LE GUEN René

Par Paul Boulland

Né le 13 décembre 1921 à Septèmes-les-Vallons (Bouches-du-Rhône), mort le 22 novembre 1993 à Besançon (Doubs) ; ingénieur EDF-GDF ; syndicaliste CGT, secrétaire (1948-1959) puis président (1959-1977) du Groupement national des cadres, secrétaire de la Fédération CGT de l’Énergie (1953-1969), secrétaire général de l’UGIC puis UGICT (1962-1982), président de la CCAS (1963-1972), président de l’IFOREP (1972-1980) ; administrateur GDF (1946-1982) ; membre du Conseil économique et social (1971-1993) ; militant communiste, membre du comité central (1970-1993) et du bureau politique (1979-1993) du PCF.

Issu d’une famille de marins bretons, le père de René Le Guen travailla lui-même dans la marine marchande. Sa mère était originaire de Corse. René Le Guen passa une partie de son enfance à Saïgon (Indochine, Viet-Nam) où son père était devenu gérant de l’hôtel des Nations. Il fut durablement marqué par le souvenir d’une grève des « boys » dont la manifestation passa sous les fenêtres de l’hôtel et fut réprimée par les forces coloniales. En 1933, la mort de son père mit fin au projet de la famille de s’établir en Australie et René Le Guen et sa mère revinrent à Marseille. Adhérent au mouvement des Éclaireurs de France auquel participèrent plusieurs futurs responsables marseillais du PCF et de la CGT, il y fut commissaire de district. Dans la continuité de cet engagement, il prit part, en 1939, à une manifestation étudiante contre les prétentions mussoliniennes sur le Sud-Est de la France au cours de laquelle il fut arrêté, ce qui l’empêcha d’être candidat au concours de l’École des Arts et métiers. Il s’orienta alors vers l’École de navigation pour embrasser la carrière d’officier mécanicien, dans la marine marchande comme son père. Après quelques mois au service de la Compagnie Paquet, en Méditerranée, il réalisa toutefois que la vie maritime ne lui convenait pas et reprit ses études à la faculté des sciences de Marseille, à l’Institut de mécanique des fluides. Parallèlement, il passa un CAP de chaudronnier sur cuivre et fut nommé Meilleur ouvrier de France.

Requis dans les chantiers de jeunesse de la Marine, à Narbonne (Pyrénées-Orientales), en mars 1942, il fut placé peu après en camp disciplinaire. À sa sortie, en octobre 1942, il entra au Gaz de Marseille qu’il dut toutefois quitter en mars 1943 pour se soustraire au STO. À la fin de l’année, il rejoignit la CGT clandestine, devenant responsable des techniciens. Les sources divergent sur son engagement résistant au cours de cette période. Selon un questionnaire biographique de 1952, il aurait prit part au Comité de coordination et d’action chrétienne (CCAC), tandis que dans ses témoignages ultérieurs, il indiqua avoir été membre d’un groupe clandestin des Jeunesses laïques combattantes, proche du mouvement des Éclaireurs de France. Il adhéra au Parti communiste en septembre 1944.

Ayant réintégré le Gaz de Marseille à la Libération, comme chef du service entretien, René Le Guen y devint secrétaire du Groupement national des cadres (GNC), créé en 1937 à l’initiative de la CGT. Il assista à la « conférence-congrès » de la Fédération CGT de l’Éclairage les 23-24 avril 1945. Diplômé de l’École supérieure d’applications gazières, de l’École de Génie civile et de l’École de chauffage rationnel, il fut nommé ingénieur en 1947. Nommé administrateur de Gaz de France dès 1946, à l’initiative de Marcel Paul, il conserva cette responsabilité jusqu’en 1982. En 1946, il fit également partie de la commission du GNC chargée d’étudier la nationalisation des industries électriques et gazières.

En 1947-1948, le GNC des centres de Marseille regroupait près de 600 adhérents et constituait l’un des principaux syndicats de province. À l’issue du congrès de 1948, René Le Guen devint secrétaire général du GNC, aux côtés de John Ottaway* et de Lucien Barthes, en remplacement de Claude Gillette. Après le décès accidentel de ce dernier, en décembre 1948, René Le Guen vint travailler à Paris à la demande de Marcel Paul et devint chef du Service des techniques nouvelles et du réseau de transport du gaz de la Région parisienne. Au cours de cette période, il fut l’un des artisans de la position du GNC qui refusait de s’opposer au Plan Marshall. Cette orientation contribua à maintenir le recrutement et la diversité du GNC face aux risques de scission syndicale mais, dans le Parti communiste, elle valut à René Le Guen le reproche d’une attitude « opportuniste ». En février 1950, lors de la plus longue grève des gaziers-électriciens, il représenta la Fédération CGT et le GNC au « comité interfédéral de grève ». Il fut réélu secrétaire général du GNC aux congrès suivants puis fut élu président en 1959, et président d’honneur à partir de 1977. Parallèlement, il fit son entrée au bureau de la Fédération CGT de l’Éclairage en 1953, comme secrétaire. Il y siégea jusqu’en 1969, comme secrétaire général adjoint entre 1959 et 1966.

Le début des années 1960 amena René Le Guen à des responsabilités syndicales de premier plan. En 1963, le XXIIe congrès de la Fédération de l’Énergie (Gennevilliers, 26-29 mars 1963) se tint sans Marcel Paul, malade et parti se soigner en URSS. Peu avant, plusieurs membres de la direction, notamment Roger Pauwels*, Pierre Delplanque et René Le Guen, lui avaient exprimé leur malaise à l’égard de ses méthodes de travail. Dans le même temps, encouragée par la confédération, la fédération décida de reprendre la gestion des activités sociales d’EDF-GDF à laquelle elle avait refusé de participer depuis 1955 en raison de l’interdiction faite à Marcel Paul de siéger au conseil d’administration de la CCAS. René Le Guen fut élu président de la CCAS à l’issue de la première réunion du conseil d’administration, le 3 mai 1963. Bien que réélu secrétaire général, Marcel Paul, profondément affecté par cette situation, ne prit plus part aux activités de sa fédération. René Le Guen fut détaché de ses activités professionnelles. Ces mêmes années virent également René Le Guen jouer un rôle grandissant au niveau confédéral, grâce à son rôle dans le développement de l’activité syndicale en direction des ingénieurs, cadres et techniciens, dont il fut un promoteur majeur au sein de la CGT et du PCF. À partir de 1961, il fut l’un des principaux artisans de la relance de l’Union générale des ingénieurs et cadres (UGIC), encouragée par Benoît Frachon et Léon Mauvais. En décembre 1961, il signa avec Roger Pascré et Jean Grosvalet, la circulaire qui, selon Jean-Louis Robert et Marc Descotes, marqua « l’acte de redémarrage de l’UGIC ». Devenu secrétaire général de l’UGIC en 1962, il lança en 1965 la revue Options, dont il fut rédacteur en chef, et contribua à son évolution en UGICT, lorsqu’elle intégra les techniciens, à partir de de son IIIe congrès, en 1969. Au titre de l’UGIC, il entra en 1967 à la commission exécutive confédérale de la CGT et y fut réélu jusqu’en 1982. A partir de 1971 René Le Guen représenta également la CGT au Conseil économique et social, puis comme « personnalité » de 1981 à son décès. Au niveau international, il fut parmi les fondateurs du Comité de liaison international des ingénieurs, cadres et techniciens (CLIICT) et intervint régulièrement sur ces questions dans les instances de la Fédération syndicale mondiale. Au sein de celle-ci, il prit part à la création de la Fédération mondiale des travailleurs scientifiques (FTMS) dont il fut le secrétaire général.

En 1972, René Le Guen céda la présidence de la CCAS à Robert Gaillard, pour assurer celle de l’Institut de formation, de recherche et de promotion (IFOREP) nouvellement créé par la CCAS. Devenu membre du bureau politique du PCF au XXIIIe congrès (Saint-Ouen, 9-13 mai 1979), il abandonna progressivement ses responsabilités syndicales et fut à nouveau remplacé à la tête de l’IFOREP par Robert Gaillard, en janvier 1980.

L’engagement de René Le Guen dans la réflexion syndicale sur la place et les revendications des ingénieurs, cadres et techniciens se prolongeait en effet sur le terrain politique. Dès 1969, il avait participé avec Roland Leroy à l’organisation d’une commission scientifique et technique du PCF. Élu membre suppléant du comité central à l’occasion du XIXe congrès du PCF (Nanterre, 4-8 février 1970), titularisé au congrès suivant (Saint-Ouen, 13-17 décembre 1972), il devint l’un des spécialistes du parti dans le domaine de l’activité parmi les ingénieurs et cadres ainsi que pour les sciences et la recherche. Ainsi, il dirigea la revue Avancées, créée en 1986 et, au cours des années 1980 et 1990, il publia plusieurs ouvrages consacrés à la science et à la politique scientifique. Il fut un des initiateurs des « Rencontres de Fontenay », créées en 1986 et consacrées à l’activité communiste en direction des ingénieurs, cadres et techniciens, ainsi que du « Forum des avancées scientifiques et techniques ».

Fort de l’autorité acquise dans sa carrière syndicale et de son rôle majeur dans plusieurs secteurs de l’activité communiste, René Le Guen s’était fait une réputation d’autonomie. Pour autant, au cours des années 1980-1990, il resta à l’écart des différentes tendances critiques qui émergèrent au sein du PCF et il fut considéré par certains observateurs comme un proche de Georges Marchais. Ainsi, en 1990, il apporta son soutien au secrétaire général et s’opposa aux analyses de Charles Fiterman. En 1982, il fut chargé de suivre les fédérations des Hautes-Alpes et du Doubs où il résidait à la fin de sa vie. En 1988, une majorité du comité fédéral du Doubs se rallia à la candidature de Pierre Juquin et la fédération fut dissoute. René Le Guen soutint la direction du parti et contribua à la réorganisation des militants restés sur la ligne nationale du PCF, majoritaires à Besançon.

René Le Guen avait été promu chevalier de la Légion d’honneur en 1986 par Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Éducation nationale. À l’occasion de son décès, Georges Marchais et Louis Viannet* lui rendirent hommage lors d’une cérémonie à la Maison des métallurgistes, 94, rue Jean-Pierre Timbaud (Paris, XIe arr.) avant son inhumation au cimetière du Père-Lachaise. Son nom fut donné en 1996 à l’immeuble de la CCAS et à une salle de conférence du siège de la Fédération CGT de l’Énergie.

Père de trois enfants d’un premier mariage, René Le Guen s’était remarié en 1988, à Besançon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article137532, notice LE GUEN René par Paul Boulland, version mise en ligne le 13 juillet 2011, dernière modification le 29 avril 2020.

Par Paul Boulland

OEUVRES : avec René Gaudy, Voyage avec des cadres. Le Groupement national des cadres : 40 ans pour quoi faire ? Paris, Éditions Sociales, 1977 — Les enjeux du progrès, Paris, Messidor/Éditions Sociales, 1983. — Les cadres et le PCF, Paris, PCF, 1984. — Oxygène pour tous les cerveaux, Paris, Éditions Sociales, 1985. — Mutations et Révolution : vers l’an 2000, Paris, Messidor/Éditions Sociales, 1988. — Science en conscience (préface de Jean-Pierre Kahane*), Paris, Messidor/Éditions Sociales, 1989. — Services publics, une réponse pour l’avenir, Paris, Éditions Sociales, 1993.

SOURCES : Arch. du comité national du PCF. — Archives GNC et CCAS. — « Les étapes d’une vie » in « Les enjeux de la formation », supplément aux Cahiers de l’IFOREP, n° 78, 1995. — CCAS-Info, n° 144, décembre 1993. — L’Humanité, Les Cahiers du communisme. — René Gaudy, Les porteurs d’énergie, op. cit. — Marc Descotes et Jean-Louis Robert (dir), Clefs pour une histoire du syndicalisme cadre, Paris, Les Éditions ouvrières, 1984. — Renseignements réunis par Pierre Campagnac. — Notice par Michel Dreyfus dans le DBGE.

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