LANOUX Armand [Louis, Armand]

Par François Eychart

Né le 24 octobre 1913 à Paris (XIIe arr.), mort le 23 mars 1983 à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne) ; romancier, poète, journaliste, membre du Comité national des écrivains et de l’Académie Goncourt ; membre de Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques ; membre de France-URSS.

Armand Lanoux naquit près du faubourg Saint-Antoine qui était alors un quartier des colères populaires, dans une famille modeste d’origine champenoise qui comptait dans ses rangs nombre d’artisans : des charrons, des bottiers, des vignerons et même une corsetière, sa grand-mère Émélie à laquelle il était très attaché et dont il fit le personnage principal d’un ouvrage resté inachevé : La Corsetière prodigieuse. Il était le fils d’un comptable. Son enfance se déroula ensuite en banlieue, à Chelles, au bord de la Marne. Il fréquenta le cours complémentaire de Meaux. Son père (1883-1930) qui avait été comptable puis employé de banque après sa démobilisation tardive en 1919, mourut des suites de la Première Guerre mondiale. Pour Armand Lanoux c’était la fin de toutes études car il devait sans délai gagner sa vie alors qu’il n’avait que dix-sept ans et pour tout bagage le brevet élémentaire. Le jeune homme ressentit douloureusement cette période qu’il présenta plus tard comme plus pénible que la guerre et la captivité. Ce fut donc en autodidacte qu’il s’orienta ensuite dans les domaines artistiques. En attendant de trouver sa voie, il occupa successivement des places d’employé de banque (1929), de dessinateur pour boîtes de bonbons (1930-1931), d’instituteur (1932-1934) – quoique n’étant pas passé par l’École normale –, de journaliste (1935-1939) donnant des articles à La Liberté, dirigé par Jacques Doriot*, et à d’autres publications comme pigiste…

Il termina son service militaire à la veille du Front populaire comme sous-lieutenant. Dans cette première partie de sa vie, son intérêt se portait surtout sur la peinture au point qu’il pensa devenir peintre. Mais précisa-t-il ensuite, « c’est parce que je me suis rendu compte que j’avais trop de mots que j’ai cessé de peindre. » Il ne renonça définitivement à la peinture qu’en 1950, conservant cependant une inaltérable passion pour le travail des peintres qu’il fréquentait, encourageait et préfaçait. Ce fut dans les années-là, au cours de ses déplacements entre Chelles et Meaux, dans l’univers des voyageurs de banlieue, qu’il découvrit l’œuvre de Zola qui l’accompagna toute sa vie. Son intérêt pour les arts et la littérature l’amenèrent à rencontrer Maillol, Mac Orlan, Cocteau.

La Seconde Guerre mondiale qu’il fit comme lieutenant fut une des grandes expériences de la vie. Il se retrouva prisonnier sur les bords de l’Aisne dans des conditions qui furent transposées dans Le Commandant Watrin [1956]. Sa captivité s’effectua en Poméranie. Il en profita pour lire Nerval, Apollinaire, Edgar Poe, Mac Orlan, Alain-Fournier. Libéré en 1942, il épousa le 21 novembre 1942 à Paris IXe Pierrette Dubois (née en 1922) dont il eut deux fils : Gilles, né en 1948 et Olivier en 1952. C’est au retour de captivité qu’il opta définitivement pour la littérature. « Il faut tuer le peintre, dira-t-il, pour que l’écrivain s’accomplisse. » Sa réussite en littérature fut une sorte de revanche sur les années de vache enragée et comme il le dit lui-même, « la levée d’une malédiction », libérant « une lumière qui n’a cessé de monter depuis. »

Son premier livre est publié en 1943. Il s’agit d’un roman policier : La Canadienne assassinée. Dès lors suivront une trentaine de volumes : romans, recueils de poésie, biographies littéraires, récits historiques, études, monographies locales, auxquels il faut ajouter un journal inédit de plus de cinq mille pages qui va de 1931 à février 1983, remis à l’Académie Goncourt et conservé dans les archives de celle-ci à Nancy. Il devint le rédacteur en chef des Œuvres libres (1952-1964) et membre du Comité littéraire des Éditions Fayard (1952-1962). Divorcé en 1963, il se remaria à Champs-sur-marne le 8 décembre 1964 avec Catherine Tolstoff (1926-2003) auteur d’une œuvre poétique sous la signature de Catherine Tolstoï. Il décéda d’un cancer dans sa demeure « Écoute s’il pleut » à Champs-sur-Marne le 23 mars 1983. La presse fit un large écho à sa disparition. Bien qu’il n’ait jamais été membre du PCF, la direction du PCF et l’Humanité tinrent à lui rendre hommage.

Armand Lanoux consacra plusieurs romans à la Seconde Guerre mondiale. Les plus connus sont Le Commandant Watrin [1956], Le Rendez-vous de Bruges [1958], Quand la mer se retire [1963], dont le titre de Margot l’enragée (« la matrone qui marche main dans la main avec la foule de la guerre ») sous lequel il les a réuni ensuite, indique explicitement la pensée de l’auteur. Fondée sur son expérience personnelle, ces romans de facture réaliste montrent la cruauté de la guerre dans toutes ses dimensions et la manière dont elle pousse chaque homme conscient à ses limites. Il faut leur ajouter une de ses premières œuvres, Les Feux du Biliton [1946] qui a pour toile de fond la guerre d’Espagne, La Nef des fous [1947], le tardif Berger des abeilles [1974] qui a pour sujet l’Occupation et Adieu la vie, Adieu l’amour [1977], hommage à son ami Roland Dorgelès, lui-même très marqué par ses années de front, pendant la Première Guerre mondiale. Sa poésie portait également témoignage de ce que cette expérience avait pu avoir de fort et de durable pour lui.
L’intérêt d’Armand Lanoux pour les problèmes littéraires et sociaux apparus à la fin du dix-neuvième siècle l’a conduit à écrire Bonjour, Monsieur Zola [1954] et Maupassant le Bel ami [1967], deux biographies qui sont également la reconnaissance d’une filiation littéraire. Il a consacré à la Commune de Paris une chronique en deux volumes, La Polka des canons [1971] et Le Coq rouge [1972] qui fait revivre le peuple insurgé. La III° République dont il est grand connaisseur des intrigues politiques avaient déjà été l’objet de son attention avec le récit d’une affaire criminelle célèbre qui impliquait la Présidence de la République, L’Affaire de l’impasse Roncin [1947], republié peu après sa mort, selon sa volonté, sous de titre de Madame Steinheil [1983].

Armand Lanoux fut aussi l’auteur de plusieurs ouvrages sur Paris : Physiologie de Paris [1954], Paris 1925, [1957], et 1900 ou la Bourgeoisie absolue [1961].
Si son œuvre de poète ne peut être placée au niveau de son œuvre romanesque, elle ne manque pas d’intérêt, dès l’instant qu’elle n’est pas jugée en fonction des modes d’un instant. On y repère une veine surréalisante dans Colporteur, [1952] ou La Tulipe orageuse [1959], et une autre, réaliste et populaire avec Les images d’Épinal [1969] qui évoque encore une fois la guerre. En 1982 Armand Lanoux a réuni l’ensemble de ses recueils poétiques sous le titre Le Montreur d’ombres.

Rapidement considéré comme un écrivain d’envergure, Armand Lanoux a été distingué par une série de prix littéraires. Le Prix populiste pour La Nef des fous (1948), le Prix Apollinaire pour Colporteur (1953), le Grand prix de la Société des gens de lettres pour Les Lézards dans l’horloge (1953), le Prix Paul Dermée pour La Fille de Londres (1953), le Prix interallié pour Le Commandant Watrin (1956), le Prix Goncourt pour Quand la mer se retire (1963). Sur l’incitation d’Aragon il adhéra au Comité National des Écrivains en 1954. Devenu une personnalité littéraire il fut appelé à siéger dans plusieurs jurys littéraires. Succédant à Aragon, démissionnaire de l’Académie Goncourt en 1969, il accéda aux fonctions de Secrétaire de cette Académie en 1971 et à sa présidence en 1978. Il présida également ou fit partie de la direction de nombreuses institutions : le Comité de la télévision française (de 1958 à 1959, à la place d’Abel Gance), le Conseil supérieur des lettres (1974), le Pen Club (1972-1975), le Haut Comité de la langue française (1977), la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (1978), le Conseil permanent des écrivains (1979), l’Association France-URSS.

En 1963 il refusa de faire partie du Comité directeur de CNE comme le lui demandait Aragon, cependant il donna des textes aux Lettres françaises qui ne manquèrent jamais de couvrir largement ses nouvelles publications. De 1964 à 1970 il dirigea la revue À la page. Il participa à un très grand nombre d’émissions de radio ou de télévision dans lesquelles il s’exprima sur ses ouvrages mais aussi sur ceux des écrivains qu’il aime.

Une part considérable de son activité professionnelle fut consacrée à défendre le métier d’écrivain, par la reconnaissance de leurs droits intellectuels et matériels, de façon à ce qu’ils se trouvaient couverts par des droits équivalents à ceux des travailleurs.

Armand Lanoux fut un homme ouvert, de contact facile, aimant prendre la parole. Gros travailleur, très organisé, bon gestionnaire, il était fier de vivre de son métier d’écrivain. Il aima visiter les bibliothèques des Comités d’Entreprise, discuter avec les salariés. Il accepta de donner de nombreuses conférences tant en France qu’à l’étranger, en particulier en URSS, en Tunisie, au Maroc, en Italie, en Israël… Ses interventions portaient souvent sur Picasso, Zola, Maupassant, Flaubert, Colette, Les Goncourt, Roland Dorgelès dont avait été très intime.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article137689, notice LANOUX Armand [Louis, Armand] par François Eychart, version mise en ligne le 24 juillet 2011, dernière modification le 18 mars 2021.

Par François Eychart

ŒUVRE :
Romans :
La Canadienne assassinée (roman policier, 1943) ; Le Pont de la folie (roman policier, 1946) ; Les Feux du Biliton (1946, réédité sous le titre L’Or et la neige en 1959) ; La Nef des fous (1947) ; La Classe du matin (1949) ; Cet Âge trop tendre (1951) ; Les Lézards dans l’horloge (1952) ; Le Commandant Watrin (1956) ; Le Rendez-vous de Bruges (1958) ; À quoi jouent les enfants du bourreau ? (1959) ; Quand la mer se retire (1963) ; Le Violon dans le feu (1967) ; Le Berger des abeilles (1974) ; Adieu la vie, adieu l’amour (1977) ; La Corsetière prodigieuse (posthume, 1988).
Essais, histoire :
L’Affaire de l’impasse Ronsin (1947) ; L’Enfant en proie aux images (1950) ; Perspective cavalière des Hommes de bonne volonté (1950) ; La Tragédie Dreyfus (1954) ; Bonjour, Monsieur Zola (1954) ; Physiologie de Paris (1954, réédité en 1965 sous le titre Paris en forme de cœur) ; Paris 1925 (1957) ; Amour 1900 (1960, republié sous le titre 1900, la Bourgeoisie absolue (1973) ; Maxence van der Meersch ou la Grande Nature morte à la limande éventrée (1962) ; Portait de Léon Tolstoï écrivant Guerre et Paix (1964) ; La Colombe poignardé aime sa tache de sang, essai sur Claire Goll (1966) ; Maupassant le Bel Ami (1967) ; Une histoire de la Commune de Paris : 1) La Polka des canons (1971), 2) Le Coq rouge (1972) ; Préface à Soljénitsyne accuse (1971) ; Préface à Les vivants et les morts de Constantin Simonov (1972) ; Yves Brayer ou le pas espagnol (1973) ; Préface pour Vincent Moulia, les Pelotons du général Pétain (1978) ; Madame Steinheil ou la connaissance du Président (reprise de L’Affaire de l’impasse Ronsin, 1983).
Poésie :
Colporteur (1952) ; La Licorne joue de l’orgue dans le jardin (1954) ; Le Photographe délirant (1956) ; La Tulipe orageuse (1959) ; Les Images d’Épinal (1969) ; Le Montreur d’ombres, cinquante ans de poèmes 1932-1982 (1982).
Autres :
Itinéraire Paris-Val de Loire (1950, republié et augmenté sous le titre Le Voyageur du Val de Loire en 1964) ; La Fille de Londres (pièce dramatique radio-diffusée, en collaboration avec Mac Orlan, 1953) ; Yododo (nouvelles, 1957) ; Un Jeune Homme en habit (théâtre, 1959) ; Dagobert et l’ancre rouillée (album pour la jeunesse, 1970), Les Châteaux de sable (nouvelles, 1979).
Plus de nombreuses études et préfaces littéraires.

SOURCES : Entretiens avec Micheline Dupray, Pierre Gamarra et Gilles Lanoux ; Intervention d’Aragon au comité central du PCF de janvier 1966 ; collections de l’hebdomadaire Les Lettres françaises ; André Vinas. Armand Lanoux témoin d’Isis. Grasset, 1985, 340 p. Articles sur Armand Lanoux répertoriés sur Internet. — Etat civil.

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