KAST Pierre

Par Marc Giovaninetti

Né le 22 décembre 1920 à Paris, mort le 20 octobre 1984 ; écrivain, cinéaste ; résistant ; militant communiste parisien ; responsable étudiant des Jeunesses communistes puis de l’UJRF.

Issu d’une famille de la bourgeoisie protestante parisienne, Pierre Kast fit ses études au lycée Henri IV dès la classe de sixième, inscrit en section latiniste, la plus prestigieuse. Il y était encore en 1938-1939. Leur professeur de philosophie René Maublanc, membre du Parti communiste, exerça une grande influence sur lui comme sur ses condisciples, parmi lesquels son ami Pierre Daix, sans toutefois aller jusqu’à les encourager à adhérer. Pierre Kast était déjà passionné de romans et de cinéma, français ou américain, de musique aussi, et sur le plan politique et générationnel, La Conspiration de Paul Nizan, « imprégné de romantisme révolutionnaire », fut pour lui et pour Daix « un livre culte », bientôt renforcé par la lecture de Jacques Decour*. Les deux jeunes gens s’engagèrent à la fin du mois de septembre 1939 dans le Parti communiste devenu clandestin.

Après la défaite de 1940, alors étudiant en lettres à la Sorbonne, Pierre Kast fut de ces militants qui s’élevèrent contre l’Occupation et Vichy, spécialisé dans l’introduction discrète de tracts communistes dans les livres des librairies universitaires, sous les paliers des portes du quartier ou dans les escaliers de la bibliothèque Sainte-Geneviève. Il fut un des organisateurs au Quartier latin de la manifestation du 11 novembre 1940. Arrêté quelques jours plus tard, il retrouva à la prison de la Santé ses amis Pierre Daix* (qui survécut à la déportation), Bernard Kirchen* (qui fut plus tard fusillé), Olivier Souef *(qui mourut en déportation). Il passa en procès en février 1941, et après cinq mois de détention, il plongea dans la clandestinité. Il garda un rôle dirigeant parmi les étudiants communistes, secondé notamment par Ginette Cros. Avec quelques autres, ils fondèrent à l’instigation du parti communiste clandestin l’Union des Étudiants patriotes en 1943. Pierre Kast réussit à échapper pendant quatre ans à toutes les recherches policières, bien que participant des groupes armés qui fomentaient des attentats contre l’armée d’Occupation dans la capitale. Au 14 juillet 1944, c’est lui qui prit la parole à l’issue de la manifestation organisée à Belleville, mollement réprimée par la police qui commençait à changer de camp. Après la Libération, il accueillit ses camarades survivants à la déportation, parmi lesquels Pierre Daix, rentré de Mauthausen, qu’il « aida à se réadapter ».

Dès l’automne 1944, Il fut confirmé au comité national des Jeunesses communistes, à la tête desquelles le PCF prolongeait le mandat d’avant-guerre de Raymond Guyot, secondé par Léo Figuères qui avait dirigé l’organisation en zone Sud. Quand les JC se muèrent en Union de la Jeunesse républicaine de France, en avril 1945, Pierre Kast y garda sa responsabilité en direction des étudiants pendant quelques mois, conjointement avec François Lescure. Son ami Daix le retrouva en mai, « à la fois très sérieux et désinvolte », se destinant déjà au cinéma. Il fonda dès 1945 le Ciné-club universitaire, fut reçu premier au concours d’entrée à l’IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques, devenue la Fémis), mais démissionna, attiré par d’autres projets.

Au mois d’août 1945, le secrétariat de la nouvelle organisation de jeunesse prévoyait de relever Kast au 15 septembre. Pierre Daix fut sollicité par Léo Figuères* pour prendre la place de son ami, mais nullement tenté par l’affadissement des principes communistes qu’accompagnait la nouvelle dénomination, il repoussa la proposition avec dédain, d’autant que Kast n’avait pas été prévenu. Celui-ci était déjà marié, avait un bébé, et commença cette année-là sa carrière professionnelle, devenant le collaborateur de Henri Langlois à la Cinémathèque. Il resta toutefois membre du Parti, alimentant sa presse de critiques de films, Action notamment, cette revue dirigée par Maurice Kriegel-Valrimont, qui ne faisait pas figure d’organe officiel comme le fut bientôt La Nouvelle Critique. Il y signa conjointement avec Roger Vailland une série de cinq articles destinés à « illustrer l’offensive catholique subie par Hollywood », qui provoquèrent un certain émoi d’après Annie Kriegel*. Celle-ci était un des rédacteurs phares de la Nouvelle Critique, avec Pierre Daix, et d’après ce dernier, pour cette raison, dès 1949, il n’était plus pour Kast un « interlocuteur ». « Le dialogue s’avérait impossible », écrit-il avec regret. Plus encore, Daix aurait pressenti que son ami, comme d’autres, « serait rejeté par le Parti ». C’est Kast en fait qui rejeta le Parti, comme tant d’autres en effet, suite aux événements de 1956 dans le monde communiste.

Le reste de la biographie de Pierre Kast se confond avec sa carrière de cinéaste, et secondairement de romancier. Bien que moins connu que les Truffaut, Rivette ou Chabrol, il fut un des artistes en vue de la Nouvelle Vague, critique des Cahiers du Cinéma et réalisateur de nombreux films. Assistant de Jean Grémillon*, il tourna ses premiers courts métrages en 1949, son premier long métrage personnel date de 1957, et sa carrière ne connut guère d’interruptions. Il se singularisait par son goût particulier du fantastique, voire de la science fiction, de l’Antiquité romaine, des dialogues inspirés de grands auteurs. Il s’inspirait aussi de sa passion des voyages culturels, au Portugal et en Italie particulièrement. Le paragraphe consacré à son œuvre en énumère les titres. Son dernier film, L’Herbe rouge, était une adaptation pour la télévision du roman de Boris Vian qui avait été son ami et qu’il fit tourner dans plusieurs films. Pierre Kast fut aussi scénariste, et produisit des documentaires autant que des films de fiction, pour la télévision comme pour le cinéma. Entre 1975 et 1981, il publia trois romans, également dans la veine fantastique ou historique.

Sa mort prématurée, à l’âge de soixante-quatre ans, survint à bord d’un avion qui le ramenait de Rome à Paris, suite à un malaise cardiaque, la veille du jour ou s’éteignait aussi son ami François Truffaut, et la disparition de l’un éclipsa quelque peu celle de l’autre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article137452, notice KAST Pierre par Marc Giovaninetti, version mise en ligne le 1er juillet 2011, dernière modification le 4 juillet 2022.

Par Marc Giovaninetti

ŒUVRE : Assistant réalisateur : Pattes blanches, de Jean Grémillon, 1949 ; L’Étrange Madame X, de Jean Grémillon, 1951 ; French Cancan, de Jean Renoir, 1955 ; Les Carnets du Major Thompson, de Preston Sturges, 1955. — Scénariste : Arithmétique, coécrit avec Raymond Queneau, 1951 ; Je sème à tout vent, coécrit avec François Chalais, 1952 ; Le Manteau rouge (Il Mantello rosso), 1955 ; Des ruines et des hommes, coécrit avec Marcelle Lioret, 1959 ; Le Bel Âge, coécrit avec Jacques Doniol-Valcroze, 1960 ; Une question d’assurance, 1960 ; La Morte saison des amours, 1960 ; Merci Natercia !, coécrit avec Peter Oser, 1960 ; Vacances portugaises, coécrit avec Alain Aptekman, Jacques Doniol-Valcroze et Robert Scipion, 1963 ; Le Grain de sable, coécrit avec Alain Aptekman, 1964 ; Une balle au cœur, coécrit avec Didier Goulard et Jean-Daniel Pollet, 1965 ; La Brûlure de mille soleils, coécrit avec Eduard Luis, 1965 ; Les Carnets Brésiliens (télé), 1966 ; Bandeira Branca de Oxalá, coécrit avec Jean-Gabriel Albicocco, 1968 ; Le Maître du temps, coécrit avec Jean-Daniel Pollet, 1970 ; Le Petit matin, coécrit avec Jean-Gabriel Albicocco, 1971 ; Les Soleils de l’Ile de Pâques, 1972 ; L’Ironie du sort, coécrit avec Paul Guimard et Édouard Molinaro, 1974 ; Un animal doué de déraison (A Nudez de Alexandra), 1976 ; Le Soleil en face, coécrit avec Alain Aptekman, 1980 ; La Guérilléra, coécrit avec Antonio Tarruella, 1982 ; L’Herbe rouge (télé), 1985. —Réalisateur : Les Charmes de l’existence, coréalisé avec Jean Grémillon (court métrage), 1949 ; Les Femmes du Louvre (documentaire), 1951 ; Arithmétique (documentaire), 1951 ; Je sème à tout vent, 1952 ; Monsieur Robida, prophète et explorateur du temps avec Jacques Doniol-Valcroze (court métrage), 1954 ; L’Architecte maudit : Claude-Nicolas Ledoux (court métrage), 1954 ; Le Corbusier, l’architecte du bonheur (court métrage), 1957 ; Amour de poche, 1957 ; Images pour Baudelaire, 1959 ; Des ruines et des hommes, coréalisé avec Marcelle Lioret (court métrage), 1959 ; Le Bel Âge, 1960 ; Une question d’assurance, 1960 ; La Morte saison des amours, 1960 ; Merci Natercia !, 1960 ; P.X.O. (documentaire), 1962 ; Vacances portugaises, 1963 ; Le Grain de sable, 1964 ; La Brûlure de mille soleils (court métrage), 1965 ; Les Carnets brésiliens (documentaire télé), 1966 ; La naissance de l’Empire romain (essai documentaire pour la collection Présence du passé, de Jean Chérasse, Jean Mauduit et Bernard Revon), 1966 ; Le Vendredi noir (essai documentaire pour la même collection), 1967 ; Marguerite Yourcenar (portrait pour la série Vocation), 1967 ; Bandeira Branca de Oxalá (documentaire), 1968 ; Drôle de jeu, coréalisé avec Jean-Daniel Pollet, 1968 ; Les Soleils de l’Ile de Pâques, 1972 ; Un animal doué de déraison (A Nudez de Alexandra), 1976 ; Le Soleil en face, 1980 ; La Guérilléra, 1982 ; L’Herbe rouge (télé), 1985. — Romancier : Les Vampires de l’Alfama, Olivier Orban, 1975 ; Le Bonheur ou le pouvoir, ou Quelques vies imaginaires du prince de Ligne, du cardinal de Bernis, du roi Louis XV et de l’architecte Claude-Nicolas Ledoux, Jean-Claude Lattès, 1980 ; La Mémoire du tyran : treize miroirs pour l’empereur Tibère, Jean-Claude Lattès, 1981. — Entretiens avec Roger Vailland, Le roman en images, Ed. Subervie, 1970.

SOURCES : Archives du PCF, fonds Raymond Guyot, 283 J 3 et 4. — Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la jeunesse, Ed. sociales, 1969. — Pierre Daix, J’ai cru au matin, Robert Laffont, 1976 ; Tout mon temps. Révisions de ma mémoire, Fayard, 2001. — Interview de Pierre Daix par Jeannine Verdès-Leroux, dans Le Parti communiste, les intellectuels et la culture, tome 1, Au service du Parti (1944-1956), Fayard, 1983. — Annie Kriegel, Ce que j’ai cru comprendre, Robert Laffont, 1991. — Jacques Varin, « Les étudiants communistes, des origines à la veille de Mai 1968 », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 74, 2004. — Article « Pierre Kast », Cinémathèque française <cinema.encyclopedie.personnalites.b...> . — Article « Pierre Kast », Encyclopaedia universalis, <www.universalis.fr/encyclopedie/pie...> . —Article « Pierre Kast », Wikipedia, <fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Kast> .

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