KOLHMANN Jean (Hans) dit Jean Chou

Par Pierre Bonnaud

Né le 14 septembre 1920 à Oppeln (Silésie, Allemagne, aujourd’hui Opole, Pologne), mort le 14 octobre 1968 à Talencieux (Ardèche) ; ouvrier papetier puis employé magasinier ; résistant FTP, militant socialiste, secrétaire de la section SFIO d’Annonay (Ardèche) en 1953, syndicaliste CGT.

Jean Kolhmann à la Libération
Jean Kolhmann à la Libération

Né dans une famille de religion protestante « portée à l’examen de conscience et au respect d’une forme de morale » (témoignage de sa famille), orphelin de père dès le plus jeune âge, Hans Kohlmann fut élevé par sa mère Margareth, employée des douanes, et une tante, hostiles au nazisme.

Hans Kohlmann avait fait des études secondaires et était titulaire d’un diplôme allemand équivalent au baccalauréat. Affecté en 1939 dans un chantier de fortifications à la frontière Luxembourgeoise, il choisit de fuir le régime hitlérien. Il franchit la frontière et fut emprisonné au Luxembourg. Relâché lors de l’offensive allemande de mai-juin 1940, il put rejoindre la France mais dut fuir vers le sud. Durant l’exode, il fut gravement blessé en Lorraine, et perdit l’usage d’un œil. Contrôlé par la police française, « étranger indésirable », il fut interné au camp des Milles (Vaucluse) puis dans celui de Gurs (Pyrénées) où la Cimade prit contact avec lui.

À la fin de l’été 1941, il fut contraint par les autorités de Vichy d’embarquer avec d’autres réfugiés dans un train que ses occupants, soupçonnant sa destination (l’Allemagne ?) parvinrent à arrêter. Il se retrouva en Haute-Savoie (dans la région d’Annecy), affecté dans un GTE. Il parvint à passer en Suisse, mais fut refoulé. Toujours en contact avec la Cimade qui lui procura une marraine de guerre (Renée Coulin à Annecy qui aida et protégea de nombreux réfugiés), il fut déplacé vers les chantiers forestiers de la Drôme pour la fabrication de charbon de bois, puis semi-clandestin, il trouva refuge en Ardèche, à Alboussière, au début de l’année 1944. Le pasteur Besset y accueillait des réfugiés étrangers ( en particulier des familles juives), logés à l’hôtel Beauséjour.

Le 18 février 1944, le village fut investi par l’armée allemande. Cinquante-neuf personnes furent arrêtées, cinq réussirent à s’enfuir, dont Hans Kohlmann. Il put rejoindre un maquis qui opérait dans le nord de l’Ardèche : la 7101e compagnie FTP. Ses camarades lui attribuèrent le pseudonyme de Jean Chou. Ce groupe de maquisards changeait fréquemment de base et pratiquait une guérilla active, effectuant notamment de nombreux sabotages sur les voies ferrées de la rive droite du Rhône. Le 8 mars 1944, la compagnie de Hans Kohlmann échappa à une opération punitive de l’armée allemande qui commit de nombreuses exactions dans le secteur de Toulaud.

Lors de l’épisode de la « République d’Annonay », (libération provisoire de la ville du 6 au 19 juin 1944), la compagnie de Kohlmann fut envoyée en renfort et hébergée au séminaire Saint-Charles. Les jeunes maquisards furent chaleureusement accueillis. Kohlmann fit la connaissance de sa future épouse, Josette Girodet (née le 22 mars 1923 à Annonay). Il participa à la défense de la ville, notamment le 11 juin lors des combats dits « du Four à chaux », mais Annonay dut être bientôt évacuée par les forces de la Résistance.

La 7101e compagnie se replia sur Lamastre et Hans Kohlmann participa à la plupart de ses actions jusqu’à la libération du département. Ses qualités militaires lui valurent d’être proposé au grade de lieutenant : l’Etat-major FTP envisageait de lui confier le commandement d’une compagnie d’étrangers mais la libération précoce du département rendit caduc le projet.

Hans Kohlmann revint à Annonay où il se fixa après son mariage. En 1946, il entra comme ouvrier aux papeteries Canson du site Faya où travaillait son épouse. Il y demeura jusqu’en 1960. Après un licenciement lié à une restructuration de l’entreprise, il devint magasinier aux établissements Rousselet à Annonay puis à partir de 1966 dans l’entreprise Everitube à Andance (Ardèche) où il adhéra à la CGT. Son épouse exerça la profession d’aide maternelle de l’école publique à partir de 1953.

Au début des années cinquante, par l’intermédiaire de la Croix-rouge Hans Kohlmann retrouva le contact avec sa famille allemande, expulsée de Silésie aux lendemains de la guerre, installée dans la région de Brême ( RDA) et il put lui rendre visite.

En 1947, il avait obtenu la nationalité française. Il opta pour le prénom Jean. Il adhéra à la section socialiste SFIO d’Annonay et en devint le secrétaire en 1953. Candidat aux élections municipales d’avril 1953 sur la liste d’ « Union démocratique » SFIO conduite par Ferdinand Janvier et Daniel Aimé qui obtint 19,5 % des voix et cinq conseillers, il ne fut pas élu mais participa aux négociations avec les communistes (27,9 % des voix, sept élus) et le MRP (14,3 %, quatre élus) qui aboutirent à l’élection de Daniel Aimé au poste de maire.

Dans les années soixante, il participa activement à la politique municipale de jumelage qui faisait ses premiers pas, inspirée par un prêtre, le curé Poinard. Il se dépensa sans compter, exerça ses talents de traducteur pour la réussite du jumelage entre Annonay et Backnang (Souabe-Franconie, en RFA). Jean Kohlmann ne manquait jamais de participer aux réunions et cérémonies commémoratives de la Résistance . Il était probablement membre de l’ACVR. Cependant ses liens avec la SFIO locale se distendirent dans les années soixante : il quitta le Parti socialiste.

Protestant pratiquant dans une société annonéenne dominée par le catholicisme traditionnel, cultivé, doté d’un esprit littéraire, Jean Kohlmann publia des contes à plusieurs reprises dans les colonnes du Dauphiné libéré. Il parlait couramment trois langues. Malgré cela il se heurta à un véritable ostracisme en raison de ses origines allemandes et de la non reconnaissance de sa qualification par le patronat local. La direction de la société Canson lui demandait des travaux de traduction en sus de ses journées de travail y compris après son départ forcé de l’entreprise, sans aucune reconnaissance dans l’établissement. De même, en dépit de ses bonnes relations avec Ferdinand Janvier, ancien maire socialiste d’Annonay et ancien directeur de l’entreprise Besset, il ne put obtenir un emploi administratif chez ce gros employeur annonéen (Besset était devenu la Saviem). Profondément blessé, usé par la ségrégation dont il faisait l’objet, Hans Kohlmann mit fin à ses jours en 1968. Il était selon son acte de décès domiclié à Annonay.

Il était père de deux enfants, Marie-Claude et Gérard Kohlmann qui devinrent enseignants (professeur de lettres et professeur des écoles).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article137426, notice KOLHMANN Jean (Hans) dit Jean Chou par Pierre Bonnaud, version mise en ligne le 25 juin 2011, dernière modification le 6 janvier 2016.

Par Pierre Bonnaud

Jean Kolhmann à la Libération
Jean Kolhmann à la Libération
Demande de naturalisation de Jean Kolhmann
Demande de naturalisation de Jean Kolhmann

SOURCES : Notice Hans Kohlmann in Les étrangers dans la Résistance en Ardèche, dossier pédagogique réalisé par l’Association du Musée départemental de la Résistance en Ardèche, Le Teil, s.d. — Louis-Frédéric Ducros, Montagnes ardéchoises dans la guerre, t. II Valence, 1981. — CD Rom AERI La Résistance en Ardèche, Paris 2004. — Dossiers de l’OURS, notes de G. Morin. – Bernard Ganne, Gens du cuir, gens du papier, éditions du CNRS, Paris, 1983. — Renseignements recueillis auprès de Josette, Marie-Claude et Gérard Kohlmann . — Etat civil.

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