BALIGAND Raoul. [Belgique]

Par José Gotovitch

Roux (aujourd’hui commune de Charleroi, pr. Hainaut, arr. Charleroi), 4 janvier 1913 − Anderlecht (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 28 décembre 1981. Militant et dirigeant communiste, capitaine des Brigades internationales en Espagne, commandant des Partisans armés, président du Front de l’indépendance, conseiller communal à Gilly (aujourd’hui commune de Charleroi), député de l’arrondissement de Charleroi.

La vie de Raoul Baligand est exemplaire en ce sens qu’elle rencontre les mythes fondateurs de l’extrême gauche en Belgique : les grèves de 1932 et de 1936, la guerre d’Espagne et la résistance. Fils d’un mineur syndicaliste et athée, orphelin de mère, Raoul Baligand est élevé par sa grand-mère maternelle. Il suit, de 1926 à 1929, les cours d’ajusteur à l’Université du travail de Charleroi (pr. Hainaut, arr. Charleroi). Il entre comme ajusteur-électricien aux Ateliers de construction électrique de Charleroi (ACEC). Les grèves de 1932 le conduisent au communisme. De septembre 1934 à avril 1935, il accomplit son service militaire au Génie.

Membre de la direction des Jeunesses communistes de Charleroi, Raoul Baligand réalise au plan local, à Roux, une des premières fusions Jeunesses communistes - Jeunes gardes socialistes (JGS) qui conduiront à l’unification JGS unifiés de Noël 1936. Baligand n’assiste pas au Congrès qui consacre cette unifications, car, depuis octobre, il est en Espagne où il combat dans la section du génie du bataillon franco-belge « André Marty ». Il gagne ses galons de sous-officier dans la bataille de Madrid et sera ensuite de tous les grands combats : la Jarama en février 1937 et la Guadalajara. Il est blessé près de Huesca en juin 1937. Rappelé par l’armée belge, il revient, mais trop tard. Réputé déserteur, Raoul Baligand est condamné à douze jours de prison militaire. Sa peine accomplie, il repart en Espagne. Promu capitaine, il se bat à la tête de sa compagnie à Caspe sur l’Ebre et est blessé une seconde fois.

Rentré le 28 novembre 1938 avec l’ensemble des Brigades retirées du front, Raoul Baligand s’installe à Bruxelles où il veille au sort des anciens et particulièrement des étrangers à travers l’Amicale des combattants de l’Espagne républicaine.
Mobilisé, il dirige l’action du parti parmi les rappelés pour de meilleures conditions de subsistance. Il est condamné à trois jours de prison pour avoir distribué des tracts aux soldats. Après la Campagne des 18 jours, il échappe à la captivité. « Par réflexe », il rassemble des armes abandonnées et les cache dans le cimetière de Roux.
Après avoir travaillé quelques semaines en France par manque d’embauche en Belgique, Baligand revient à Bruxelles et épouse Berthe Verkerk, militante communiste venue d’Anvers (Antwerpen, pr. et arr. Anvers), le 4 août 1940. Le couple est directement impliqué dans l’appareil d’impression clandestin de la Fédération bruxelloise du parti.
Après juin 1941, Raoul Baligand plonge dans la clandestinité et constitue, avec quelques anciens des Brigades internationales, les premiers noyaux de saboteurs qui, se développant, vont former les Partisans armés. Il s’identifie désormais à ceux-ci, remplissant successivement missions et fonctions les plus difficiles et variées. Il exerce en effet des commandements dans toute la Belgique francophone, Bruxelles y compris.
Il termine la guerre comme commandant du secteur Wallonie-ouest, adjoint au commandant national. Son nom reste particulièrement attaché à l’investissement du charbonnage du Bois-du-Cazier à Marcinelle (pr. Hainaut, arr. Charleroi) en avril 1942, où, avec douze hommes, il récupère des centaines de kilogrammes d’explosifs au fond de la mine.

À la Libération, Raoul Baligand entre officiellement à l’état-major des troupes de l’intérieur, très vite dissoutes par le Gouvernement. Le Parti communiste de Belgique (PCB) appelle à la création d’une armée démocratique. Volontaire de guerre, il tente l’intégration d’un officier de la résistance au sein de l’armée belge mais l’expérience est vaine.

Le sous-lieutenant, Raoul Baligand, quitte l’armée pour entrer au Parlement où les électeurs de Charleroi l’envoient en février 1946. En octobre, il est élu au conseil communal de Gilly (1946-1952). Député de 1946 à 1949, attentif aux problèmes militaires, Baligand poursuit la « carrière » aléatoire d’un permanent communiste, promené d’une responsabilité à l’autre, balloté d’une région à une autre : Charleroi, Brabant wallon, Bruxelles. Au plus fort de la guerre froide, il assure le service de sécurité du parti.

« Conscience » des militants, symbole des grands combats du parti, Raoul Baligand a plus de peine à s’investir comme dirigeant bureaucratique du quotidien. Aussi retrouve-t-il avec joie « ses » résistants et ses anciens d’Espagne (notamment en présidant le Club Garcia Lorca) en assumant la présidence du Front de l’indépendance, en animant de multiples initiatives antifascistes tant au plan national qu’international. Il est membre du Comité central du PCB de 1943 à 1951 et de 1960 à sa mort.

Raoul Baligand est sans doute le communiste le plus décoré de Belgique : Légion d’honneur, Silver Star U.S., OBE, Étoile rouge, commandeur de l’ordre de la Couronne. Il fait l’objet de plusieurs émissions de télévision où ses qualités de père tranquille de l’action transparaissent avec bonheur. Modèle du héros des grands moments historiques, Raoul Baligand, militant ouvrier demeuré fidèle à ses convictions de classe, illustre bien la difficulté qu’a le Parti communiste à « rentabiliser », après 1945, les militants exceptionnels que la guerre avait révélés.

La femme de Raoul Baligand, Berthe Verkerk (Anvers, 1908 − Bruxelles, août 1988), participe, durant la guerre, à la confection et à la distribution de Clarté, puis de Partisan. Agent de liaison, elle est affectée à divers transports d’armes et de documents. Après la guerre, elle poursuit « sa vie de militante discrète et efficace, dont la droiture et le dévouement sont bien connus de tous les camarades qui ont eu le privilège de la côtoyer. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article137570, notice BALIGAND Raoul. [Belgique] par José Gotovitch, version mise en ligne le 15 juillet 2011, dernière modification le 26 mars 2024.

Par José Gotovitch

SOURCES : RGASPI, Moscou : 545.6.44 − Interview personnelle de Raoul Baligand par José Gotovitch, (1971) – Notice réalisée par A. Iacopetta, section Journalisme de l’Université libre de Bruxelles, 1984 − BODART P., Avec l’Armée belge des partisans, Bruxelles, 1948 − ADRIAENS W., Vrijwilligers voor de vrijheid. Belgische anti-fascisten in de spaanse burgeroorlog, Leuven, 1978 − LEMAITRE J., Pour moi, l’Espagne, c’était la révolution, Oxygène, septembre 1980 − La Voix du peuple, 28 novembre 1938 − Le Drapeau rouge, 1er septembre 1969, 29 décembre 1981, 5 janvier 1982, 24 août 1988 − MAERTEN F., « Raoul Baligand », dans Nouvelle Biographie nationale, t. 8, p. 19-21 – RTBF Charleroi, La mémoire singulière : Volontaire de la liberté, s.d.

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