavant, responsable civil de la « République du Vercors », les fonctions de responsable de la zone Sud, véritable sous-préfet, en charge du ravitaillement et de l’administration.

Membre du Comité départemental de Libération, à la Libération, Benjamin Malossane n’eut pas la carrière nationale que son rôle dans la Résistance et son rayonnement local pouvaient lui laisser espérer : membre intermittent du bureau fédéral (commission des conflits en 1946-1947, bureau fédéral en 1950) troisième sur la liste socialiste à l’élection de l’Assemblée nationale constituante d’octobre 1945, il fut à nouveau candidat en deuxième place en 1951 derrière Marcel Cartier*, ce qu’il sembla avoir mal accepté (il obtint d’ailleurs plus de voix -20 173- que Cartier -19 855-).

Maire de Saint-Jean de 1945 à 1965, Benjamin Malossane fut aussi conseiller général de 1945 à 1955, date de sa défaite face au gaulliste Gérard Sibeud, soutenu par le maire de Romans Paul Deval, l’UDCA et les maires des communes rurales du canton. Il fut battu par 1 260 voix (44,9 %) contre 1 275 (45,4 %), alors que le candidat communiste, qui s’était maintenu, réalisa 250 voix (8,9 %). Après l’annulation, à la suite de sa plainte, du scrutin par le Conseil d’État, il se représenta en avril 1958, et fut à nouveau battu par Sibeud dès le premier tour, avec 1 058 voix (32,5 %) contre 1 819 à son adversaire (55,9 %). Il tenta une dernière fois, après avoir quitté la SFIO, de reconquérir son siège aux élections cantonales de 1961, se présentant comme candidat de « l’Union des forces de progrès social », pour « l’unité d’action de tous les partis de gauche ». Cette fois, le vétéran socialiste avait contre lui, en sus du communiste Anatole Allégret*, un candidat officiel de la SFIO, Louis Ferroul*. Après ce dernier échec, il renonça à se représenter aux élections municipales de 1965, après avoir rédigé une brochure-bilan de son action.

La Volonté socialiste du 4 avril 1970 annonça son décès en douze lignes seulement. Classé « SFIO tendance gauche » par les Renseignements généraux en 1949, Benjamin Malossane se définissait mieux comme un « laïque à outrance », selon les termes d’un autre rapport des RG, et le parangon d’un socialisme très « jauresien ».

Benjamin Malossane, auteur, avec Gaby Monnet, du « Chant des Pionniers du Vercors », était officier de l’Instruction publique (1934), médaillé de la Résistance (1947), chevalier de la Légion d’Honneur (1949). Il fut vice-président de l’Association nationale des Pionniers et Combattants volontaires du Vercors. Le collège (CEG, puis CES) de Saint-Jean-en-Royans porte son nom depuis 1975.

Il s’était marié le 4 août 1908 avec Juliette Antelme à Rochechinard (Drôme). Le couple eut deux enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article137154, notice MALOSSANE Benjamin, Emmanuel. par Gilles Vergnon, version mise en ligne le 27 mai 2011, dernière modification le 27 avril 2013.

Par Gilles Vergnon

SOURCES : Entretien avec Aimé Guillet (avril 1996) et lettres d’Aimé Guillet. — Arch. Dép. Drôme, 518 W 169, 176, 192, 193. — Archives de la fédération de la Drôme du PS. — La Volonté socialiste, 1930-1940 et 1944-1970. — Paul Dreyfus, Vercors, citadelle de liberté, Grenoble, Arthaud, 1997. — Benjamin Malossane, « La tragédie du Vercors », conférence à Montélimar le 22 juin 1949 (Archives nationales, 72 AJ 121). — Gilbert François, « La Résistance à Saint-Jean-en-Royans », Le Pionnier du Vercors, 45, janvier 1984. — Ville de Saint-Jean-en-Royans, Vingt ans d’administration municipale. 6 octobre 1944- 14 mars 1965. — Note de Jacques Girault.

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