KATZ Lazar, dit VICTOR André, dit LAFITTE Victor, écrit parfois par erreur LAFFITTE Victor

Par Daniel Grason, Danielle Papiau

Né le 11 février 1910 à Botosani (Roumanie), mort en janvier 1999 ; docteur en médecine, psychiatre ; militant communiste ; résistant.

Orphelin de mère, Lazar Katz, était le fils d’un petit commerçant juif, de Botosani. Comme nombre d’étudiants fuyant les campagnes antisémites de Roumanie ou de Pologne, il vint suivre ses études de médecine en France. Très cultivé, il parlait l’allemand, l’anglais, le roumain et comprenait l’espagnol. Lazar Katz adhéra et milita à la Jeunesse communiste de France sous le nom d’André Victor. Il devint secrétaire du Rassemblement mondial des étudiants et travailla en liaison avec l’Internationale communiste des jeunes (ICJ) et son secrétaire général Raymond Guyot*, fut permanent de l’ICJ, se déplaçant en Angleterre, en Belgique, au Danemark (1935), en Espagne (1937-1938), en Tchécoslovaquie (1938). Sa plus belle réussite fut l’organisation en août 1938, aux États-Unis, du 2e congrès mondial de la Jeunesse pour la Paix, sous l’égide de la Société des nations. André Hoschiller (voir André Carrel) de l’Union fédérale des étudiants (UFÉ) travailla à ce succès avec l’aide discrète d’André Victor. Plus de 2 500 délégués de 52 pays se réunirent à l’université de jeunes filles de Vassar College, en présence d’Eleanor Roosevelt, femme du président des États-Unis.
Lazar Katz milita en milieu étudiant et assuma plusieurs responsabilités : membre du secrétariat national de l’UFÉ, responsable du groupe de langue roumaine (1932-1933) ; rédacteur de Correspondance balkanique, collaborateur de Correspondance internationale (1933-1934) ; secrétaire du Rassemblement mondial étudiant ; responsable de la Commission internationale des étudiants communistes. Dans le cadre de ses activités militants, il fut arrêté en 1934, place de la République. Malgré son activité débordante, Lazar Katz n’en poursuivit pas moins ses études. Le 14 mars 1939, il obtint son certificat d’aptitude au grade de docteur en médecine auprès de la faculté de médecine de Paris. Son diplôme fut enregistré en 1947. Après la dissolution des organisations communistes et la déclaration de guerre, il se présenta, le 4 octobre 1939, au Centre d’engagements spéciaux de la Légion étrangère, à l’École militaire. Il fut reconnu apte pour le service armé. À Botosani, le frère de Lazar Katz applaudit l’entrée de l’Armée rouge qui annexa cette région de Bucovine en application du pacte germano-soviétique.
En 1939 et 1940, Lazar Katz écrivit des tracts du PCF, de l’Humanité clandestine dans le Ve arr. de Paris. Il fut responsable d’un groupe de militants de l’arrondissement et de l’hôpital de la Salpêtrière. Selon ses souvenirs, André Carrel retrouva le contact avec le PCF, en 1940, grâce au hasard d’une rencontre avec lui, boulevard Saint-Michel. Tombant sous le coup des lois antisémites de Vichy, Lazar Katz fut recherché pour non déclaration de sa qualité de juif. La police se présenta huit fois à son domicile et il fut interpellé fin novembre 1941, mis en liberté provisoire puis condamné par défaut en 1942. Fin 1941, il fit partie, avec le Dr Perrin et le Dr Jean Coste, du comité des médecins formé sous l’égide du Front national, puis en 1943 du Front national des médecins. Il assura le secrétariat de rédaction du Médecin français jusqu’à la Libération et aida les jeunes requis à se soustraire au STO grâce à de faux dossiers médicaux.
Lors de la Libération de Paris, Lazar Katz dirigea le fonctionnement des équipes mobiles de médecins et de chirurgiens de la région parisienne. Pour ses actions dans la Résistance, il reçut la Croix de Guerre avec Étoile de bronze le 5 décembre 1944, des mains du général Deligne, du lieutenant-colonel Georges et du général Koenig. Il reçut également la médaille de la Résistance française le 10 octobre 1947 et fut homologué lieutenant FFI. Lazar Katz devint officiellement français, sous le nom de Victor Lafitte, le 27 novembre 1946, le décret de naturalisation était signé Georges Bidault, pour le Gouvernement provisoire de la République Française.
Marié, père de trois enfants, il fut médecin psychiatre, attaché à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. Il travailla également à la polyclinique des métallurgistes des Bluets, à la polyclinique des services publics et fut docteur de la consultation neuro- psychiatrie au Centre médico-social municipal de Gennevilliers. Lors de l’inauguration officielle de ce centre, en 1950, il était cité en compagnie des docteurs Henri Chrétien, Hector Descomps, Jean Dalsace et Pierre Framusan. Raymond Guyot, membre du bureau politique du PCF, coupa le ruban tricolore en compagnie de Waldeck L’Huillier, député maire de la ville.
Au sein du PCF, Victor Laffite fut en 1947, secrétaire de la commission médicale et de la section des intellectuels ainsi que responsable du Médecin français jusqu’en 1949. Il milita également à France-URSS. Syndiqué à la CGT, dans le cadre de la Fédération des Services Publics, en 1946, il fut membre du conseil du syndicat des médecins de dispensaire, membre de l’Union des médecins français. Il participa à La Raison, en explicitant notamment les raisons politiques de l’intérêt du Pavlovisme et du Mitchourinisme : « Dans cette perspective [la prise en compte des conditions sociales], on conçoit toute l’importance des doctrines mitchouriniennes en psycho pathologie. Elles nous ouvrent des perspectives révolutionnaires et optimistes, nous permettent de lutter contre les dispositions héréditaires, d’éviter la fatalité biologique en modifiant les conditions de milieu […]. Perspectives optimistes, nous permettant d’envisager dix libertés ». Victor Lafitte participa également aux débats sur la psychanalyse. En octobre 1948 il publia dans la revue La Pensée, un article dans lequel il affirmait que « la psychanalyse est une doctrine irrationnelle dont le renouveau intervient à la faveur de la vague actuelle d’irrationalisme et d’obscurantisme placée sous le double patronage de Wall Street et du Vatican ; elle apporte certes des lumières intéressantes sur la formation de la sexualité infantile mais, de par sa nature irrationnelle et idéaliste, elle ne peut prétendre qu’à un statut de vague mystique. » Il tint régulièrement dans Femmes Françaises, la « Chronique du docteur » dans laquelle il ne manquait pas de « célébrer les mérites de la science socialiste » selon Renée Rousseau.
Membre de la commission nationale des médecins du PCF, il y fut le porte-parole de la direction. Au nom de l’orthodoxie, il contesta les résultats annoncés par les docteurs Fernand Lamaze et Pierre Vellay concernant l’accouchement sans douleur, technique venue d’Union Soviétique, à la clinique des Bluets qui revendiquaient un taux de réussite identique à celui de l’URSS. Impossible, selon lui, dans un système qui n’avait pas les « conditions sociales et sanitaires réalisées en URSS ». Au sein de sa cellule, il accusa en 1953, un médecin des Bluets de déviation par rapport à l’orthodoxie pavlovienne, conflit qui alla jusqu’à la fédération de la Seine, et provoqua une vigoureuse réaction des médecins communistes de la polyclinique. Yves Cachin, responsable de la commission des médecins communistes, fut chargé de régler le conflit. Il fit embaucher René Angélergues pour travailler dans l’équipe des Bluets et réduire la fonction de Lafitte à la consultation, sans lien avec la maternité. Victor Lafitte dut faire son autocritique devant la fédération de la Seine en présence de Raymond Guyot qui trancha en faveur de Fernand Lamaze.
L’année 1953 fut également marquée, en URSS, par le « complot des blouses blanches ». Victor Leduc a relaté le rôle de Lafitte dans la campagne menée en France : « Victor Lafitte déclarant agir au nom du Parti avait demandé et obtenu la signature d’un certain nombre de médecins communistes en bas d’un texte affirmant leur confiance dans la justice et le pouvoir soviétiques. La plupart des médecins incriminés étaient juifs, ce qui donnait à l’affaire un sensible relent d’antisémitisme. Pour tenter de parer à cette accusation, la pression fut particulièrement vive pour obtenir les signatures de médecins communistes d’origine juive. Lorsque parut le communiqué réhabilitant les médecins soviétiques reconnus innocents quelques mois après la mort de Staline, le trouble fut considérable chez les médecins communistes ». Selon Leduc, Victor Lafitte fut désigné comme « le pelé, le galeux d’où vient tout le mal ». En novembre 1956, lors de l’entrée des troupes soviétiques à Budapest, Yves Cachin convoqua une réunion des membres de la revue La nouvelle médecine. Un vote de protestation fut « votée à l’unanimité moins quatre voix, dont celle de l’éternel Victor Lafitte ».
Durant les années soixante-dix, Victor Lafitte était toujours membre de la commission des médecins du PCF. En 1969, il écrivit dans France Nouvelle un article sur la situation de la médecine salariée et son développement par rapport à la médecine libérale, en dehors de toute référence aux médecins fonctionnaires, notamment à ses confrères des hôpitaux psychiatriques. En 1975, dans La Pensée, il se prononça « Pour une déontologie de la médecine salariée ». Toute la carrière de praticien de Victor Lafitte se déroula dans des organismes de santé, plus ou moins créés à l’initiative des communistes. Il se situa dans l’univers médical comme médecin et à aucun moment, il ne privilégia les questions de la psychiatrie. Dans cette logique, il resta toujours opposé à la psychanalyse.
Victor Lafitte a été homologué FFI, et Chevalier de la Légion d’honneur, un hommage lui fut rendu dans le journal de l’ANACR, France d’Abord.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article137271, notice KATZ Lazar, dit VICTOR André, dit LAFITTE Victor, écrit parfois par erreur LAFFITTE Victor par Daniel Grason, Danielle Papiau, version mise en ligne le 4 juin 2011, dernière modification le 2 mai 2021.

Par Daniel Grason, Danielle Papiau

SOURCES : Arch. Nat. 72 AJ 80 (1994), témoignages sur le Comité médical de la résistance (Notes d’Emmanuelle Picard). – Arch. PPo, PCF carton 26. – Bureau Résistance GR 16 P 3171124. – Arch. Dép. Bobigny, notes du comité national du PCF. – André Carrel, Mes humanités. Itinéraire d’un homme engagé, Éd. L’Œil d’or et MRN, 2009. – Le PCF et l’inconscient, Vie sociale et Traitements, septembre 2005. – Marianne Caron-Leulliez, Jocelyne George, L’accouchement sans douleur. Histoire d’une révolution oubliée, Éd. de l’Atelier, 2004. – Cédric Meletta, Une biennale de l’engagement militant : Le Front populaire de la jeunesse de Paris (1935-1937), Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 74 avril-juin 2004. – Yves Santamaria, 1939, Le Pacte germano-soviétique, Éd. Complexe, 1998. – Joël Kotek, La jeune garde. La jeunesse entre KGB et CIA, 1917-1989, Éd. Seuil, 1998. – Jean-Jacques Marie, Les derniers complots de Staline. L’affaire des blouses blanches, Éd. Complexe, 1993. – Dominique Rémy, Les lois de Vichy, Éd. Romillat, 1992. – Annie Kriegel, Ce que j’ai cru comprendre, Éd. R. Laffont, 1991. – Victor Leduc, Les tribulations d’un idéologue, Éd. Syros, 1986. – Renée Rousseau, Les Femmes Rouges. Chronique des années Vermeersch, Éd. A. Michel, 1983. – Thèse de doctorat : Marc Giovaninetti, 50 ans au cœur du système communiste : Raymond Guyot, un dirigeant du PCF, Université Paris XIII, 2009. – Le Journal de la Résistance, France d’Abord, février 1999. – Victor Lafitte, La Raison, n° 1, 1951. – La Pensée, septembre-octobre 1975, Pour une déontologie de la médecine salariée. – Femmes Françaises, 29 août 1953. – l’Humanité, 31 juillet au 1er septembre 1938 ; 1er janvier au 7 avril 1953. – Arch. Mun. Gennevilliers, La Voix populaire, 28 octobre 1950.

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