KESSEL Patrick [KESSEL Jean-Patrick]

Par Jean-Numa Ducange

Né le 14 septembre 1929 à Paris, mort le 10 octobre 2008 à Saint-Mars-de-Locquenay (Sarthe) ; journaliste, écrivain, éditeur et libraire ; maoïste, membre de l’Association des amitiés franco-albanaises, dirigeant de Combat communiste marxiste-léniniste de 1977 à 1982, puis de Avant-garde communiste marxiste-léniniste.

Patrick Kessel, né à Paris le 14 septembre 1929, fut pendant plusieurs années journaliste entre 1948 et le début des années 1960 à France-Soir puis successivement à Paris-Match, l’Express, Libération (d’Emmanuel d’Astier, proche du PCF, qui parut de 1941 à 1964) et enfin à France Observateur. Neveu du romancier Joseph Kessel, il fut aussi écrivain : après la publication d’un album sur Saint-Exupéry, son premier roman parut chez Julliard (Le bénéfice du doute, 1955). Le second, Les ennemis publics (Julliard, 1957, réédition en 2003), restitua son itinéraire dans le milieu du journalisme et provoqua de nombreux commentaires jusqu’en URSS où il est traduit.

Il dénonça dans plusieurs articles - dont certains furent censurés - la guerre d’Algérie et signe un petit ouvrage consacré au maréchal Bugeaud « soldat de l’ordre », paru dans une maison d’édition proche du PCF (EFR, 1958). Tout en manifestant des sympathies pour ce parti (il participe à la défense du siège du journal l’Humanité en 1956 attaqué à la suite de l’insurrection hongroise), il n’en fut jamais membre. En effet la politique du PCF en France et surtout les positions jugées timorées de celui-ci sur la question coloniale lui firent prendre très rapidement ses distances. Son intérêt pour la lutte du peuple algérien déboucha sur un travail commun avec l’italien Giovanni Pirelli, Le peuple algérien et la guerre (Maspero, 1963, réédition en 2003), recueil de témoignages dans la continuité de ses articles parus dans la presse. Il regroupa ultérieurement ses articles censurés pendant la guerre d’Algérie dans un ouvrage en 2002. Au début des années 1960, il participa à plusieurs revues (Partisans, Coexistence, Les Temps modernes) et devint l’administrateur de la revue Révolution (parue entre 1963 et 1965) lancée à l’initiative de Jacques Vergès, revue solidaire des combats des pays du Tiers-Monde qui publia des textes du mouvement communiste international, notamment des textes pro-chinois. Patrick Kessel y donna entre autres une contribution sur la guerre de libération nationale du Kurdisan.

Il se reconnut alors dans des positions « marxistes-léninistes » et « anti-révisionnistes » auxquelles il resta fidèle. Il participa à plusieurs publications de ce courant, notamment l’Humanité rouge et Communisme. Il établit des liens spécifiques avec l’Albanie et son parti dirigeant (PTA, Parti du travail d’Albanie) et se rendit à plusieurs reprises au début des années 1970 dans ce pays. Il fut notamment invité au VIIe du congrès du PTA en 1976, marqué par la prise de distance avec le Parti communiste chinois dont le parti albanais avait été jusqu’ici un allié. Patrick Kessel fut un membre actif des AAFA (Association des amitiés franco-albanaises) et anima la section de Paris-Sud. En 1977, il adhèra à Combat communiste marxiste-léniniste et en devint un des dirigeants avant de s’en séparer et de fonder AGC-ML (Avant-garde communiste marxiste-léniniste) en 1982.
Pendant ces mêmes années, il s’intéressa de près à l’histoire de la Révolution française et des mouvements ouvriers du dix-neuvième siècle. Il fut l’auteur d’une histoire remarquée de La nuit du 4 août 1789 (1969, Arthaud). Albert Soboul comme Jean Tulard reconnurent la qualité de cet ouvrage, pendant longtemps le seul en français de ce type consacré à la célèbre nuit de l’abolition des privilèges. Il élabora une vaste fresque de l’histoire du prolétariat du dix-huitième au vingtième siècles dont seul le premier tome paraîtra (Le prolétariat français avant Marx, Plon, 1968). Éditeur à partir de 1972 avec le Nouveau bureau d’édition, Patrick Kessel publia de nombreux ouvrages avec une importante ouverture sur l’international (Irlande, Chine, Albanie, Chili, Guadeloupe, Allemagne...) et reprit notamment l’édition inachevée par les Éditions sociales des Œuvres de Staline (7 tomes parus). Il s’occupa dans le même temps à partir de 1978 de La librairie internationale (rue Boulard, Paris XIV), librairie principalement politique qui diffuse brochures et ouvrages des divers mouvements communistes internationaux. Il édita aussi un Bulletin international (consultable à la BDIC) qui parut à partir de 1977 jusqu’à la fermeture de la librairie en 1985. En parallèle de ces publications une collaboration régulière avec Christian Bourgois lui permit d’éditer plus d’une dizaine d’ouvrages chez 10/18 tout au long des années 1970. Ces recueils de textes sont essentiellement tournés vers l’histoire des mouvements révolutionnaires, de la Révolution française (Les “gauchistes” de 89, 1969) jusqu’à des épisodes plus contemporains (sur la Commune de Paris et la question militaire, l’échange de correspondances entre Sacco et Vanzetti...). Une partie de ce travail éditorial vise à publier des textes fondateurs du maoïsme (Le Mouvement “maoïste” en France, 2 tomes, 1972-1978 ; Les communistes albanais contre le révisionnisme, 1974) sans oublier plusieurs choix et présentation de textes de Karl Kautsky, Lénine, Mao-Tse-Toung, Liou Chao-Chi, Staline et Enver Hoxha.

Habitant en Sarthe à partir du début des années 1990, il relance le Bulletin international qui parut jusqu’en 1999 et créa un collectif dont l’objectif était de continuer à promouvoir un Centre d’étude sur les mouvements ouvriers et paysans (le CEMOPI créé dès 1982-1983) à l’aide d’une importante bibliothèque et de fonds documentaires très variés qu’il avait réunis tout au long de son existence. Le fonds, dont la Fondation Gabriel Péri est désormais propriétaire, est déposé et consultable à Chauvigny (département de la Vienne, Société chauvinoise de philosophie). Il continua jusqu’à ses derniers jours à porter un grand intérêt à l’histoire, notamment à celle du Parti communiste français. Il préparait un ouvrage volumineux, Aux couleurs de la France : le gâchis communiste où il devait traiter entre autres du rapport du PCF aux questions nationales et coloniales. Il mourut le 10 octobre 2008 à Saint-Mars-de-Locquenay (Sarthe). Ses archives personnelles sont déposées aux archives départementales de Seine-Saint-Denis.

Enfin, Patrick Kessel est l’homonyme d’un journaliste né en 1950, ancien grand maître du grand Orient de France, sans lien de famille et ne partageant pas ses idées politiques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article137840, notice KESSEL Patrick [KESSEL Jean-Patrick] par Jean-Numa Ducange, version mise en ligne le 10 août 2011, dernière modification le 24 février 2022.

Par Jean-Numa Ducange

Œuvre : La vie de Saint-Exupéry, Paris, Gallimard, 1954. – Le bénéfice du doute, Paris, Julliard, 1955. – Les ennemis publics, Paris, Julliard, 1957. – Moi, maréchal Burgaud : un soldat de l’ordre, Paris, Les éditeurs français réunis, 1958. – Le Peuple algérien et la guerre, lettres et témoignages d’Algériens. 1954-1968, Paris, Maspero, 1963 (en collaboration avec Giovanni Pirelli). – Le prolétariat français. Avant Marx. 1789-1830-1848. Les révolutions escamotées, Tome 1, Paris, Plon, 1968. – Les gauchistes de 89, Paris, UGE, 1969. – La nuit du 4 août, Paris, Arthaud, 1969. – Staline. Les bases du léninisme, Paris, UGE, 1969. - Sélections et présentations de Pour être un bon communiste par Liou Chao-chi suivi de Rapport au 10e congrès du parti communiste chinois (1er avril 1969) par Lin Pao, Paris, UGE, 1969. – Le prolétariat et sa dictature, Paris, UGE, 1970. – Le 13 mai 1958, le coup de Dien-Bien-Phu, suicide de la 4e, les colonels dans Alger, naissance du régime gaulliste, l’armée au pas, Paris, Le Club français du livre, 1970. – Lénine. Le prolétariat et sa dictature, Paris, UGE, 1970. – Mao Zedong. Les transformations de la Révolution, Paris, UGE, 1970. – Sacco, Vanzetti. Lettres de Sacco et Vanzetti, Paris, UGE, 1971. – Cluseret, Rossel. 1871, la Commune et la question militaire, Paris, UGE, 1971. – Lénine. La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky, Paris, UGE, 1972. – Le mouvement maoïste en France. Tome 1. 1963-1968, Paris, UGE, 1972. – Enver Hoxha. Les Masses édifient le socialisme, le parti leur fait prendre conscience : discours prononcé au plénum du Comité du Parti du district de Mati, le 26 février 1972, Paris, Nouveau bureau d’édition, 1973. – Enver Hoxha. Sur la construction du socialisme en Albanie, Paris, UGE, 1974. – Les Communistes albanais contre le révisionnisme : de Tito à Khrouchtchev, 1942-1961, Paris, UGE, 1974. – Staline. Questions et réponses : discours prononcé à l’Université Sverdlov le 9 juin 1925, Paris, Nouveau bureau d’éditions, 1975. – Le mouvement maoïste en France. Tome 2. 1968-1969, Paris, UGE, 1978. – Guerre d’Algérie : écrits : censurés, saisis, refusés, 1956-1960-1961, Paris, L’Harmattan, 2003.

SOURCES : Fonds Patrick Kessel, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (411 J et 550 J), inventaire en ligne. — Fonds Patrick Kessel à Chauvigny. — Témoignage et contribution d’Anne-Marie Kessel.

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