SCHÄRF Nussen dit Dostal, Sussiu, Fischer, Pierre, Jacques

Par Daniel Grason

Né en Roumanie, mort le 27 mai 1987 ; ingénieur radio électricien ; militant communiste ; volontaire en Espagne républicaine.

Nussen Schärf en août 1947
Nussen Schärf en août 1947

Nussen Schärf vécut à Brno (Tchécoslovaquie) en 1930, il adhéra au parti communiste de Tchécoslovaquie sous le nom de Dostal, dirigea le groupe de langue roumain sous le nom de Susea. Il fut expulsé en 1932 en raison de son activité politique. Il travailla au sein de l’appareil technique du parti communiste de Roumanie sous le nom de Fischer. En 1933, il fut condamné à trois mois de prison pour des motifs politiques.
Il émigra en France en 1934 pour poursuivre des études, il était membre du parti communiste de France. Marié, le couple habita dans le XVe arr. de Paris, sa femme était aussi membre du parti communiste, Nussen Schärf connu sous le nom de Jacques, fut secrétaire du groupe de langue roumain. Il apprit en 1936, que le Tribunal de Jassy ou Iasi (Roumanie) venait de la condamner par contumace à dix années de prison.
À partir de 1937 et jusqu’en 1939, il a été responsable du comité pour l’aide à l’Espagne Républicaine et de l’aide des volontaires roumains d’Espagne. En février 1937, Nussen Schärf se présenta à la base des Brigades internationales à Albacete. Il se disait chargé par le parti communiste de Roumanie du contrôle des volontaires roumains et des mutations au parti communiste d’Espagne. La section des cadres de la Base des Brigades internationales l’affecta à la compagnie du Génie où il fut nommé commissaire politique provisoire, le 17 février sa nomination définitive fut proposée. Au mois de mars 1937, Nussen Schärf demanda son affectation au bataillon Thaelmann en tant que téléphoniste. Il fut rapatrié en France en juin 1937. Il s’occupa de l’aide aux volontaires roumains en Espagne, auprès du comité pour l’aide à l’Espagne républicaine.
Dans un rapport du 30 janvier 1941 signé d’Eduardo d’Onofrio*, dit Edo, Nussen Schärf était accusé d’avoir expédié aux volontaires roumains de la littérature contre-révolutionnaire, à savoir des livres de Nicolas Boukharine et de Salomon Tchernomordik. Le premier était l’auteur de nombreux ouvrages sur la construction du socialisme en URSS publiés par les éditions du PCF ; le second d’un écrit traduit, édité par les mêmes, en 1932, l’Attitude des bolcheviks devant les juges. Or, Boukharine annonça lors de son procès en mars 1938, le troisième des procès de Moscou qu’il était arrêté depuis 1937. Seuls ceux du premier cercle de l’appareil de direction soviétique et des organes de répression savaient.
André Marty sur la base de l’envoi de livres et de brochures devenus hérétiques, demanda le 17 mai 1938, à la section des cadres du PCF d’ouvrir « une enquête et de prendre les mesures qui s’imposaient ». Le résultat n’était pas connu d’Eduardo d’Onofrio en 1941, celui-ci ne se prononçait que sur le départ de Nussen Schärf d’Espagne, il trouvait : « légitime de penser qu’il s’agissait vraiment d’un volontaire démoralisé qui voulait quitter l’Espagne ».
En octobre 1939, Nussen Schärf s’engagea comme volontaire pour la défense de la France. Il fut affecté au 22ème Régiment de marche des volontaires étrangers (R.M.V.E) qui se forma au Camp de Barcarès dans les Pyrénées-Orientales, puis combattit dans la Somme. Il fut fait prisonnier le 6 juin 1940. Prisonnier dans le Sud de l’Allemagne Stalag VII/A à Moosburg ,VII/B à Memmingen, XI/B Fallingboostel et Stalag X/B à Sandbostel en Basse-Saxe.
Malade, il a été rapatrié en France le 23 mars 1942. Il fut hospitalisé à l’Hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris jusqu’à l’automne 1942, puis pour des soins nécessitant quelques jours par mois jusqu’en mars 1943.
Lors de la « rafle des Roumains » le jeudi 24 septembre 1942 il est encore à l’hôpital et le 28 septembre une réunion restreinte du groupe des résistants « roumains » se tient dans sa chambre d’hôpital. Cette opération policière ne concernait pas seulement les roumains, la police et de la gendarmerie arrêtèrent dans le département de la Seine, plus de 1 600 militants communistes qui furent internés administrativement, en application du décret-loi du 18 novembre 1939. Les préfets pouvaient faire interner les citoyens qu’il considérait comme « dangereux pour la défense nationale et pour la sécurité publique ».
En mars 1943, dès sa sortie officielle de l’hôpital du Val-de-Grâce, Nussen Schärf participa à l’organisation de la Résistance de l’immigration communiste roumaine et de ses sympathisants en France. En avril 1943, Gheorghe Vasiliki, dit « Victor » a été arrêté. Nussen Schärf, connu sous le prénom de « Pierre » fut chargé de remplacer Vasiliki, à la direction du groupe roumain et « autres langues » pour les régions Nord, Pas de Calais, Meurthe-et-Moselle, ainsi que Montceau-les-Mines en Saône-et Loire. Il a été chargé de la coordination des résistants Roumains, Polonais, Italiens, Yougoslaves et des prisonniers soviétiques évadés ayant rejoint la Résistance. Dans ce cadre il est en contact avec Boris Milev, dit « Charles » et son épouse Erna, avec Samuel Weissberg et Gina Pifferi qui est la responsable du groupe italien. Il est responsable de l’information illégale à travers la rédaction, l’impression, la distribution de journaux et tracts.
Il organisa avec son épouse Anna Schärf, qui rejoignit la Résistance en février 1941, et avec Cécile Cerf l’imprimerie clandestine de Châtenay-Malabry (Seine, Hauts-de-Seine). Ce fut là que qu’était imprimé le journal du groupe roumain du Front National, La Roumanie Libre dont les vingt-trois numéros furent imprimés à cinq cents exemplaires.
Il fut également chargé de l’élargissement des rangs du « groupe roumain » du Front National par le recrutement de combattants pour les F.T.P.-M.O.I. Entre l’automne 1943 et le débarquement des alliées les résistants multiplièrent les attentats contre les troupes d’occupation et les actes de sabotage dans les mines.
Après le débarquement du 6 juin 1944, en août, Nussen Schärf fut nommé Commandant dans la milice patriotique immigrée. Pour son engagement comme volontaire dans l’Armée Française et pour ses actions dans la Résistance il s’était vu attribuer, le 23 septembre 1947, la Croix de Guerre avec étoile de bronze.
En décembre 1945 il se rendit en Roumanie à la demande de Ana Pauker, puis revint à Paris comme responsable du groupe communiste roumain. Entre 1946 et 1947 il fit plusieurs voyages en Roumanie ou il a été intégré au sein du Comité Central.
En mai 1947, à la demande du parti il changea de nom. C’était une pratique courante dans les pays ou les communistes étaient arrivés au pouvoir suite aux accords de Yalta. Entre 1947 et 1948 il vivait à Paris, en tant que diplomate roumain il fut chargé de surveiller le fonctionnement de la légation roumaine tout en organisant et contrôlant les départs vers la Roumanie de ceux qui souhaitaient participer à la mise en place du nouveau régime. Il anima également le groupe des Amitiés franco-roumaines.
Les rapports politiques franco-roumains se tendirent de plus en plus à partir du printemps 1947 en raison de la vague des grèves qui se déclencha en France et qui recevait l’appui des nouveaux régimes de l’Europe de l’est, dont faisait partie la Roumanie.
À l’automne 1947 les grèves s’amplifièrent avec la dénonciation du plan Marshall par les Partis communistes rattachés Kominform. Les relations diplomatiques franco-roumaines se tendirent rapidement. En avril 1948, il quitta la France à la suite de l’arrêt des travaux de la Commission bilatérale franco-roumaine.
Pendant ses premières années à Bucarest il occupa des fonctions de direction dans différents ministères : affaires étrangères, commerce extérieur puis commerce intérieur. Il fut écarté de ces fonctions pendant les purges du début des années cinquante. Les communistes revenus de l’Ouest et surtout ceux ayant combattu dans les Brigades Internationales étaient accusés de trotskisme et de déviationnisme.
Le 23 novembre 1976, Louis Gronowski dirigeant des FTP-MOI pendant l’occupation allemande délivra une attestation à Nussen Scharf. Il retraçait son parcours de résistant, il écrivait : « Dans son activité militante Monsieur Scharf dit Pierre s’est avéré comme un excellent organisateur et animateur de la lutte anti-hitlérienne ; il a fait preuve d’esprit de sacrifice illimité à la cause de la libération de la France. »
Nussen Scharf mourut le 27 mai 1987, et son épouse Anna le 6 novembre 1998.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article137818, notice SCHÄRF Nussen dit Dostal, Sussiu, Fischer, Pierre, Jacques par Daniel Grason, version mise en ligne le 7 octobre 2020, dernière modification le 7 octobre 2020.

Par Daniel Grason

Nussen Schärf en août 1947
Nussen Schärf en août 1947
Nussen Schärf en 1937
Nussen Schärf en 1937

SOURCES : RGASPI 545.6.839, BDIC mfm 880/42. – Arch. PPo. BA 1836. – Marie-Cécile Bouju, La production des maisons d’édition du PCF (1921-1956), PUR 1999. – Alain Brossat et Sylvia Klingberg, Le Yiddishland révolutionnaire, Éditions Balland, 1983, Paris, Réédition Syllepse, 2009.

Photographies : collection particulière

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