BLUME Jean, David, Herman. [Belgique]

Par José Gotovitch - Jean Puissant

Dour (pr. Hainaut, arr. Mons), 10 avril 1915 − Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 28 février 1988. Journaliste, fonctionnaire puis permanent au Parti communiste de Belgique, militant de la Jeune garde socialiste unifiée, résistant, militant syndical, député de l’arrondissement de Bruxelles, conseiller communal à Anderlecht, fils de David Blume et d’Isabelle Grégoire-Blume.

Fils aîné de David Blume, pasteur protestant, puis fonctionnaire, militant « socialiste-chrétien » et de Isabelle Grégoire-Blume, militante socialiste puis communiste, députée, Jean Blume poursuit ses études à Bruxelles où ses parents ont trouvé du travail après la guerre (1923), à l’Athénée d’Ixelles et dans d’autres établissements. Il entame une candidature en sciences à l’Université libre de Bruxelles (ULB). Sans grand fruit puisque la lutte sportive l’intéresse beaucoup plus que les études. Il y côtoie néanmoins les Étudiants marxistes. Il écrit quelques articles dans des publications étudiantes, dans Plan en 1934-1936 et est sollicité, en 1936, par le secrétaire du Parti communiste de Belgique (PCB), Xavier Relecom, pour collaborer à La Voix du peuple. Au journal communiste, il couvre l’actualité sportive et culturelle, en particulier les événements du sport ouvrier comme le tour de Belgique des cyclistes rouges où il rencontre Arnold Boulanger, déjà philo-communiste, ou les olympiades ouvrières d’Anvers.

En janvier 1937, Jean Blume est poursuivi en justice pour une série d’articles sur les milices patronales dans de grandes entreprises dans lesquels il souligne les liens entretenus par ces « gardes d’usine » avec les organisations anticommunistes SEPES et COPAC. Il adhère peu après au PCB (1937). Il explique cet engagement « naturel » par le milieu familial, l’éthique protestante, mais surtout l’ambiance politique au sein de la jeunesse étudiante en cette année 1936, la lutte contre le fascisme, les bagarres avec les rexistes ; adhésion somme toute sentimentale et instinctive. « Je vote communiste à la Chambre, socialiste au Sénat », explique-t-il.

À l’incitation de ses collègues journalistes, Jean Blume milite à la Jeune garde socialiste unifiée (JGSU) en faveur d’un front populaire entre socialistes et communistes. La charte d’unification de la JGSU est confirmée par un congrès national en juillet 1937, mais la pression du Parti ouvrier belge (POB) sur les militants socialistes est forte. Les jeunes communistes démissionnent du PCB pour maintenir l’unité de l’organisation de jeunesse. L’expression de la solidarité active avec l’Espagne républicaine le rapproche de sa mère. L’interdit socialiste sur la JGSU, la reconnaissance de Burgos, puis août 1939 et la guerre de Finlande sont à l’origine d’une nette rupture.

Troublé par le Pacte germano-soviétique de 1939, « suspecté » par ses amis politiques en raison de ses origines familiales, Jean Blume n’en réagit pas moins selon les réflexes de la grande majorité des communistes de l’époque qui, attaqués de tous côtés, se serrent les coudes. Phénomène qui renforce sensiblement la cohésion du milieu à la veille de la guerre. « Un rêve de fou conté par un enfant idiot ». La Voix du peuple est interdite. Blume se charge de quelques éditions clandestines à Seraing, puis doit renouer les liens de l’organisation de jeunesse dans le pays. Il est ensuite appelé sous les drapeaux, vit la déroute et se retrouve dans le Sud-Ouest de la France en juin 1940. Il quitte l’armée et rentre en Belgique, début août. Sa compagne espagnole a été déportée, il ne la reverra plus.

Devenu déménageur pour gagner sa vie, Jean Blume réalise le premier numéro de Jeunesse nouvelle, organe clandestin de la JGSU. Il entre dans la clandestinité, avec son ami François Haesevoets, en janvier 1941, après des incidents les opposant à l’administration du chômage avec des collaborateurs. Il collabore à la mise en place du Drapeau rouge clandestin et de ses premiers numéros. C’est à travers lui que s’opère le ralliement au PCB de l’Union socialiste antifasciste (USAF) et de son chef, Aimé Verneirt*. Jean Blume assure de multiples contacts de la JGSU en province. Il est en relation permanente avec Pierre Bosson et Léon Wesly*. Il participe ainsi à la formation du Rassemblement national de la jeunesse (RNJ) et à la rédaction de ses organes, Jeunesse nouvelle et Vers l’avenir. Il prend le nom de « Lombart ». Après l’attaque du 22 juin 1941, il passe un certain temps dans la région liégeoise, il assume la direction de la JGSU avec Léon Wesly*, à qui il succède, et travaille avec l’abbé Bourguignon à la direction du RNJ. Arrêté le 19 janvier 1943, J. Blume est transféré au fort de Breendonck (commune de Willebroek, pr. Anvers-Antwerpen, arr. Malines-Mechelen), où il observe l’arrivée des dirigeants du PCB arrêtés en juillet 1943. Il condamne l’attitude des quatre responsables qui ont accepté de discuter avec les Allemands. Identifié comme dirigeant du RNJ, il est averti de son procès qui ne vient pas.

En mai 1944, le camp est évacué vers Büchenwald (Thuringe, Allemagne). Jean Blume est libéré le 11 avril 1945. Il décrit, dans ses mémoires, ses difficultés au retour en mai 1945 dans un parti qu’il ne reconnaît pas. Il devient secrétaire de rédaction au Drapeau rouge. Deuxième candidat du PCB à la Chambre en 1946 dans l’arrondissement de Namur, il mène une campagne active, aux côtés de Victor Briol, mais il ne comprend ni cette mission (il n’a aucune attache ni aucune connaissance de la région), ni les symboles utilisés durant la campagne électorale (notamment « le parti des fusillés »). Il n’est pas élu, devient conseiller communal suppléant à Saint-Gilles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale) où il siège à partir du 29 mai 1946. Il ne sera pas réélu.

Après un repos d’un an en France, Jean Blume reprend ses activités au quotidien communiste en janvier 1949. Sceptique, voire critique à l’égard de la politique du parti et son détachement des réalités sociales en 1948-1949, il est, à la suite des mauvais résultats électoraux de 1950, licencié. Il devient commis puis rédacteur au ministère de la Reconstruction. Ses convictions ne changent pas mais la manière dont la politique est menée lui semble parfaitement dérisoire.
Blume est responsable des cadres du Brabant dans un parti, victime d’une telle hémorragie de militants, qu’il est impossible de négliger entièrement ceux qui subsistent. À ce titre, il reçoit la démission du professeur, J. Brachet, en désaccord avec le Lyssenkisme.

Jean Blume milite à la Centrale générale des services publics (CGSP) et participe à la grève des services publics en 1950, puis à la grève générale contre le retour du roi du 9 août 1950.
En 1951, il est élu au Comité central et à la Commission de contrôle politique du PCB. Il est persuadé qu’il faut changer d’orientation, de tactique. Il participe, en décembre 1954 lors du Xe Congrès de Vilvorde (aujourd’hui pr. Brabant flamand, arr. Hal-Vilvorde), à la modification de la politique, suivie par le PCB qui le conduit depuis 1949 à la perte inéluctable des gains obtenus entre 1936 à 1946. Il est élu au Bureau politique avec la nouvelle équipe dirigeante dont émerge Ernest Burnelle. Sa nomination comme fonctionnaire à peine obtenue, il démissionne et devient permanent du PCB en janvier 1955. Il est secrétaire de la Fédération bruxelloise.

Enthousiasmé par le XXe Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique de 1956 (PCUS), Jean Blume y puise les fondements d’une action portée vers l’unité avec les socialistes et les chrétiens à l’intérieur, la coexistence pacifique à l’extérieur, orientation qui demande de nombreuses explication dans tout le pays dans les réunions d’arrière salle, les meetings à l’entrée des entreprises.
Secrétaire national en 1957, directeur de la presse communiste en 1960, J. Blume participe à la direction du PCB au moment de la grande grève de l’hiver 1960-1961 qui permet au parti de retrouver en Wallonie une base sociale et des résultats électoraux à l’avenant (1961 à 1974). Il est élu député de l’arrondissement de Bruxelles en 1961 mais démissionne aussitôt en faveur de G. Moulin*. Il est élu conseiller communal à Anderlecht en 1976 mais n’est pas réélu en 1982.

Jean Blume est directement mêlé à la crise intérieure, grave, qui conduit à l’exclusion des dirigeants « prochinois » et donc à une scission qui pèse sur le renouvellement d’une génération de militants (1963). C’est particulièrement vrai à Bruxelles où Blume, l’un des principaux cadres de la capitale, est soumis aux attaques très vives d’un public au niveau d’études plus élevé qui critique un homme fondamentalement terre-à-terre et qui se méfie des envolées lyriques ou doctrinales de ceux qui sont entraînés par ce qu’il appelle la « folie Mao ». Une deuxième fois après la guerre, le PCB n’arrive pas à conforter l’élan incontestable, bien moindre néanmoins qu’en 1946, dont il est l’objet. Cette fois, outre la crise intérieure évoquée ci-dessus, il ne parvient pas à négocier le tournant fédéraliste qui anime l’opinion publique wallonne dans les années 1970. Après avoir vivement critiqué André Renard pour l’orientation fédéraliste imprévue imprimée au cours de la grève en 1961, le PCB est victime d’une hémorragie de cadres et d’électeurs vers les partis fédéralistes. C’est de nouveau sensiblement vrai à Bruxelles où le milieu communiste est plus « classe moyenne » que dans le sud du pays.

Désorienté par ces évolutions, malade, le fidèle militant qu’est Jean Blume abandonne successivement ses responsabilités au sein de la Fédération bruxelloise en 1981, du Bureau politique en 1982. Comme secrétaire national, Blume participe à diverses réunions internationales, congrès des partis « frères », réunion des 81 partis communistes à Moscou en 1960. Son Drôle d’agenda, souvent intéressant, émouvant (surtout le premier volume), traversé parfois d’anecdotes qui intéresseront l’historien du mouvement communiste national et international, révèle l’œil critique posé sur le passé du PC.

Époux (1945) de Charra Teff (dite Lily), militante communiste du mouvement des femmes, Jean Blume a deux enfants, Edith et Paul. Il est chevalier de l’ordre de la Couronne et a la Médaille du prisonnier politique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article137589, notice BLUME Jean, David, Herman. [Belgique] par José Gotovitch - Jean Puissant, version mise en ligne le 15 juillet 2011, dernière modification le 9 avril 2024.

Par José Gotovitch - Jean Puissant

ŒUVRE : Force du pouvoir ouvrier. Sécurité d’existence, liberté et paix en Union soviétique. Message d’espoir pour 1958, Bruxelles, 1958 − 20 questions et réponses à propos des élections du 1er juin 1958 et des perspectives du mouvement ouvrier, Bruxelles, 1958 − Revendications et démocratie à l’heure de la conquête du ciel à propos du 42ème anniversaire de l’Union soviétique, Bruxelles, 1959 − Le Parti communiste de Belgique, ce qu’il est, ce qu’il veut, Bruxelles, 1959, traduction néerlandaise − 30 questions et réponses pour bien comprendre le XXIIème Congrès du PCUS, Bruxelles, 1961 − Le danger sectaire, obstacle principal à notre action, Bruxelles, 1962, traduction néerlandaise − Vers le socialisme par la démocratie, présentation du dialogue sur le programme d’Ostende, Bruxelles, 1968 − Drôle d’agenda, 2 vol., Fondation Jacquemotte, Bruxelles, 1985-1987.

SOURCES : Interview de Jean Blume, mai 1967 − Notice réalisée par J. Glore, section Journalisme de l’Université libre de Bruxelles.

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