Par Christian Bougeard
Né le 11 novembre 1903 ; agent d’assurances ; résistant déporté ; conseiller général (1937-1940 et 1945-1949) (radical-socialiste puis MURF) de Perros-Guirec (Côtes du Nord) ; président départemental du mouvement des combattants de la Paix.
Agent d’assurances et conseiller municipal d’opposition à Perros-Guirec (Côtes-du-Nord), Émile Le Gac fut élu de justesse conseiller général radical-socialiste du canton de Perros-Guirec en octobre 1937. Partisan déclaré du Front populaire, il représentait l’aide gauche du parti radical-socialiste des Côtes-du-Nord, une tendance qui s’efforçait de prendre la relève des notables. Il n’avait battu le candidat du PSF Le Flanchec que de 23 voix.
Considéré comme trop à gauche, Emile Le Gac fut révoqué par Vichy de la municipalité de Perros-Guirec en 1941 qui resta totalement entre les mains de la droite. À la fin de 1941, le sous-préfet de Lannion le considérait « comme une personnalité largement hostile à la politique du Maréchal » dans une région qui était déjà « intoxiquée » par la BBC et par « la propagande anglaise et gaulliste ». Ce fut en raison de son engagement dans la Résistance – il fut décoré de la médaille de la Résistance — qu’Emile Le Gac fut arrêté et déporté politique à Dachau. À sa libération des camps de concentration en 1945, malade, il fut d’abord soigné en Suisse, puis à l’automne 1945, il alla parachever sa cure à Menthon sur la Côte d’Azur, selon le préfet Henri Avril (« voir ce nom »). Réélu conseiller municipal de Perros-Guirec, sans doute avant son retour en Bretagne, dans une municipalité à majorité socialiste, « Milo » Le Gac fut le seul candidat aux élections cantonales du 23 septembre 1945 sous l’étiquette radical socialiste, gauche résistante. Il fut évidemment réélu au 1er tour avec 98,67 % des suffrages exprimés mais 49,2 % seulement des inscrits. Apparemment personne n’avait osé se présenter contre l’ancien déporté qui appartenait au mouvement de Résistance, le Front national. Étant l’un des cinq anciens conseillers généraux d’avant-guerre réélus en 1945, Emile Le Gac devint vice-président du Conseil général (31 voix), présidé par le Dr Le Quéré, un radical-socialiste, avec le socialiste Max Le Bail et le communiste Guillaume Daniel (« voir ces noms »). Il le resta jusqu’en 1949, réélu avec 26 voix lorsque le Dr Clech (SFIO) fut porté à la présidence en 1947.
En réalité, Emile Le Gac était déjà très proche du PCF. Lors de la dissolution du FN, Emile Le Gac fut partisan de son maintien dans le Mouvement unifié de la Résistance française, le MURF, dirigé par le PCF. Le 30 décembre 1945, le préfet Avril estimait qu’il faisait partie de « ces radicaux inféodés au MUR[F] » et qu’il rejoindrait bientôt le PCF. En fait, au moment où le parti radical-socialiste était en cours de reconstruction, Emile Le Gac cherchait à prendre la tête dans le parti d’un courant très à gauche, hostile à André Cornu comme à René Pleven (UDSR) et à la mise sur pied du RGR. L’ancien député maire de Dinan, Michel Geistdoerfer évolua vers ces positions. Mais six autres conseillers généraux élus comme radicaux-socialistes avaient préféré rejoindre la SFIO. En septembre 1946, Emile Le Gac fut exclu du parti radical « pour indiscipline », par un vote unanime du bureau. Il devint un « compagnon de route » du PCF siégeant alors au Conseil général avec l’étiquette MURF se rattachant au groupe communiste qui passa de 12 à 13 membres sur 48. En mars 1949, Emile Le Gac ne se représenta pas aux élections cantonales. À gauche, le socialiste Armand Lagain et le communiste Edouard Quemper (« voir ces noms ») tentèrent leur chance mais ce fut le radical-RGR Pierre Bourdellès, un plévéniste qui avait pris pour l’occasion l’étiquette RPF, qui l’emporta au second tour.
En 1950 et 1951, au moment de l’appel de Stockholm et de l’emprisonnement de dix militants communistes et cégétistes pour avoir arrêté un train d’armement en gare de Saint-Brieuc (le 11 mai 1950), Emile Le Gac participa à plusieurs meetings de soutien et à des manifestations de rue (à Saint-Brieuc le 14 juillet 1951) comme président départemental du mouvement des Combattants la Paix. Aux élections législatives du 17 juin 1951, Emile Le Gac prit la tête d’une liste d’entente républicaine comme républicain progressiste. Sa proximité avec le PCF était évidente. Sa liste comptait en 3e position Michel Geitsdoerfer, l’ancien député-maire de Dinan, et en 4e Christian Le Guern (« voir ce nom »), l’ancien secrétaire général non communiste de la CGT en 1945. Il est probable que cette 6e liste, de centre gauche très laïque, à côté de celles du PCF et du RPF, avait pour ambition d’empêcher l’apparentement Pleven-droite, MRP et SFIO de dépasser les 50 % des voix et de se partager les sept sièges de députés. Mais la liste Le Gac n’obtint qu’à peine 4 % des voix (10 363 en moyenne) face aux listes apparentées (51,4 %). Du coup, avec 26,6 % des voix, le PCF perdait ses deux députés et le RPF (16,9 %) n’en avait aucun. Emile Le Gac avait recueilli 11 009 suffrages.
Par Christian Bougeard
SOURCES : Arch. Dép. Côtes d’Armor, 1 W 15 et 1 W 16. Rapports sur la situation des communes en 1941.- 1 W 13. Rapports des renseignements généraux (1951-1956), 20 W 86 et 20 W 87. Élections cantonales de 1945 et 1949, 20 W 80. Élections législatives de 1951. — Christian Bougeard, Le choc de la guerre dans un département breton : les Côtes-du-Nord des années 1920 aux années 1950, thèse d’État, Rennes 2, 1986.