MARTINEZ René, André,dit parfois MARTINEZ André

Par Michel Pigenet

Né le 5 décembre 1898 au Bouscat (Gironde), mort le 25 juin 1987 à Bordeaux (Gironde) ; marin-chauffeur, puis docker à Bordeaux ; communiste, membre du comité de la Fédération girondine du PCF (1953-1954) ; syndicaliste, membre de la commission exécutive (1938-1939, 1944-1964), puis du bureau (1946-1960) et du comité national (1964-1966) de la Fédération CGT des Ports et Docks.

Domicilié à Bordeaux, fils d’un journalier docker et d’une mère sans profession, René Martinez fréquenta l’école jusqu’à onze ans. Marin chauffeur et docker, il suivit des cours marxistes à Bordeaux en 1922-1923 puis une école régionale communiste. Il avait adhéré à la Jeunesse communiste en 1922 et au Parti communiste en 1923.

Il déploya durant plusieurs années une grande activité en faveur du syndicat unitaire des marins de Bordeaux dont il était, en 1931-1932 le secrétaire. En 1932, il intervint lors du congrès de l’Union locale, tenu le 10 avril à la Bourse du Travail et où huit syndicats étaient représentés : Métaux, Enseignement, Bois, Chemins de fer État, Chemins de fer du Midi, Port, Tonneliers et Coiffeurs. Le 16 juillet 1933, il fut élu à la commission exécutive par le congrès de l’Union locale unitaire. Voir André Vrigneaud. Il était secrétaire adjoint de l’Union régionale unitaire.
Membre du Parti communiste, André Martinez fut délégué en 1932, au VIIe congrès du PC à Paris avec Hubert Ruffe et Marc Dupuy. La même année, il fut candidat aux élections législatives dans la 7e circonscription de Bordeaux. Il obtint 754 voix au 1er tour, puis 195 au second, sur environ 17 600 votants.

Après le départ d’Ernest Constant et de Marcel Gillet, René Martinez devint secrétaire général du syndicat unitaire des dockers de Bordeaux et le resta jusqu’à la réunification de 1935. Cette année-là, il fut condamné, le 5 avril, à six mois de prison pour son action le 12 février 1934. Avec le précieux renfort de Frédou-Breillac, ancien confédéré passé à la CGTU, il sut tirer parti du regain de combativité des dockers bordelais confrontés à des baisses de salaires. Au terme de discussions difficiles, ses camarades et lui-même firent les concessions nécessaires à une réunification syndicale qui n’enchantait guère Loriot et ses proches. Membre, en compagnie de Frédou-Breillac, d’un bureau dominé par les confédérés, Martinez obtint le poste non négligeable de secrétaire permanent à la propagande. À la faveur de la syndicalisation massive et des luttes de la période, mais aussi par suite de l’absence de Loriot, accaparé par ses tâches parisiennes, les unitaires prirent le contrôle du syndicat en 1937. Délégué au congrès de la Fédération nationale des Ports et Docks réuni en janvier 1938, il prit la parole au nom du syndicat bordelais, puis intervint à plusieurs reprises. Il reprocha à la Fédération d’avoir insuffisamment coordonné le mouvement social de 1936, qualifié de lutte « anarchique », et l’absence de fixation d’un salaire national. Lors du débat sur les statuts, il réclama un quatrième permanent pour l’Afrique du Nord, l’élargissement de la commission exécutive et la représentation proportionnelle. Cadre reconnu du courant unitaire, il fut du contingent supplémentaire de militants communistes intégrés à la nouvelle commission exécutive fédérale. Ces responsabilités furent cependant remises en cause l’année suivante. Une semaine après avoir été réélu au secrétariat du syndicat, le 17 septembre 1939, Martinez, déjà mobilisé, en fut éliminé, le 24. Convoqué au comité national fédéral fixé le 10 octobre 1939, il ne put y assister en raison de sa situation militaire. Loriot exigea qu’il clarifie sa position par écrit dans les dix jours sous peine d’exclusion. Selon l’intéressé, la campagne menée contre lui se traduisit notamment par la publication, pendant une permission, d’un article de journal dont le contenu menaçait sa sécurité. Après la défaite, Martinez se tint éloigné du port et aurait vécu dans la clandestinité. Il réapparut, le 28 août 1944, pour reprendre sa place à la tête du syndicat. Le 25 février 1945, une assemblée générale, réunie par Martinez et Frédou-Breillac, procéda à l’élection d’un bureau dont étaient exclus les responsables en place pendant l’Occupation. Ceux-ci refusèrent toutefois de s’incliner et créèrent un syndicat dissident. Martinez ne montra pas moins de détermination, mettant simultanément en cause Loriot devant les instances fédérales et le CDL de la Gironde. Le rapport adressé à celui-ci concluait sur la nécessité d’une arrestation qui, fut du reste exécutée. Toutes ces péripéties devaient être longuement abordées pendant l’important congrès de 1946 où Martinez participa à l’offensive victorieuse par laquelle les syndicalistes communistes confirmèrent une suprématie déjà établie dans les ports. Lui-même entra au bureau fédéral. Militant dévoué, il fit désormais équipe, à Bordeaux, avec Frédou-Breillac dont la patience, la prudence et le sens du compromis complétaient utilement sa combativité et sa rigueur.

En 1947, René Martinez résidait boulevard Alfred-Daney, à Bordeaux où il se maria en 1953. À cette date, il siégeait au comité de la Fédération girondine du PCF et y resta jusqu’en 1954. En bute, sur le port, à un début d’implantation réussie de FO rejoint par les syndicalistes évincés en 1945, Martinez s’efforça d’en contenir l’audience. L’affaire n’était pas simple. Inculpé, au début des années 1950, pour tentative de démoralisation de l’armée, il concourut aux batailles politico-syndicales menées pendant la guerre d’Indochine et « contre l’occupation américaine ». « Nous avons laissé des plumes », admettra-t-il plus tard, car « nous n’avons pas pu entraîner la masse des dockers ». À l’échelon fédéral, il se spécialisa dans l’étude des revendications des charbonniers, encore nombreux à Bordeaux, et présenta plusieurs fois le rapport de leur commission. Figure historique de la Fédération, il donnait volontiers son avis sur les questions de stratégie et d’orientation. Il s’emporta, en 1955, contre la façon qu’avaient les différents intervenants de « faire l’apologie de leur port et de critiquer la Fédération ou le secrétariat ». Il rappela que Bordeaux avait été parmi les derniers, avec Le Havre, à refuser le travail au rendement adopté partout ailleurs, mais que, « malheureusement », son syndicat avait fini par l’accepter. Revenant plus tard sur les circonstances de cette adoption, Frédou-Breillac expliqua combien il s’était « pas mal disputé avec (son) collègue Martinez qui avait pris, en 1946, l’engagement (…) d’installer la prime la prime au rendement à Bordeaux ». Préoccupé par l’élaboration d’« une doctrine commune de l’action », il admit que les Bordelais n’avait pas su conduire efficacement leur grève, en 1953, et avait ainsi fourni un prétexte à l’UNIM pour refuser l’ouverture de négociations salariales. En 1957, il annonça qu’il voterait le rapport d’activité en dépit de ses imperfections, de l’insuffisance des résultats obtenus et de la faiblesse de l’action engagée sur le terrain salarial. Il revint, une nouvelle fois sur les obstacles rencontrés dans la définition de revendications communes. En 1960, il présenta le rapport de la commission des mandats et exprima son opposition à la suppression du système de vignettes et de cotisations sociales forfaitaires, responsable du faible niveau d’indemnisation en cas de maladie ou de départ à la retraite. À l’approche de celle-ci, il souhaita ne pas être reconduit au bureau fédéral pour ne plus siéger qu’à la commission exécutive. En dépit d’une tendance, déjà ancienne, à ne pas ménager la direction fédérale, il se déclara « outré » par les attaques « erronées » et « injustifiées » déclenchées contre le secrétariat. Il s’en prit plus particulièrement à la poignée de militants des ports de la Méditerranée qui, depuis 30 ans, ne cessaient de « nous abreuver, nous saouler de critiques mauvaises ». Le climat des assises fédérales ne s’étant pas amélioré, Martinez profita de ce qu’il estimait être son dernier congrès pour constater et regretter que l’on « cass(e) du sucre sur le dos des dirigeants » et rappeler le chemin parcouru depuis l’entre-deux-guerres où « il y avait tout le temps des grèves, souvent perdues ». Fort de l’expérience acquise à Bordeaux, haut lieu, jadis, des syndicats « fantômes » catégoriels, il exprima son hostilité aux projets marseillais de décentralisation des syndicats. À l’issue du congrès de 1964, année de son retrait, à Bordeaux, du secrétariat du syndicat, il quitta la commission exécutive et passa au comité national, ultime étape avant l’abandon de toutes responsabilités fédérales en 1966. Trois ans auparavant, la Fédération lui avait remis la médaille destinée « aux vaillants de la vieille garde » pour son rôle dans les années 1935-1936.

Retraité, il dut se contenter d’une maigre pension découlant de l’irrégularité des versements opérés tout au long d’un itinéraire militant mouvementé et peu soucieux de garanties personnelles. Il demeura en contact avec ses camarades et assistait régulièrement aux initiatives syndicales. Très touché par le décès de Frédou-Breillac, en 1980, mais gêné de ne pas avoir su contenir son émotion le jour des obsèques de son compagnon, il s’excusa de ce qu’il tenait pour une faiblesse. « La vieillesse, expliqua-t-il, exacerbe la sensibilité ». Vaincu par des ennuis de santé – « signe de la débâcle » -, il ne put participer, cette année-là, au banquet des anciens, organisé par le syndicat. Faute de pouvoir se déplacer, le vieux militant assura ses camarades de sa fidélité à « une vie active intense (engagée) dans le combat quotidien pour (se) défendre avec tout le prolétariat ». Il mourut à Bordeaux le 25 juin 1987.

Marié à Bordeaux en 1953, André Martinez y mourut le 25 juin 1987.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138014, notice MARTINEZ René, André,dit parfois MARTINEZ André par Michel Pigenet, version mise en ligne le 31 août 2011, dernière modification le 31 août 2011.

Par Michel Pigenet

SOURCES : RGASPI, 495 270 8618, autobiographie, 13 mars 1932. — Arch. Nat. F7/12990, 13034, 13129. — Arch. Dép. Gironde, série M, Parti communiste, notices individuelles, 1929-1930. — Archives de la Préfecture de police de Paris : dossier 63591. — Archives de l’Institut CGT d’Histoire sociale, dossier de la commission nationale de reconstruction des organisations syndicales de travailleurs. — Archives du comité central du PCF. — Le Cri du docker, avril 1935. —L’Avenir des Ports, septembre 1951, novembre 1964, décembre 1965, novembre 1980 et mai-juin 1987. — L’Humanité, 15 avril 1932. — La Vie socialiste, n° 285, 14 mai 1932. — État civil. — Congrès de la Fédération nationale des Ports et Docks, les 27-29 janvier 1938 (Nantes) ; 19-22 mars 1946 (Paris) ; 6-8 avril 1948 (Marseille) ; 22-24 juin 1950 (Paris) ; 17-18 mai 1955 (Paris) ; 24-25 octobre 1957 (Paris) ; 18-19 mai 1960 (Paris) ; 13-14 juin 1962 (Paris) ; 17-18 juin 1964 (Paris) ; 22-23 juin 1966 (Paris). « Aperçu du syndicalisme en Aquitaine. Avec les portuaires, sur les quais du port autonome de Bordeaux », Cahiers de Institut régional CGT d’Histoire sociale d’Aquitaine, n° 47, décembre 1997. — L. Bouton, Les dockers bordelais sous la 3e République, thèse, Bordeaux III, 1992. — Entretien avec H. Fiquet et Angel Gurréa, le 6 novembre 1998.

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