LAPEYRE Roger

Par Louis Botella, Jeanne Siwek-Pouydesseau

Né le 4 avril 1911 à Bordeaux (Gironde), mort le 9 février 1991 à La-Celle-Saint-Cloud (Yvelines) ; inspecteur du travail et de la main d’œuvre puis directeur adjoint du travail ; syndicaliste CGT puis Force Ouvrière ; secrétaire général de la Fédération CGT des Travaux publics (1944-1947) puis secrétaire général de la Fédération FO des Travaux publics et des transports (1948-1973) ; secrétaire de la Fédération générale des Fonctionnaires FO, membre de la commission exécutive confédérale FO de 1948 à 1960 ; collaborateur à La Révolution prolétarienne ; membre du Conseil économique et social (1947-1951).

Roger Lapeyre
Roger Lapeyre

Roger Lapeyre était le fils du mécanicien Guillaume Lapeyre. Ingénieur des travaux publics, inspecteur du travail et de la main d’œuvre dans les transports, il milita à la fin des années 1930 au sein de la CGT et il représenta plusieurs syndicats de sa fédération lors du congrès confédéral de la CGT qui eut lieu du 14 au 17 novembre 1938 à Nantes.

À la suite d’un appel lancé en août 1948 par La Révolution prolétarienne sous le titre « Europe-America », Roger Lapeyre entra en relation avec Albert Camus le 5 novembre 1948. Prenant les idées générales du manifeste Europe-America, Roger Lapeyre et ses amis proposèrent que sous le vocable « Groupe de liaisons internationales » l’action intervienne sur deux plans bien définis : amitié internationale avec entraide matérielle directe ; échange d’informations. Selon Roger Lapeyre, la réalisation fut immédiate car autour d’Albert Camus se groupèrent ses amis : Jean-Bloch-Michel et Gilbert Sigaux. D’autres les rejoignirent tout de suite : Gilbert Walusinski, Denise Wurmser, Daniel Martinet, Nicolas Lazarevitch, Henriette Pion, Charles Cordier, Georges Courtinat, etc. Un manifeste fut établi ; Roger Lapeyre joua un grand rôle dans sa rédaction. Les relations entre Roger Lapeyre et Albert Camus furent étroites jusqu’au décès de ce dernier intervenu le 4 janvier 1960.

Il fut élu le 25 novembre 1944, secrétaire général par intérim de la Fédération CGT des Travaux publics. Il en devint le secrétaire général lors du congrès fédéral de décembre 1946.
Lors du congrès confédéral d’avril 1946, il vota contre le rapport d’activité présenté par la direction sortante de la CGT.

En 1946, il fut membre du bureau de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT et secrétaire général adjoint de la Fédération des Travaux publics et des Transports. Au cours de la réunion des 12 et 13 novembre 1947 du comité confédéral national, Roger Lapeyre soutint, au nom de sa fédération, le texte de la minorité présenté par Léon Jouhaux, refusant « de souscrire à une décision qui, en faisant dépendre l’activité syndicale d’autres assemblées que les assemblées régulières, risque de briser l’unité ouvrière ».

À la scission de 1948, il joua un rôle essentiel en entraînant à Force Ouvrière les syndicats non ouvriers de cette Fédération. Les syndicats nationaux composant la Fédération CGT des Travaux publics optèrent majoritairement pour Force Ouvrière, notamment ceux des personnels administratifs, des ingénieurs des travaux publics de l’État, de l’Office national de la navigation. Il en fut de même pour le syndicat de Roger Lapeyre, celui des inspecteurs du travail et de la main d’œuvre des transports qui s’exprima de la manière suivante : soixante-huit voix en faveur d’une adhésion à FO, huit pour la CGT et vingt pour l’autonomie. Par contre, plusieurs autres syndicats restèrent à la CGT : agents des travaux et des conducteurs de chantiers des Ponts et chaussées (40 000 adhérents), ministère de la Reconstruction et de l’urbanisme, sécurité aérienne, météorologie nationale.

Le congrès constitutif de la Fédération FO des Travaux publics et des transports eut lieu du 10 au 12 mai 1948 à Paris. Roger Lapeyre conserva son poste à la tête de cette fédération. Il fut constamment réélu à cette fonction et il la quitta en 1976 lors de son départ à la retraite. De 1948 à 1953, il fut également secrétaire du Comité interfédéral des Fonctionnaires et Postiers FO et rédacteur en chef de la Nouvelle Tribune des Fonctionnaires. De 1953 à 1976, il fut secrétaire permanent de la Fédération générale des Fonctionnaires FO chargé, notamment, des relations internationales.

Membre de la commission exécutive confédérale FO de 1948 à 1960, il fut souvent un opposant à l’orientation de la majorité. Orateur de talent, il anima tous les congrès confédéraux dès celui de la création de FO en avril 1948. Ses joutes oratoires avec Raymond Le Bourre, Alexandre Hébert, Pierre Felce, Maurice Labi... furent toujours suivies avec attention, et souvent avec délectation, par les congressistes.
Il fut élu, dès avril 1948, à la commission exécutive confédérale et il resta membre de cette instance pendant plus de vingt-cinq ans.

Lors du congrès de FO d’octobre 1950, Lapeyre lut un texte collectif intitulé « Notre antistalinisme ». Les signataires s’y déclaraient adversaires du régime capitaliste. Ils montraient que leur antistalinisme n’était pas un anticommunisme, disant au contraire que les staliniens usurpaient « le titre de communistes ». Ils affirmaient : « Notre ennemi, c’est toujours et partout celui qui exploite » (texte publié dans La Révolution prolétarienne, novembre 1950).

Partisan de l’unité d’action avec les autres organisations syndicales, y compris avec la CGT, il fut l’un des initiateurs, en 1957, avec Denis Forestier (Syndicat national des instituteurs - FEN), Aimé Pastre (Syndicat pénitentiaire CGT), les responsables de la Fédération générale autonome des fonctionnaires (FGAF) et de la Fédération Autonome des cadres des chemins de fer (FAC, la future Fédération Maîtrise et cadres - FMC), d’un appel pour un mouvement syndical unitaire et démocratique (PUMSUD). Si cet appel obtint un certain succès auprès des différents syndicats de l’Éducation nationale, il fut un échec cinglant pour Roger Lapeyre au sein de Force Ouvrière, très réticente alors à l’égard de la FEN et opposée à tout contact avec une quelconque organisation de la CGT. D’autant plus que cet appel fut lancé après l’intervention sanglante des troupes soviétiques en novembre 1956 en Hongrie.
le Mouvement syndical uni et démocratique (MSUD) de 1955 à 1962. Il fut un collaborateur de la revue La Révolution Prolétarienne et, malgré les interdits confédéraux, se rendit deux fois en URSS, au début des années 1960, à l’invitation des syndicats soviétiques des Transports. Bien qu’antisoviétique, il voulait observer la situation du syndicalisme en URSS de visu.

De 1947 à 1954, il fut membre du Conseil économique et social.

Roger Lapeyre collabora très régulièrement dès 1947 à La Révolution prolétarienne et occasionnellement au Monde Libertaire.

Au plan international, Roger Lapeyre représenta sa fédération à tous les congrès de la Fédération internationale des travailleurs des transports (ITF) à laquelle la Fédération FO des Travaux publics et des transports fut admise en avril 1948 et y cotisa alors pour 30 000 adhérents.
Il fut d’abord élu membre suppléant (du cheminot Fernand Laurent) au conseil général de l’ITF (le parlement de cette internationale professionnelle entre deux congrès). Par la suite, il devint membre titulaire de cette instance. Il présida pendant un certain temps, notamment en 1956, la section de l’aviation civile de l’ITF ; les différents syndicats FO d’Air France étant rattachés à sa fédération.

Particulièrement attiré par le développement de l’aviation civile, il organisa tous les ans, de 1970 à 1980, les « journées de Royaumont de l’aviation civile ». Dirigeant de la Fédération des travaux publics et des transports, il la quitta en 1973 et fut alors remplacé par Yves Lequoy. Après sa retraite, en 1977, il créa l’association « Les droits du piéton », qu’il présida jusqu’à sa mort.

Il avait épousé marie Caroline Tauzin à Bordeaux le 17 juin 1933.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article137518, notice LAPEYRE Roger par Louis Botella, Jeanne Siwek-Pouydesseau, version mise en ligne le 11 juillet 2011, dernière modification le 12 juin 2021.

Par Louis Botella, Jeanne Siwek-Pouydesseau

Roger Lapeyre
Roger Lapeyre

SOURCES : Georges Lefranc, Le Mouvement syndical de la Libération aux événements de mai-juin 1968, Payot, Paris, 1969. — Jeanne Siwek-Pouydesseau, Le syndicalisme des fonctionnaires jusqu’à la guerre froide, PU Lille, 1989. — Les syndicats de fonctionnaires depuis 1948, PUF, 1989. – Jeanne Siwek-Pouydesseau, « Les cols blancs, fonctionnaires et employés dans la CGT-FO », dans Michel Dreyfus et alii, La naissance de Force Ouvrière, PU Rennes, 2003, p. 117-129. — La nouvelle Tribune des Fonctionnaires FO. – Comptes rendus des congrès confédéraux de la CGT de 1938 et de 1946. — La Fédération CGT des Travaux Publics (1930-1950), Fédération CGT de l’Équipement, 18 juin 2006. — Force Ouvrière, hebdomadaire de la CGT-FO, 12 février, 26 mars 1948 et les années suivantes. — Comptes rendus des congrès confédéraux de Force Ouvrière de 1948 à 1969 au moins. — Arch. de la confédération FO, Centre de documentation Gabriel Ventejol. — L’évolution intérieure de la Confédération Générale du Travail (Documents et Chronologie), La Documentation française, Notes et études documentaires, n° 1239, 2 décembre 1949. — Rapports d’activités et comptes rendus des congrès de l’ITF (Fédération internationale des travailleurs des transports) de 1948 à 1962, Arch. de la Fondation Friedrich Ebert. — Pressebericht de l’ITF, 29 juillet 1953, Arch. de la Fondation Friedrich Ebert. — Le Monde libertaire, février 1960. — Who’s who in France. — Témoignage d’André Giauque. — Note de J. Chuzeville. — Etat civil. — Site Internet du groupe FO au Conseil économique, social et environnemental (CESE).

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